Incarnation du rêve américain version neuvième art, l’artiste multi-facettes Joann Sfar pose aujourd’hui caméra et ukulélé pour s’asseoir de nouveau devant sa table à dessin et s’atteler à une toute nouvelle série : les Lumières de la France.
Celle-ci, comme son nom l’indique presque, nous ramène au temps de la France des Lumières, époque éclairée où notre beau pays s’enorgueillait de compter en son sein quantité d’hommes cultivés et raffinés.
C’est justement l’un de ceux-ci que nous rencontrerons dès les premières pages de cet album, en proie à l’horreur et à la révolte face à la barbarie engendrée par le commerce triangulaire, arrachant des hommes, femmes, et enfants à leur pays pour les revendre comme des animaux aux Amériques. N’en pouvant, plus notre bonne âme décide de prouver l’égalité des êtres humains quelle que soit la couleur de leur peau et d’exposer ses recherches au plus grand nombre.
Quoi ? Qu’entends-je ? « Déjà-vu » ? « Cliché » ? « Plan-plan » ?
Je ne vous permets pas, messieurs, nous parlons tout de même d’une œuvre de Joann Sfar !
Vous vous imaginez bien qu’avec un tel bonhomme, nous n’allons pas tout simplement nous contenter de suivre les chemins mille fois empruntés ! Ce point de départ à priori classique sera l’occasion de se moquer allègrement de ces aristocrates bien-pensants pensant bien plus, en réalité, à leur petit confort bourgeois qu’au sort de leur prochain ! Ainsi, il tournera en ridicule cet odieux bonhomme qui, pour se faire mousser, souhaite à tout prix diffuser ses écris humanitaires… dégotant les fonds nécessaires à leur publication en piochant sans vergogne dans les caisses de sa compagnie de bateaux, amassant elle-même des fortunes grâce à son activité négrière !
Une aberration parmi tant d’autres, car ici chacun – de l’écrivain au curé en passant par le poisson dans la marre – se plait à palabrer, philosopher, disserter, deviser, débattre, déblatérer, et blablater, pour, au final nous régaler d’un festival de savoureuses absurdités.
Enfin, un Sfar grand cru ne pouvant décemment pas être un Sfar sans cul, le joyeux vicelard offrira à ses personnages autant d’ébats que de débats, qu’ils fussent dans un bordel miteux au bord du port ou dans la cuisine d’une riche comtesse, le fougueux cuistot mettant tout son cœur (entre autre) à défoncer la patchole de sa coquine de maîtresse !
Oui, oui, vous avez bien lu : défoncer la patchole. Et ce n’est qu’une des nombreuses expressions fleuries dont Joann parsème ses pages, se lâchant totalement au niveau du langage comme des propos tenus.
Une totale liberté qu’il s’accorde également au niveau du dessin, se jouant et se foutant royalement des proportions et autres lignes de fuite, leur préférant mille fois un trait lâché, intuitif, et cent pour cent spontané ; remplissant ses cases de personnages s’imbriquant les uns les autres (au sens propre comme au figuré) et d’un nombre incroyable de détails et objets oniriques, invraisemblables, absurdes, anachroniques, et décalés…
Un jeu auquel se prêtera également son vieux complice Walter, déversant sur cet album un flot de couleurs vives et criardes ajoutant encore au pep’s et à la folie de ce joyeux bordel !
Alors certains lui reprocherons peut-être un certain manque de cohérence, un côté un peu foutraque et sans queue ni tête ; mais quand l’homme explique l’overdose de sérieux et de constante concentration que lui ont imposée ses escapades cinématographiques, on comprendra facilement la nécessité et la finalité du défouloir jouissif que représente en fait cette nouvelle bédé.
Les Lumières de la France, de Joann Sfar (ed. Dargaud).
clin d’oeil à Montesqieu pour le bourgeois ?
@ Goth’Girl : Bien sûr, et à Carla pour la comtesse chaude du Q !
(ho, putain, je vais avoir des problèmes, moi)
elle fait plus allumé du cul en public la comtesse même si l’italiennedoit avoir le feu aussi