Giovanni Manzoni (Robert De Niro), un mafioso newyorkais à l’ancienne, a régné pendant des années sur le quartier de Brooklyn, en pratiquant l’extorsion, le racket et autres trafics lucratifs. Mais ses activités peu légales ont fini par attirer l’attention du FBI, qui a fini par le coincer.
Arrêté, le gangster n’a pas tergiversé très longtemps : pour protéger sa famille, il a trahi la famille, balançant les noms gros des bonnets de l’organisation contre sa liberté et celle de ses proches.  Evidemment, cela n’est pas du tout conforme aux usages en vigueur dans le milieu de la mafia. On ne moucharde pas impunément ses petits camarades. Le Parrain, emprisonné suite aux révélations de Giovanni, a illico placé un contrat sur sa tête et celles de son épouse Maggie (Michelle Pfeiffer), de sa fille Belle (Diana Agron) de son fils Warren (John D’Leo) et même de son chien, Malavita . 20 millions de dollars pour le lot…
Pour pouvoir vivre sans craindre à tout moment de voir débarquer des  tueurs patibulaires, la famille entière a quitté l’Amérique pour la France, où ils vivent sous la protection d’un trio d’agents du FBI, dirigé par le vétéran Robert Stansfield (Tommy Lee Jones).
Après un bref séjour sur la Côte d’Azur, les Manzoni sont contraints de débarquer en Basse-Normandie, dans le petit village (fictif) de  Cholong-sur-Avre.

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Leur intégration est loin d’être facile…
Pas à cause de la barrière de la langue, non. De toute façon, Giovanni a un vocabulaire plutôt limité, même en anglais. Un simple “Fuck!” lui suffit à exprimer, au choix, l’agacement ou la satisfaction profonde, en fonction de l’intonation choisie.
Pas à cause non plus de la difficulté de trouver des denrées typiquement américaines, comme le beurre de cacahuète, dans les supérettes de province…
Non, le problème, c’est que quand on a passé toute sa vie dans un environnement violent, on prend tout de suite des mauvaises habitudes, et fatalement, la vraie nature de Giovanni finit toujours par s’exprimer à un moment ou un autre, ce qui n’est pas sans conséquences sur ses relations avec le voisinage.
Giovanni est en effet le mafieux-type, le genre de gars capable de péter un câble pour un rien, un peu comme Joe Pesci dans une fameuse scène des Affranchis. Un regard de travers, un mot de trop ou toute attitude trahissant un manque de respect à son égard suffit à provoquer l’explosion.

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Et si ses proches sont un peu plus pondérés que lui, leur comportement obéit également à cette logique mafieuse dans laquelle ils ont baigné pendant des années.
Maggie fait des efforts pour jouer le rôle de l’épouse-modèle vis-à-vis du voisinage, mais quand les commerçants locaux la saoulent de commentaires xénophobes sur le mode de vie américain, elle répond de manière… euh… explosive.
Belle, démontre aux lourdauds de son lycée que l’idée de « sexe faible » est légèrement dépassée et leur inculque les bonnes manières à coups de… raquette de tennis… Quant à Warren, il marche sur les traces de son papounet chéri en montant son propre business mafieux dans la cour du collège, employant les mêmes méthodes que les caïds de Brooklyn : racket, intimidations, alliances, faux et usage de faux et mainmise sur les petits trafics du bahut.
Pas de doute, chez les Manzoni, le crime, c’est dans les gènes…
Et ce n’est rien à côté des premières gâchettes de la mafia newyorkaise, qui vont finalement retrouver leur trace et transformer le village en champ de bataille…

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Adaptant le roman éponyme de Tonino Benacquista (1), Luc Besson a fait le choix de rester assez fidèle au texte original, adoptant un ton oscillant entre film noir, comédie familiale et film de gangsters américain. Il s’est juste contenté de développer un peu les différents membres de la famille Manzoni, de façon à offrir un rôle un peu plus étoffé à Michelle Pfeiffer – on ne va pas s’en plaindre -, Dianna Agron et John D’Leo. Et d’accentuer l’aspect comique, presque parodique, du récit.
Ce qui est intéressant, dans cette histoire, c’est l’affrontement de personnages aussi caricaturaux les uns que les autres. D’un côté la famille mafieuse italo-américaine type, avec la mamma qui prépare des pâtes à chaque repas et le père qui discute “amicalement” à coups de batte de baseball (petite référence à une scène marquante des Incorruptibles, avec… De Niro). De l’autre, des stéréotypes de bouseux franchouillards, gueulards, xénophobes, un peu escrocs.
Tout le monde en prend pour son grade. Aucun des personnages n’est vraiment aimable. Pas même le vieil agent du FBI, Stansfield, qui surveille les Manzoni autant pour assurer leur protection que pour s’assurer qu’ils n’iront jamais ébruiter les tenants et les aboutissants de leur arrangement, ou les petites magouilles internes au Bureau. Mais c’est là toute la gageüre du projet : rendre attachants des personnages franchement repoussants, à la morale douteuse et au comportement psychopathique. Besson y parvient relativement bien, en s’appuyant sur un casting cinq étoiles.

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De Niro est impeccable dans le rôle de ce gangster “repenti”. Il possède toujours ce charisme et cette autorité qui le rendent tout à fait crédible en leader de clan mafieux, et il a suffisamment de recul pour s’auto-parodier avec délice. Et ici, contrairement à Mafia Blues, son jeu reste relativement sobre. Il trouve la bonne distance entre la parodie et le cabotinage éhonté.
Le couple qu’il forme avec Michelle Pfeiffer fonctionne bien. L’actrice américaine, trop rare sur les écrans, illumine de sa classe chaque séquence et semble bien s’amuser dans le rôle de cette épouse-modèle, qui sait hausser le ton quand il le faut.
Tommy Lee Jones n’a qu’un petit rôle à défendre, mais il assure parfaitement son rôle, essayant de faire jeu égal avec De Niro lors de leurs joutes verbales.
Quant aux deux jeunes acteurs, ils font preuve d’une belle présence à l’écran. John D’Leo, déjà remarqué dans plusieurs seconds rôles, confirme un certain talent dramatique et Dianna Agron est une vraie révélation, volant presque la vedette, par moments, à ses monstres sacrés de partenaires.
Le casting francophone est un peu plus faible, hélas. Les acteurs forcent un peu trop le trait. Mais ils restent tous cantonnés à des rôles mineurs et cela ne déteint pas trop sur l’ensemble.

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Le point faible du film, curieusement, se situe plutôt au niveau de la mise en scène.
Luc Besson a fait le choix de ne surtout pas chercher à imiter les maîtres italo-américains du film de gangsters : De Palma, Coppola ou Scorsese (2), mais de filmer tout cela à sa façon, avec son propre style de mise en scène.
L’intention est louable, mais le résultat, à l’écran, semble trop illustratif et manque singulièrement de panache. On a connu Besson plus audacieux techniquement. A une époque, il expérimentait des mouvements de caméra inédits. Avec plus ou moins de bonheur d’accord, mais au moins, on sentait une volonté de bousculer un peu le septième art hexagonal, engoncé dans une routine trop tranquille. Maintenant, c’est lui qui semble filmer de manière un peu trop pépère. Malavita n’est pas mal réalisé, loin de là, mais on a un peu l’impression que le cinéaste, trop admiratif de ses acteurs, se contente de les regarder jouer et en oublie de peaufiner sa mise en scène.  Dommage…
On mettra aussi un bémol sur la bande-son, un peu faiblarde et truffée de morceaux pas toujours en adéquation avec les images.(3)

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Cette adaptation du roman de Tonino Benacquista, malgré son potentiel comique et subversif, est finalement un peu trop sage pour s’imposer comme une réussite majeure du genre. Et il est clair que ce n’est pas avec ce film que Luc Besson va se réconcilier avec ses détracteurs. Apparemment, ils sont nombreux à en juger les critiques souvent acerbes de nos confrères en sortie de projection-presse.
Il faudra voir si les critiques s’adressent au film lui-même ou à la personnalité du cinéaste, dont les rapports avec les média ont souvent été tendus. Car de notre point de vue, si Malavita  n’est certes pas le chef d’oeuvre de l’année, il n’en demeure pas moins un divertissement agréable, porté par un beau casting et supportant sans peine la comparaison avec bon nombre de films hollywoodiens sortis en salle ces derniers temps.

(1) : “Malavita” de Tonino Benacquista –coll. Folio – éd. Gallimard
(2) : Martin Scorsese est associé à Malavita en tant que producteur exécutif
(3) : Pour une fois, ce n’est pas Eric Serra qui a composé la BO, mais Evgueni et Sacha Galperine

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Malavita Malavita
Malavita / The FamilyRéalisateur: Luc Besson
Avec : Robert De Niro, Michelle Pfeiffer, Tommy Lee Jones, Dianna Agron, John D’Leo
Origine : France, Etats-Unis
Genre : Mafia-camembert
Durée : 1h51
Date de sortie France : 23/10/2013
Note pour ce film : :●●●● 
Contrepoint critique : Cinéheroes

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