Il y a des jours où on se demande sincèrement pourquoi on a choisi de devenir critique de films. C’est une tâche ingrate où on doit parfois se fader d’immondes navets avant de trouver quelque chose d’un tant soit peu original ou spirituel à écrire sur eux…
Ah! Rassurez-vous, A very englishman n’a rien d’un nanar. C’est juste que l’histoire qu’il raconte – tout à fait authentique – nous laisse à penser qu’il y a d’autres secteurs de la presse écrite qui sont bien plus gratifiants et bien plus lucratifs que la critique de film…

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En effet, le nouveau film de Michael Winterbottom est la biographie de Paul Raymond, un homme d’origine modeste, issu des bas-fonds de Liverpool, qui est devenu l’homme le plus riche d’Angleterre grâce à  une revue érotique, “Men only” Juste en prenant en photo des filles dénudées, aux formes pulpeuses. Il y en a qui ont vraiment la belle vie…

La destinée de Paul Raymond est assez comparable à celle de Larry Flynt, le créateur de Hustler, qui a eu lui aussi droit à son biopic, réalisé en 1996 par Milos Forman.
Comme Flynt, Paul Raymond a commencé sa carrière dans le show-business érotique, d’abord à la tête d’un spectacle itinérant – un numéro de cirque exécuté par des filles topless – puis en ouvrant sa propre boîte de nuit, le Raymond revuebar strip club, qui proposait, comme son nom l’indique des numéros d’effeuillage. Il a également créé de nombreux spectacles coquins, détestés des critiques, mais apprécié des noctambules en mal de sensations fortes.
Ses activités lui ont valu quelques déboires avec les autorités, encore très puritaines à l’époque. Il a eu quelques grosses amendes à payer, mais a malgré tout profité de la situation en faisant de ses condamnations pour outrages aux bonnes moeurs la meilleure des publicité pour ses clubs et ses shows.
Il a eu la bonne idée de diversifier ses activités au début des années 1970, en se lançant dans la presse écrite et la publication d’une revue érotique soft. Il a fait rapidement fortune, accumulant assez d’argent pour acheter la moitié du quartier de Soho.
Mais Paul Raymond a aussi eu une vie privée chaotique, marquée par une tragédie qui l’a rendu inconsolable, la perte de sa fille Debbie, à l’âge de 36 ans, alors qu’elle s’apprêtait à prendre la direction de l’empire familial.  

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Winterbottom s’intéresse surtout à cette relation père/fille très forte.
Car après tout, c’est pour Debbie que Paul Raymond a bâti cet empire, pour lui garantir un avenir radieux et lui offrir tout ce qu’elle désire. Et leur complicité a grandi au moment du divorce entre Paul et son épouse, quand la gamine a préféré rester aux côtés de son père.
Il lui en a toujours été reconnaissant, en lui offrant notamment la possibilité de réaliser son rêve de devenir chanteuse. Et quand la carrière de la jeune femme a tourné court, il lui a offert de venir l’épauler à la direction de Men Only, la préparant à prendre sa succession.
C’est aussi ce qui a indirectement causé la perte de Debbie. En côtoyant les associés de son père et en fréquentant les soirées branchées du swingin’ London, elle a découvert la cocaïne et est devenue rapidement toxicomane. Et cette addiction a provoqué sa mort, par overdose, en 1992. Paul Raymond, lui aussi consommateur de poudre blanche, n’a rien fait pour empêcher sa fille de sombrer dans la drogue – une des scènes marquantes du film le montre même préparer une ligne de coke à sa fille adorée, alors qu’elle est en train d’accoucher!
Il se sentira coupable de cette mort jusqu’à la fin de ses jours.

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En fait, A very englishman  – quel titre “français” stupide… – est surtout l’histoire d’un homme qui a voulu bâtir un empire et faire fortune, mais qui a perdu au passage ses trésors les plus précieux. 
Outre Debbie, morte tragiquement, Paul Raymond a aussi perdu le contact avec ses deux fils. Par sa faute. Il n’a jamais reconnu son premier fils, Derry, qui n’a d’ailleurs pas reçu le moindre penny lors de la succession du magnat de la presse érotique. Et son fils Howard a toujours été comme un étranger pour lui.
Il a également laissé filer les deux femmes de sa vie. Son épouse, Jean, a toléré ses escapades extraconjugales tant qu’elles restaient purement sexuelles, et est partie quand Paul s’est entiché d’une de ses danseuses, Amber. Cette dernière, plus connue sous le nom de Fiona Richmond, est devenue sa maîtresse et sa muse. Mais elle aussi a fini par se lasser de l’infidélité chronique du bonhomme et son appétit de femmes toujours plus grand.
Paul Raymond aimait la démesure, l’accumulation de biens, de richesses et de trophées. Mais il n’est pas certain que tout cela l’ait rendu heureux…

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Finalement, on va peut-être rester critique de films, alors… Et commencer par dire que A very englishman malgré son sujet et ses qualités artistiques évidentes, manque un peu d’intensité. On ne peut pas dire que l’on s’ennuie, ni que le film n’est pas intéressant. Mais c’est une oeuvre mineure dans la filmographie de Michael Winterbottom et on n’en gardera probablement pas un souvenir mémorable, si ce n’est le joli minois des actrices principales, Anna Friel (Jean), Tamsin Egerton (Fiona) et Imogen Poots (Debbie) et le numéro de cabotinage maîtrisé de Steve Coogan.
Il manque justement un peu de démesure dans la mise en scène pour coller à l’ambition du personnage principal.  et une pointe de piment érotique pour venir relever un biopic finalement assez sage.

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The look of love

Réalisateur : Michael Winterbottom
Avec : Steve Coogan, Imogen Poots, Anna Friel, Tamsin Egerton, Chris Addison, Matthew Beard, James Lance
Origine : Royaume-Uni
Genre : biopic sexy mais pas trop 
Durée : 1h41
Date de sortie France : 19/06/2013
Note pour ce film : ●●●●○○
Contrepoint critique : Le Nouvel Obs

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