Un pilote de ligne qui doit faire face à une panne imprévue du matériel et doit tenter une périlleuse manoeuvre d’atterrissage. Un équipage qui boit, qui prend de la drogue et qui pense plus à s’envoyer en l’air qu’à s’occuper du bien-être des passagers…
Cela vous fait sûrement penser au récent Flight de Robert Zemeckis. Eh bien, oubliez tout de suite la comparaison!
Dans Les Amants passagers, on est plus dans la comédie “aérienne” que dans le mélodrame “terre-à-terre”. Pedro Almodovar revient à ses premières amours, la comédie déjantée avec personnages au bord de la crise de nerfs. Pour notre plus grand plaisir.

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Car il faut bien avouer que les tourments des protagonistes du nouveau film du cinéaste espagnol sont bien plus rigolos que les errements éthyliques de Denzel Washington dans le blockbuster de Zemeckis.
Il y a déjà le commandant de bord (Antonio de la Torre), marié et père de famille, qui entretient une liaison avec Joserra (Javier Cámara), le chef de cabine, lui aussi marié et père de famille, mais assumant plus ouvertement son attirance pour les garçons. Un soir de beuverie, le pilote a également fauté avec son copilote, Benito (Hugo Silva), hétérosexuel (ou homo refoulé?).
Il y a aussi la paire de stewards, deux grandes folles assumées. Le premier,  Ulloa (Raul Alévado) est bisexuel et sauterait bien sur tout ce qui bouge. Le second, Fajas (Carlos Areces) est totalement homo, et accessoirement très croyant (comme quoi, ce n’est pas incompatible…).
Ils adorent distraire les passagers en leur offrant des chorégraphies très suggestives.  
Ah ben c’est gay, tout ça! Mais chut, il ne faut pas le dire trop fort, sinon Frigide Barjot va ressortir ses banderoles et manifester avec sa bande de zozos, ça va encore dégénérer et on aura de nouveau droit au spectacle de Christine Boutin les quatre fers en l’air…

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Mais les autres personnages, alors? Sont-ils gays eux aussi? Non, mais ils ne sont pas moins hauts en couleurs…
On passera très vite sur la classe éco. Tout simplement parce que ces passagers-là ont tous été shootés aux somnifères pour la durée du “voyage”, en même temps que les hôtesses, afin d’éviter toute panique à bord pendant la manoeuvre d’urgence que doivent effectuer les pilotes…
Direction, donc, la business class, qui contient quand même de quoi faire s’arracher les cheveux à des sociologues sérieux.

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On a Norma (Cecilia Roth), une star de l’érotisme spécialisée dans la domination SM, qui peut, donc, se montrer très autoritaire avec le personnel de cabine. Mais aussi Bruna (Lola Dueñas), une vierge de quarante ans qui affirme avoir une sorte de don médiumnique, Infante (José Maria Yazpik), un “agent de sécurité” qui ressemble plus à un terroriste, et Ricardo (Guillermo Toledo), un acteur aussi célèbre pour ses rôles que pour ses frasques conjugales, qui se retrouve tourmenté par les femmes de sa vie (Paz Vega et Blanca Suarez, on ne va pas le plaindre…).
Ajoutons à cela l’énigmatique M. Mas (José Luis Torrijo), homme d’affaires véreux qui prend la fuite pour le Mexique pendant que la faillite de sa compagnie plonge encore plus l’Espagne dans le marasme économique, mais qui est surtout préoccupé par les relations houleuses qu’entretiennent son épouse et sa fille, elle aussi portée sur le bondage et les jeux sado-masochistes… Ou encore un jeune marié et son épouse somnambule – qui fait de drôle de choses pendant son sommeil…

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Evidemment, avec tout ce monde-là, le voyage n’est pas de tout repos, sauf pour les passagers de classe éco, plongés, rappelons-le, dans une profonde léthargie. Mais pour le spectateur, c’est un vol tranquille au-dessus d’un terrain connu. Relations de familles compliquées, troubles identitaires, penchants sado-maso, personnages au bord de l’hystérie… Pas de doute, Les Amants passagers est un film 100% almodovarien. Le chef de file de la Movida continue d’explorer ses fantasmes et obsessions habituels – en mode mineur, certes – avec cette intrigue pleine de fantaisie et de légèreté, portée par un casting sexy et drôle où se retrouvent plein d’acteurs habitués de l’univers du cinéaste espagnol (dans deux caméos, on retrouve même Penelope Cruz et Antonio Banderas).

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Soyons clairs, ce n’est pas le chef d’oeuvre de Pedro Almodovar. Ni même l’un de ses meilleurs crus. Mais on le préfère dans ce registre-là que dans le mélo balourd où il était tombé avec certaines de ses dernières réalisations (La Mauvaise éducation, Les Etreintes brisées).
Plutôt plaisant, Les Amants passagers se laisse voir avec plaisir et propose une belle échappatoire à la crise économique, la détresse social et le regain de conformisme qui frappent les différents états européens.

On embarque volontiers sur Air Almodovar…    
   

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les amants passagers Les Amants passagers
Los amantes pasajeros

Réalisateur : Pedro Almodovar 
Avec : Lola Dueñas, Javier Cámara, Antonio de la Torre, Hugo Silva, Raul Alévado, Carlos Areces, Cecilia Roth
Origine : Espagne
Genre : Femmelettes  au bord de la crise de l’air 
Durée : 1h30
Date de sortie France : 27/03/2013
Note pour ce film : ●●●●●
Contrepoint critique : Studio Ciné Live

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visuels : © Paola Ardizzoni / Emilio Pereda

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