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De quoi ça parle ?

D’un père célibataire qui, sachant qu’il est atteint d’une maladie incurable, tente de trouver une famille d’accueil à son petit garçon de quatre ans, tout en le préparant à l’idée de la séparation et de la mort.

Pourquoi on pleure ?

Pas parce que le film est raté, ah ça non ! Au contraire, il s’agit d’une œuvre assez exemplaire, tout en pudeur et en délicatesse, malgré un sujet périlleux. Uberto Pasolini retrouve la grâce de son sublime Une belle fin, qui traitait déjà de la fin de vie avec une infinie sensibilité.
Il n’y a ici aucun pathos, aucun chantage à l’émotion, aucun effet mélodramatique appuyé. Juste les sentiments que l’on peut lire sur les visages du père et de son petit garçon, notamment dans les regards tendres et tristes qu’ils échangent.

Le scénario, tiré d’une histoire vraie lu dans un article de presse, se dévoile par petites touches. On comprend que John (James Norton) s’occupe seul de son fils, Michael (Daniel Lamont), la mère étant repartie vivre dans son pays d’origine, au bout du monde, juste après la naissance de l’enfant. Ce n’est pas si simple, car John est un homme d’origine modeste, qui travaille comme laveur de vitres. Il doit effectuer beaucoup de missions pour gagner de quoi assurer une vie décente à l’enfant. Le reste de ses journées est consacré à l’éducation de Michael. Il veille à lui apprendre les choses élémentaires, la politesse, le respect des autres, et lui prodigue toute l’attention possible.
L’enfant, à quatre ans, cherche parfois à tester les limites de l’autorité parentale. Il est aussi à un âge où il prend conscience de certaines choses et se pose beaucoup de questions. L’absence de sa mère, notamment, le travaille. Tous les autres enfants à l’école sont accompagnés par leur mère, sauf lui. John l’a toujours protégé en lui cachant l’abandon dont ils ont tous deux été victimes. Il utilise toujours le même prétexte : Maman est en voyage d’affaires, très loin d’ici.

Mais il va bientôt devoir trouver un prétexte pour expliquer son propre départ. Lui aussi va partir en voyage. Un trajet sans retour. On ne sait pas de quelle maladie il souffre exactement, mais il s’agit assurément d’une maladie au stade terminal, sans aucun espoir de guérison. Sa santé décline de jour en jour. Bientôt, il ne pourra plus conduire, ni travailler. Le temps presse pour trouver une famille d’accueil sérieuse, qui offrira à Michael le cadre de vie où il pourra s’épanouir, auprès de parents de substitution attentionnés. Alors, John, Michael et l’assistante sociale chargée de leur dossier multiplient les entretiens, sous le regard de plus en plus inquiet du petit petit garçon, qui ne comprend pas tout mais sent que quelque chose de grave va arriver. Il entend des mots qu’il ne comprend pas et pose de plus en plus de questions complexes : Dis, Papa, c’est quoi une adoption ? Et une famille d’accueil ? C’est quoi la mort ? Et toi Papa, quand est-ce que tu vas mourir ?

John peine à trouver les bons mots. Il n’est pas capable d’expliquer l’inexplicable, de justifier un sort aussi injuste. Il a aussi du mal à constituer la boîte à souvenirs dont aura besoin l’enfant pour se reconstruire, plus tard. Comment choisir les traces que l’on veut laisser de son passage sur terre quand on se sent soi-même insignifiant?  Pourtant, la réponse est toute proche de lui. Ce sont les moments de bonheur et de complicité avec son fils. Les valeurs qu’il lui a transmises. Des objets anodins qui, pour l’enfant, constitueront des “madeleine” proustiennes à l’âge adulte.
Dans la scène finale poignante des Sorelle Macaluso, les traces d’une vie se résument à des zones plus claires sur des murs défraîchis, dans un appartement vide, et une petite boîte à trésors. Ici, il y a juste la boîte à trésors. Une vie entière, trop courte, contenue dans une boîte à chaussures, mais qui laissera assurément une trace dans les mémoires des spectateurs de ce film bouleversant.

Autres avis sur le film:

”An outstanding piece of cinema that will destroy and inspire any and all who have the privilege of watching it.”
(Jak Luke Sharp – Clapper Ltd)

”As as the end credits roll you will be reduced to tears without fail, with the poignant conclusion providing both satisfaction and a painful sadness that could melt even the coldest of hearts.”
(Guy Lambert – The Upcoming)

Crédits photos : nsl – fournies par La Biennale di Venezia

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Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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