Après les poulpes extra-terrestres, les cannibales et les méduses immortelles, l’édition 2016 de la  Mostra de Venise est revenue à un peu plus de calme, en cette huitième journée de projections, en accueillant l’ex première dame des Etats-Unis, Jackie Kennedy, les deux ex-ennemis jurés, artisans de la paix en Irlande du Nord, Ian Paisley et Martin McGuiness, mais aussi des dinosaures et des prêtres exorcistes. On ne se refait pas…

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Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Jackie, le nouveau film de Pablo Larrain, n’est pas vraiment le biopic de Jacqueline Kennedy. Bien sûr, le personnage central est bien l’ex-Première Dame des Etats-Unis, mais il ne couvre qu’une très petite période de sa vie, à savoir les jours qui ont suivi l’assassinat de John Kennedy à Dallas, en novembre 1963. Alors qu’elle n’a pas encore pu se remettre du traumatisme qu’a constitué la mort brutale de son mari, Jackie Kennedy doit annoncer la terrible nouvelle à ses enfants, gérer la transition de pouvoir avec le vice-président, batailler avec les services secrets pour pouvoir organiser organiser les obsèques de JFK comme elle l’entend. Ce qui a intéressé le cinéaste, c’est le portrait d’une femme en pleine tourmente, qui doit étouffer ses sentiments, ravaler sa peine, retarder son deuil pour assumer jusqu’au bout sa fonction de Première Dame, entre discours officiels et conventions. Jackie Kennedy doit toujours garder le contrôle de ses émotions, veiller à ce que ses propos ne nuisent pas à la mémoire du Président ou à la réputation de ses proches. Elle se retrouve seule garante de leur héritage, de la trace qu’ils laisseront dans l’histoire.
Pablo Larrain décrit son récit comme “l’histoire d’une Reine sans couronne qui perd brutalement son trône et son mari”. Il y a un peu de ça. Comme une souveraine, Jacqueline Kennedy était entourée d’une cour de conseillers, d’attachés de presse, de personnes veillant sur le respect du protocole. Et pour incarner le personnage, Pablo Larrain a choisi de faire confiance à Natalie Portman, actrice altière capable de restituer parfaitement le mélange de force et de fragilité de cette héroïne tragique, qui a marqué l’histoire des Etats-Unis.

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Ian Paisley et Martin McGuiness ont aussi laissé une trace dans l’histoire de leur pays, en réussissant à installer une paix durable en Irlande du Nord, après des années de terreur et de guerre civile entre Catholiques et Protestants. Pourtant, réussir à réconcilier ces deux ennemis jurés, l’un, responsable du Parti Unioniste protestant, l’autre, président du Sinn Fein et ancien membre de l’IRA, avait tout du pari impossible. Pourtant, ils ont non seulement accepté de se retrouver autour de la table des négociations et à construire la paix mais ils ont aussi réussi à gouverner ensemble, en parfaite intelligence.
Colin Bateman a écrit un scénario farfelu imaginant la naissance de cet accord historique pendant un long trajet en voiture durant lequel les deux ennemis sont obligés de cohabiter. Nick Hamm l’a mis en image et transformé en un long-métrage baptisé The Journey.
Disons-le tout de suite, ce n’est pas du grand cinéma, le cinéaste n’arrivant jamais à s’affranchir des contraintes du huis-clos et à dynamiser son récit. Néanmoins, on prend un certain plaisir à suivre la joute verbale de ces deux excellents acteurs britanniques que sont Timothy Spall et Colm Meaney. C’est déjà ça…

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Il n’y a pas d’acteurs dans le nouveau film de Terrence Malick, Voyage of Time : Life’s journey. Juste la voix de Cate Blanchett pour nous guider dans ce beau documentaire qui correspond en quelque sorte à la version longue de la partie centrale de Tree of Life, dans laquelle le cinéaste américain décrivait le big bang, l’apparition et l’extinction des dinosaures et le début du règne de l’espèce humaine.
L’intérêt de Voyage of Time, c’est d’être plus proche d’un poème filmé, dont les vers seraient composés de séquences sublimes, en prises de vues réelles ou en images de synthèse, que d’un banal reportage télévisé. Projeté dans une salle IMAX, le film devrait même  valoir le coup d’oeil. Pour autant, malgré ses nombreuses qualités esthétiques,Voyage of Time ne révolutionne pas le 7ème Art. Dans la même catégorie, on peut lui préférer les oeuvres de Ron Fricke (Bakara, Samsara). Il ne révolutionne pas non plus les connaissances sur le big bang et l’apparition de la vie sur Terre, déjà traités ailleurs de façon plus exhaustive…

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Documentaire présenté dans la section Orrizonti, Liberami se montre moins beau sur la forme, mais plus original sur le fond, puisque Federica Di Giacomo nous invite à suivre le quotidien d’un prêtre exorciste italien, loin d’être de tout repos. On découvre que le bonhomme ne chôme pas. Il reçoit la visite de nombreux fidèles demandant d’être libérés du Mal. Un coup de fatigue? Sûrement un mauvais tour de Satan… Un enfant qui a de mauvaises notes à l’école? Il est sûrement possédé par un démon… Dans la plupart des cas, les “clients” pourraient parfaitement se libérer eux-mêmes des “démons” qui les tourmentent. A défaut, quelques séances chez le psychiatre pourraient aider. Ou une visite chez un ORL, car les victimes se croient obligées de parler comme Linda Blair dans L’Exorciste ou de s’exprimer par d’inquiétants borborygmes. “On dirait un chat sauvage”, s’esclaffe un prêtre face au numéro de cabotinage éhonté d’une possédée multi-récidiviste.
Le documentaire nous apprend que le nombre d’exorcismes pratiqués en Italie, mais aussi en France et dans les autres pays de la planète a fortement augmenté au cours des dernières années, qu’il existe des cursus de formation de prêtre-exorciste et qu’il est même possible de se faire exorciser par téléphone!
Le film est tellement édifiant que l’on se demande à plusieurs reprises s’il s’agit d’un véritable reportage ou d’une parodie. En tout cas, cela donne un des films les plus drôles de ce cru 2016, et en même temps l’un des plus angoissants, car tous ces possédés, factices ou non, font froid dans le dos.
Mais tant que les exorcistes prient pour le salut du cinéma et nous préservent des mauvais films, tout va bien!

A demain pour la suite de ces chroniques vénitiennes.

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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