Ca y est, c’en est fini de cette 70ème édition de la Mostra de Venise.
Le jury présidé par Bernardo Bertolucci a rendu son verdict et a choisi de primer des films qui correspondent assez bien à l’image de la sélection de cette année : des films d’auteur austères, froids, violents, qui traitent d’un monde à la dérive.
Lion d’Or pour Sacro GRA, le documentaire de Gianfranco Rosi, qui fait le parallèle entre la société italienne et des palmiers rongés par des parasites, de l’intérieur. Grand Prix pour Tsai Ming-Liang et son Stray dogs, qui décrit l’errance d’un type marginal, à la dérive à la périphérie de Taipei. Prix de la mise en scène pour Alexandros Avrana et son Miss Violence, qui, derrière la description d’un fait divers sordide, traite de la situation actuelle de la Grèce et de sa place dans l’Union Européenne…

sacro GRA - 3

Le palmarès n’a rien de honteux, même si, une fois n’est pas coutume, les chouchous des festivaliers repartent bredouilles : rien pour Tom à la ferme de Xavier Dolan, pour Les Terrasses de Merzak Allouache. Rien non plus pour Errol Morris (The Unknown known) ou Hayao Miyazaki (Le Vent se lève)… Et Philomena, le film qui avait mis tout le monde d’accord – critiques italiens, critiques internationaux et public – se contente d’un lot de consolation avec le prix du scénario.
C’est le lot de toute compétition de films. Les images d’archives projetées avant chaque séance officielle, dans le cadre du 70ème anniversaire de la Mostra, rappellent que des auteurs majeurs de l’histoire du cinéma ont ainsi été snobés par le passé, et que cela n’a pas empêché leurs films de trouver leur public.
Ce qui importe, dans ce genre de manifestation cinématographique, ce n’est pas forcément d’être primé. C’est plutôt de profiter de l’exposition médiatique du festival pour défendre son film, et le jauger par rapport à d’autres productions de haute tenue.

Si on fait le bilan de la sélection 2013, le niveau n’était pas exceptionnel, mais il y a eu de belles choses. Sacro GRA et Miss Violence ont été de bonnes surprises, Miyazaki, Gitaï et Dolan nous ont fait plaisir et même si on peut être agacés par les expérimentations poseuses de Tsai Ming-Liang ou Philip Gröning, ils faut bien reconnaître que leurs oeuvres contiennent de beaux moments de cinéma.
On regrettera juste quelques choix hasardeux de la part du sélectionneur du festival. Des films comme Tracks , Child of God ou Joe n’avaient rien à faire en compétition. D’autres, comme Fish & cat, Locke, ou Atertraffen auraient mérité d’en faire partie. Et il est dommage que la Mostra n’arrive plus à attirer des cinéastes comme Steve McQueen, Atom Egoyan ou Denis Villeneuve, qui auraient pu pimenter un peu la compétition.

Avant de refermer cette dernière chronique de la Mostra 2013, il nous reste quand même quelques films à chroniquer, pour la route.

Wolf Creek 2 - 2

On commence par Wolf Creek 2. Et cela va aller très vite, car le film ne vaut pas tripette.
Greg McLean avait fait illusion avec le premier opus, film d’horreur réaliste et brutal, qui jouait plus sur la suggestion et les meurtres hors-champ que sur l’accumulation d’effets gores. Ici, hélas, il fait tout le contraire, en versant dans la surenchère, le grand guignol et un humour noir complètement débile.
Dépouillé de tout ce qui faisait l’intérêt du film original, Wolf Creek 2 n’est qu’un banal slasher horrifique sans aucune imagination.
La seule scène “amusante” est celle où le serial-killer le plus actif d’Australie, Mick Taylor, invite une de ses victimes à jouer à une variante de “Qui veut gagner des millions”, avec un quizz concernant l’histoire de son pays. Si le malheureux candidat réussit à répondre correctement à 5 questions sur 10, il aura la vie sauve. Mais à chaque mauvaise réponse, le psychopathe lui coupera un doigt, et le jeu se transformera en “Qui veut gagner des moignons?”…
Bref, on peut zapper…  Les âmes sensibles s’abstiendront, et les amateurs de bons films également…
(Notre note : ●○○○○○)

Pine Ridge - 2

Pine Ridge se déroule également dans le cadre d’une réserve naturelle, mais aux Etats-Unis celle-là, et un peu plus tranquille…
Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, est l’une des plus grandes réserves indiennes du pays et abrite près de 20 000 Sioux Oglala. La cinéaste danoise Anna Eborn y a posé ses caméras pendant quelques mois, pour filmer quelques membres de la communauté. Elle s’intéresse principalement aux jeunes générations d’indiens d’Amérique, qui n’ont plus tout à fait le même attachement à leurs terres que leurs aînés. A travers les portraits d’une douzaine d’individus, elle aborde les problèmes rencontrés par ces jeunes, les clichés attachés aux natifs amérindiens, et porte les espoirs et les rêves de cette génération.
Elle signe un film un peu court et un peu trop contemplatif, mais qui recèle quelques jolis moments de cinéma, comme cette danse traditionnelle qu’effectue une jeune femme, sous son pow-wow, avec les montagnes en arrière-plan.
(Notre note :  ●●●●○○)

3 bodas de mas - equipe Venise

Le festival ayant été marqué par des oeuvres plutôt déprimantes, les programmateurs des Journées des Auteurs (Venice Days), ont eu la bonne idée de boucler leur programmation par une pure comédie, 3 bodas de mas.
Le film de l’espagnol Paco Leon raconte les mésaventures sentimentales de Ruth, jouée par la charmante Inma Cuesta (Blancanieves). Dans la scène d’ouverture, son copain lui reproche publiquement d’être trop timorée au lit, trop sérieuse en général, trop “normale”. Lui refuse d’entrer dans une routine amoureuse, et encore moins de se marier. Alors, il la plaque sans ménagement.
Quelques mois plus tard, alors que Ruth se remet doucement de cet affront, le goujat l’invite à son… mariage. Et il n’est pas le seul! Deux autres de ses ex vont se passer la bague au doigt, à quelques semaines d’intervalle. Ruth refuse tout d’abord d’assister à ces cérémonies qui la renvoient à ses échecs. Mais son jeune collègue Dani la convainc d’y aller, pour prouver à ces trois hommes qu’ils ont commis une erreur en la laissant tomber. Il accepte d’être son cavalier, pour ne pas qu’elle donne l’impression d’être une vieille fille aigrie.
Evidemment, selon les codes de la comédie romantique classique, ces deux-là sont appelés à tomber réellement dans les bras l’un de l’autre. Mais le chemin emprunté pour arriver à cette conclusion est, lui, un peu plus sinueux. Car à la banale bluette romantique, Paco Leon superpose une comédie trash, dans l’esprit des films des frères Farrelly ou de Judd Apatow, avec ce qu’il faut de gags scatos et provocateurs pour pimenter la chose.
Le résultat final est une comédie enlevée, souvent très drôle et toujours charmante, qui tient la dragée haute à bien des productions américaines évoluant dans les mêmes catégories.
(Notre note :  ●●●●●○)

Amazonia - 2

Pour terminer, on ne peut que parler du film de clôture de la sélection officielle, Amazonia.
Ah! Encore un film qui aurait mérité d’être en compétition cette année! Si tel avait été le cas, on aurait su immédiatement à qui décerner la Coupe Volpi du meilleur acteur! Saï, le héros du long-métrage de Thierry Ragobert, écrase en effet la concurrence grâce à son jeu extrêmement expressif, son implication physique dans le rôle, et sa bouille sympathique. Bon, cela aurait sans doute fait un peu jaser sur la Lagune, parce que Saï est… un singe. Un capucin, plus exactement, né en captivité et éduqué par les hommes.
Au début du film, on le voit tranquillement installé dans sa cage, entouré de ses jouets et de son doudou (un singe en peluche). Il est sur le point d’être envoyé ailleurs, peut-être dans un cirque ou dans un zoo. Mais quand l’avion s’écrase en pleine forêt amazonienne, le petit singe se retrouve livré à lui-même, entouré d’une nature à la fois majestueuse et hostile.
Thierry Ragobert a eu la bonne idée de construire son oeuvre autour de cet attachant personnage, car le phénomène d’identification fonctionne parfaitement. Le spectateur accompagne Saï dans sa découverte de la faune et de la flore amazonienne. Il s’émerveille comme lui de la beauté de ce décor naturel, est intrigué par l’étrangeté de certains animaux ou certains insectes, éprouve la même peur panique face à une mygale ou un serpent…
Grâce à cette construction, le cinéaste va au-delà du simple film documentaire. Il propose une expérience immersive, sublimée par l’usage du relief, qui nous entraîne au coeur de cette forêt fascinante, à la fois dangereuse et paradisiaque.
C’est un film qui saura séduire un large public, des plus jeunes aux plus âgés, et qui aura ainsi l’opportunité de relayer assez largement le signal d’alarme tiré par le cinéaste : l’Amazonie est le poumon de la planète, mais c’est un poumon malade, qui rétrécit de jour en jour à cause de la déforestation intensive à laquelle se livrent les hommes, et des écosystème entiers se retrouvent menacés. Il est impératif de préserver cette enclave naturelle, pour le bien des générations futures, et pour que survivent les espèces montrées, menacées d’extinction.
(Notre note :  ●●●●●○)

Puisqu’on parle d’extinction, on souhaite encore une longue vie à la Mostra de Venise, qui reste, après soixante-dix ans d’existence, un évènement artistique d’envergure, qui permet à de jeunes auteurs de faire connaître leur travail et qui offre aux spectateurs, dix jours durant, le plaisir de découvrir des oeuvres dans un cadre extrêmement agréable.

Sur ces belles paroles, il ne nous reste plus qu’à vous remercier d’avoir suivi ces quelques chroniques vénitiennes, en espérant vous avoir donné envie de découvrir les oeuvres ou mieux, de découvrir ce festival qui, rappelons-le, est ouvert au public.

Arrivederci e ciao a tutti!

venise 2013 bannière

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