C’est une tradition sur Angle[s] de vue, les premiers jours de janvier sont toujours l’occasion de nous pencher sur l’année cinématographique écoulée, de nous remémorer nos coups de coeur, nos découvertes, nos petits plaisirs cinéphiles coupables, nos plus belles émotions sur grand écran, et de dresser la liste des 20 films qui nous ont marqués.
Exercice difficile, tant les oeuvres que nous avons vues sont très différentes les unes des autres : fictions, documentaires, films d’animation, comédies, drames, films d’horreur, thrillers, blockbusters ou films Art & Essai, venus de différents horizons, de différentes cultures…
Il en ressort une liste forcément éclectique, même si, contrairement aux autres années, elle est un peu moins cosmopolite, la moitié des places étant occupées par des films francophones – preuve de la bonne santé de notre cinématographie.
Vous y trouverez aussi bien des films primés dans les festivals que des succès populaires, plus, comme d’habitude, nos coups de coeur personnels, des films que l’on a eu envie de mettre en avant parce qu’ils sortent des sentiers battus ou qu’ils n’ont pas eu l’exposition médiatique qu’ils méritaient.
Evidemment, il a fallu faire des choix. La mort dans l’âme, nous avons du écarter de notre liste des films comme Tatsumi, le formidable hommage d’Eric Khoo à Yoshihiro Tatsumi, Guilty of romance, le film glaçant de Sono Sion, dont nous avons aussi adoré Himizu (prix de la critique à Deauville Asia), Tyrannosaur, le film-choc de Paddy Considine, avec un duo Peter Mullan/Olivia Colman au sommet de son art.
Le tsunami a emporté The Impossible de Juan Antonio Bayona, qui nous avait submergé d’émotion. Nous avons dit adieu à Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot, que nous avons aimé à en perdre la tête. Et nous avons laissé au Diable l’âme du Faust de Sokourov et sa beauté formelle indéniable.
On aurait pu citer des films d’auteurs reconnus comme De rouille et d’os de Jacques Audiard, Cogan, la mort douce d’Andrew Dominik, I wish d’Hirokazu Kore-Eda, The we and the I de Michel Gondry, Au-delà des collines de Cristian Mungiu,
On aurait aimé mettre en valeur des films qui nous ont séduits par leur originalité comme The Oregonian, Headshot, Fleurs du mal, Querelles, Wrong, Dark horse, ou par leur beauté formelle, comme Ingrid Jonker ou Martha Marcy May Marlene, et glisser quelques petits films qui nous ont procuré beaucoup de plaisir, comme Damsels in distress – pour le charme de Greta Gerwig.
Ils sont encore dans nos coeurs et nos mémoires…
Mais il est temps de découvrir nos lauréats pour l’année 2012
1. Louise Wimmer de Cyril Mennegun
2. Couleur de peau : miel de Jung et Laurent Boileau
3. Kill list de Ben Wheatley
4. Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé
5. Argo de Ben Affleck
6. Anna Karenine de Joe Wright
7. A perdre la raison de Joachim Lafosse
8. The Deep blue sea de Terence Davies
9. Moonrise kingdom de Wes Anderson
10. Despues de Lucia de Michel Franco
11. Adieu Berthe de Bruno Podalydès
12. Cosmopolis de David Cronenberg
13. Dans la maison de François Ozon
14. Holy motors de Leos Carax
15. Les bêtes du sud sauvage de Benh Zeitlin
16. Amour de Michael Haneke
17. Du vent dans mes mollets de Carine Tardieu
18. Take shelter de Jeff Nichols
19. Saya Zamuraï de Hitoshi Matsumoto
20. Le Paradis des bêtes d’Estelle Larrivaz
Bon, ce sont nos choix, évidemment, et ils peuvent toujours être discutables, alors on a pensé à les justifier en quelques lignes, pour les plus courageux d’entre vous…
Parce que c’est la double révélation de cette année. Celle de Cyril Mennegun, jeune cinéaste au style puissant et élégant, qui trouve toujours la parfaite distance pour filmer ses personnages. Et celle de Corinne Masiero, magnifique dans la peau de cette femme en grande précarité, au bord du gouffre, mais qui s’accroche et se bat de toutes ses forces pour retrouver sa dignité.
Parce que c’est l’un de nos plus gros coups de coeur de l’année. Dans ce film d’animation, Jung revient sur sa vie et le parcours qui l’a mené à devenir dessinateur de bandes-dessinées. Il s’attarde surtout sur son enfance et le déracinement de son pays d’origine, la Corée du Sud, pour la Belgique, où une famille européenne l’a accueilli et élevé. Une intégration qui ne s’est pas faite sans heurts…
Le graphisme est superbe, le témoignage nous émeut aux larmes et le film est d’une grâce infinie. Un petit chef d’oeuvre…
3. Kill list
Parce que c’est une oeuvre forte, dérangeante, qui entremêle les genres avec une aisance désarmante – chronique sociale, film d’horreur, thriller et comédie grinçante – et qui propose plusieurs niveaux de lecture possibles, tous axés autours des aspects les plus sombres de la nature humaine : fable fantastique, trip psychanalytique, allégorie sociale,…
Et parce que c’est le film qui impose Ben Wheatley comme l’un des cinéastes à suivre attentivement du côté de la Perfide Albion…
Sans être tout à fait du même calibre, Touristes a confirmé depuis tout le bien que l’on pense de cet auteur.
4. Quelques heures de printemps
Parce qu’il traite un sujet difficile – le suicide assisté et le droit de choisir sa propre mort – en évitant les écueils qui auraient pu y être associés, le pathos et le sensationnalisme.
Parce que Stéphane Brizé est un formidable directeur d’acteurs et un cinéaste sensible.
On a préféré Mademoiselle Chambon, mais ce film-là comporte son lot de silences éloquents, de regards intenses et d’émotions contenues, jusqu’à l’explosion finale qui finit par nous emporter dans son sillon…
5. Argo
Parce que son scénario, inspiré d’une opération rocambolesque de la CIA en Iran, dans les années 1970, est brillantissime, entremêlant reconstitution historique minutieuse, comédie satirique et suspense haletant.
Parce que le contexte politique et historique de l’oeuvre – les tensions entre l’Occident et le régime Islamique iranien – trouve une résonnance particulière dans le monde d’aujourd’hui et permet de réfléchir aux problématiques assez similaires qui perturbent les relations entre l’Occident et le Monde Arabe.
Et enfin parce qu’il parvient à réconcilier grand public, cinéphiles exigeants et critiques de films, ce qui est quand même assez rare pour être souligné.
Et si vous n’êtes pas d’accord avec ce choix trop “facile”, Argo fuck yourselves!
Parce que c’est la mise en scène la plus virtuose de l’année. Rien que ça!
Pour nous, Joe Wright est scandaleusement sous-estimé au regard de son formidable talent de cinéaste, de conteur, d’artiste à part entière. Il nous épate de film en film et celui-ci ne déroge pas à la règle. Il lui manque peut-être un peu de la fameuse “âme russe”, mais il est richement pourvu au niveau de la “flamme du cinéma”…
Parce que c’est un modèle de narration cinématographique, truffé de beaux moments de cinéma et de pics d’intensité dramatique très forts. Les séquences d’ouverture et de clôture nous hanteront longtemps…
Parce que Joachim Lafosse confirme tout le bien que l’on pensait de son travail en livrant sa réalisation la plus aboutie, la plus maîtrisée.
Et parce que le film recèle de formidables numéros d’acteurs, reposant sur le duo d’Un Prophète, Tahar Rahim/Niels Arestrup, et une Emilie Dequenne remarquable, dans ce qui est peut-être son plus beau rôle jusqu’à présent, Rosetta inclus.
Parce que Terence Davies est un cinéaste rare, donc précieux, et que ses films sont toujours d’une délicatesse infinie.
Parce que ce mélodrame nous séduit par son ambiance mélancolique, tout en clairs-obscurs, par ses beaux mouvements de caméra, par ses cadrages minutieux.
Et parce que Rachel Weisz y trouve un de ses plus beaux rôles.
Parce que c’est le film de la maturité pour Wes Anderson, qui trouve le parfait équilibre entre comédie décalée, chronique nostalgique et poème filmé.
Parce qu’il raconte une histoire sentimentale à travers des yeux d’enfants.
Parce que le casting est réjouissant.
Et parce que son générique de fin est un petit bijou, un cours magistral sur la composition d’une musique de film.
10. Despues de Lucia
Parce que c’est l’un des films-choc de l’année, le genre d’oeuvre glaçante qui vous hante pendant un bon moment après la projection.
Parce que la mise en scène de Michel Franco, toute en longs plans fixes, accentue considérablement le malaise généré par le sujet, déjà assez âpre (le calvaire d’une ado humiliée et brimée par ses camarades de classe), et que le cinéaste transforme magistralement l’essai de Daniel & Ana.
11. Adieu Berthe
Parce qu’on aime l’univers de Bruno Podalydès, mélange d’humour burlesque et de poésie.
Parce que les sujets traités – la mort, la maladie, les rêves brisés – sont graves, et que le film est pourtant léger et drôle.
Parce qu’on y apprend qu’Haroun Tazieff a eu un fils, Haroun Taziouff, qui exerce comme croque-mort chez Obsecool (“Des funérailles à organiser? Hop, c’est cool avec Obsecool…”)!
12. Cosmopolis
Parce que, bien que déroutant – voire décevant – de prime abord, le film est une vraie réussite artistique. Cronenberg a su saisir l’essence du roman de Don DeLillo et la restituer à l’écran. Et il réussit à en faire malgré tout une oeuvre très personnelle, en y greffant ses thématiques propres, notamment l’idée de “mutation”. Dans ses premiers films la mutation était physique, puis elle a été psychique. Désormais, Cronenberg s’intéresse à la mutation de la société et franchit un nouveau cap de sa filmographie. Le résultat est brillant.
Mais aussi parce que, finalement, Robert Pattinson n’est pas un si mauvais acteur que cela… (petite provoc’ gratuite à l’attention des fans de Twillight)
13. Dans la maison
Parce que François Ozon n’est jamais meilleur que quand il s’aventure sur le terrain de la psychanalyse, à la frontière entre fantasmes et réalité, et qu’il offre ainsi plusieurs niveaux de lecture à ses spectateurs.
Et parce que Fabrice Luchini trouve ici un rôle qui lui convient parfaitement.
14. Holy motors
Parce qu’il s’agit d’un de films les plus fous et les plus beaux du dernier festival de Cannes, injustement ignoré par le jury.
Parce qu’il s’agit d’un vibrant hommage au cinéma d’antan et d’une réflexion sur le 7ème art d’aujourd’hui.
Parce qu’il s’agit ni plus ni moins que du film-testament de Leos Carax, qui semble s’amuser à revisiter toute sa filmographie au cours du récit.
Parce que cette histoire de fin d’un monde – à défaut de fin du Monde – nous a interpelés, et que la relation entre le père mourant et sa fille, joués par des acteurs non-professionnels épatants, nous a bouleversés.
Parce qu’on aime voir des cinéastes surgir de nulle part et nous proposer, en guise de coup d’essai, un coup de maître.
16. Amour
Parce que le duo Jean-Louis Trintignant – Emmanuelle Riva a fière allure.
Parce que le sujet, universel, trouve une résonnance particulière en chaque spectateur, en fonction de son âge et de son expérience.
Parce que Michael Haneke est l’un des seuls cinéastes au monde à être capable de transformer un acte brutal et sordide en une magnifique preuve d’amour, et réciproquement.
Parce que, même si on a vu et aimé ses courts-métrage et son premier long, La Tête de Maman, et qu’on sait qu’elle aime bien osciller entre comédie et drame, Carine Tardieu a quand même réussi à nous surprendre, nous contraignant à sortir les mouchoirs après nous avoir chatouillé les zygomatiques.
Parce que le film nous replonge avec délices dans les années 1980, entre Dallas et les jeux de 20 h.
Parce que le trio Isabelle Carré/Agnès Jaoui/Denis Podalydès, et les deux petites actrices principales sont tous au top.
Parce que l’on y apprend la vérité sur la poupée Babie.
18. Take Shelter
Parce qu’on ne pouvait pas parler de 2012 sans citer au moins un film sur le thème de l’Apocalypse.
Parce que ce film fût l’une des bonnes surprises de Cannes 2011.
Parce que le récit est magnifiquement raconté, grâce à une mise en scène qui fait lentement monter la tension, mais aussi à l’interprétation fiévreuse, hallucinée, de Michael Shannon.
19. Saya Zamuraï
Parce que c’est l’un des films les plus fous et originaux de l’année.
Parce qu’après ça, on ne verra plus les films de samouraïs de la même façon.
Parce qu’on ne pensait pas qu’un hara-kiri puisse donner des spectateurs qui rient.
Parce qu’il s’agit de l’une des plus belles et originales variations sur le deuil que l’on ait vu depuis longtemps…
Parce qu’on a eu envie de parler de ce film que nous avons beaucoup aimé, mais pour lequel nous n’avons pourtant pas écrit de critique. Honte à nous!
Parce que ce premier film aborde frontalement un sujet dur, la violence domestique, à travers un regard d’enfant, entre fantasmes et fantaisie, et que cela lui donne une tonalité très particulière.
Parce que Géraldine Pailhas Forever…
Voilà pour ce Top Films 2012…
En espérant vous avoir donné envie de découvrir ou redécouvrir certains d’entre eux.