– Furieuse, de Geoffroy Monde & Mathieu Burniat // De cape et de mots, de Flore Vesco & Kerascoët –

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Il était une fois, une jolie princesse. Sa peau était blanche comme la neige, ses lèvres rouges comme le sang, ses cheveux noirs comme le bois d’ébène… blablabla… sorcière, malédiction, pomme empoisonnée… blablabla… prince charmant, baiser d’amour pur… blablabla… mariés, beaucoup d’enfants, tout ça, tout ça…

Pfff…

Il était une fois, une jolie princesse. Ses marraines les fées se penchèrent sur son berceau et lui firent dont de la beauté, de la grâce… blablabla… sorcière, malédiction, gros dodo… blablabla… prince charmant, grosse épée, baiser d’amour pur… blablabla… mariés, beaucoup d’enfants, tout ça, tout ça…

Pfff…

Il était une fois… blabla… princesse… blabla… méchante marâtre… blabla… soulier de vair… blabla… prince, mariage, enfants, tout ça, tout ça…

Pfff…
…z’en avez pas marre de ses princesses victimes qu’ont systématiquement besoin d’un mec, un vrai, avec une grosse « épée » pour s’occuper de leur p’tit cul enrubanné dans de jolies robes aussi inconfortables que froufrouteuses ?

Bah, ça tombe bien : ce mois-ci, ce n’est pas un mais deux contes modernes que nous proposent les éditions Dargaud, avec de la princesse qui-n’en-veut et qui s’laisse pas faire, profitant des cases de ces jolies BD pour péter les cases dans lesquelles les enfermeraient volontiers les vieux machos archaïques !

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Dans Furieuse, bien que l’on commence avec du très classique – Arthur, Merlin, épée magique et tout le tintouin – très vite on cèdera la place aux dames pour s’intéresser à la fille dudit Arthur. Le vaillant roi, après avoir terrassé les armées de démons, se retrouve aujourd’hui terrassé par une armée de bouteilles, vil ivrogne qu’il est devenu. Afin de se préserver des réactions aussi pitoyables que violentes de son ignoble poivrot de père, ainsi qu’au mariage avec le vieux et ventripotent Duc de Cumbre qu’il lui a arrangé ; Yzabelle, volontaire et téméraire, chourre l’épée magique du vieux et se sauve du château paternel, en quête de sa frangine ayant déjà emprunté le même chemin salvateur. Enfin, « salvateur », sur le papier… une fois franchies les grilles du château, la vie dans le royaume se révèlera tout autre : villages cradingues, peuple qui croule sous la misère, et des dangers à chaque coin de rue pour ces pauvres demoiselles, véritables proies de tout homme croisé, de la brute libidineuse au puceau en rut ! Sauf que la Yza’, c’est loin d’être une pauvre demoiselle ! Armée de son épée magique et d’un courage hors pair, la princesse en détresse se transformera en bête furieuse pour te révolutionner tout ce vieux monde à papa !

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Et si la balaise Ysa’ devient la reine la bagarre, dans De cape et de mots, c’est par le verbe que la frêle Serine échappera à sa piètre condition. Rabaissée au rang de jolie potiche et destinée à un mari qu’on lui impose, Sérine, prend également la fuite et décide d’intégrer le club très fermé des demoiselles d’honneur de la Reine. Seulement, si intégrer ledit club fut relativement aisée pour une fille si débrouillarde et vive qu’elle, y trouver sa place reste une tout autre histoire : véritable nid de vipères, les demoiselles d’honneur, jalouses et pernicieuses, s’évertueront à lui rendre la vie infernale… jusqu’à lui faire perdre la face – et sa place – auprès de la Reine ! Mais qu’à cela ne tienne : plutôt que de faire de la figuration auprès de la Reine, elle se rendra utile après du Roi lui-même, devenant ainsi son fou à l’œil aiguisé et à la langue bien pendue ; joyeux drille qui saura le divertir… et fidèle allié qui saura assurer ses arrières !

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Deux contes résolument modernes, donc, tant par leur approche, leur traitement et leurs thèmes bien plus contemporains qu’ils n’y paraissent, que par leur graphisme respectif : le premier affichant un découpage dynamique, un style et des couleurs pops illustrant idéalement la fougue et badasserie d’Ysa, le deuxième s’appuyant sur le trait aérien et les sublimes aquarelles lumineuses des Kerascoët pour mieux figurer l’espièglerie et la vivacité de Serine.

Ainsi, afin de cesser d’inculquer aux petites filles que seul un prince charmant peut les sauver – en les enfermant à la cuisine, qui plus est – revoyez votre bibliothèque, et à côtés des grands classiques d’hier, placez-y ceux de demain !

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* Furieuse, de Geoffroy Monde & Mathieu Burniat (Ed. Dargaud)
* De cape et de mots, de Flore Vesco & Kerascoët (Ed. Dargaud)

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