Edgar se réveille dans un appart’ qui lui dit vaguement quelque chose… le sien ? Celui de son enfance ?
Dans une chambre d’enfant – la sienne ? La chambre de son enfance ? – il trouve une photo de deux petits garçons… Lui lorsqu’il était enfant ? Et l’autre petit garçon lui (?) ressemblant comme deux gouttes d’eau ? Un jumeau ? Le sien ? Son frère et lui lorsqu’ils étaient enfants ?
Un sentiment étrange l’étreint. Il sait mais ne sait pas… Il sent mais sait pas… Il ressent mais ne sait pas quoi…
Puis il s’endort.
Il se réveille sur un banc. Sans savoir où il est. A côté d’une mamie. Sans savoir qui elle est. Ceci-dit, elle ne sait pas non plus qui elle est. Ni où ils sont. Elle s’est réveillée là, comme ça. Elle s’est réveillée là, comme lui. Et lui, qui est-il ?
Il s’endort.
Il se réveille dans un appartement… le sien ? On sonne à la porte… la sienne ? Il ouvre. Une femme lui demande si elle est en retard. Il ne sait pas si elle est en retard, car il ne sait pas qui elle est. Ceci-dit, elle ne sait pas non plus si elle est en retard, vu qu’elle ne sait pas chez qui elle est. Ni ce qu’elle fait là. D’ailleurs, elle ne sait pas non plus qui elle est. Qui elle est, elle essaye de s’en rappeler grâce aux quelques objets qu’elle trimballe dans son sac en plastique. Elle les lui montre. Puis elle s’endort.
Puis il s’endort.
Il se réveille dans le lit d’une femme. Nue, la femme. Nu, il l’est aussi. Ont-ils couché ensemble ? Il ne sait pas. Il ne sait pas qui elle est, non plus. Qui elle est, le sait-elle ?
Qui est-elle, qui est-il, où sont-ils, où vont-ils, que font-ils, que devraient-ils faire…?
Que devrait-il faire ?
Il ne sait pas.
Que devrait-il faire ?
Peut-être le saurait-il s’il ne dormait pas ?
Que doit-il faire ? Ne plus dormir !
Ainsi, Edgar s’embarque dans une quête mystico-chelou dans un monde familièrement étranger… ou étrangement familier… si ce n’est qu’il y croisera un homme habité par des fourmis, une bande de bucheronnes shootées à la limace, ou encore un ours docteur ès tranches d’arbres !
Oui, chelou, hein ?! Du coup, vous vous dites qu’avec un scénar’ si barré, les dessins l’illustrant doivent être totalement surréalistes, non ? Hé bien, détrompez-vous : plus réalistes, tu meurs : pas de dessins en ce pages, mais des photos ! En effet, quitte à pousser le curseur à fond, les audacieuses éditions Flblb optent ici pour le roman-photo, cousin de la BD tombé en désuétude depuis la fin des si kitchouilles années 80s. Mais attention, loin de nous ressortir le vieux roman-photo aux images fadasses et « acteurs » insipides tout droit sorti du Paris Match de mamie, Flblb nous proposent aujourd’hui un objet totalement foufou où chaque photo se révèle réellement réfléchie et pensée, cadrée et recadrée, découpée et redécoupée, travaillée et retravaillée, recolorée et surcolorée, pour un résultat qui pète et titille la rétine… parfait écrin hallucinogène à cette histoire totalement hallucinante !
Tel le phœnix, le roman-photo renait donc de ces cendres via cet album hybride où la nostalgie cède place à la modernité ; pile à la croisée de la bande dessinée, du théâtre et de la photographie, où acting, scénographie, art de l’image et du verbe se mélangent pour un feu d’artifice des plus surprenants !
La déflagration des buissons, de Julie Chapallaz (Ed. Flblb)