– L’été à Kingdom Fields, de Jon McNaught –

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Voyage en voiture. Par la fenêtre, le ballet incessant des voitures, le défilé de poteaux électriques, un tunnel, des poteaux électriques à nouveau… La mère conduit, la fillette regarde par la fenêtre, le jeune ado’ joue sur son portable.

Pause sur l’aire d’autoroute. Le mère et la fillette se dirigent vers le centre commercial, le jeune ado’ traine le pas derrière. Bruit des moteurs des voitures au loin. Bruit des moteurs des appareils de climatisation, aussi. Le ballet des corbeaux qui pillent les poubelles débordantes. Défilé des enseignes, Burger King, Starbuck, Arcade…
Leur fast food « fastement foodé », le jeune ado’ demande des pièces pour les jeux vidéo, sa mère – désolée – refuse, la fillette va jouer un peu sur les balançoires de la station, le jeune ado’ se pose devant un jeu vidéo en mode démo’, la mère attend…

Reprise du voyage. Moins de voitures. Moins de poteaux électriques aussi. La mère conduit, la fillette regarde par la fenêtre, le jeune ado’ s’est endormi.

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Arrivée à destination. Au fond, la mer. Devant, le camping et ses alignements de mobil-homes, bien réguliers. Le ballet des mouettes qui pillent les poubelles débordantes.
Première soirée, la mère, la fillette et le jeune ado’ regardent la télé. La mère, peu impliquée dans le film, tente une discussion mais le jeune ado’ est absorbé par son portable et la fillette, elle, regarde vraiment le film.

Ainsi continueront les vacances, le ballet du soleil qui monte et redescend dans le ciel, le temps qui passe, les promenades sans entrain dans les dunes, les balades au sordide musée du coin par jours de pluie, les visites emplies de triste mélancolie chez la grand-tante, les vies parallèles de la mère, de la fillette et du jeune ado’ qui habitent ensemble sans vraiment cohabiter.

Une tranche de (morne) vie d’un bout de famille qui ne communique plus et qui paradoxalement en dit tellement plus que ce qu’elle laisse entrevoir, car au travers de ces quelques jours de vacances à la mer, l’auteur aborde de nombreux sujets – la séparation, la monoparentalité, l’adolescence, les relations frère/sœur, le fossé intergénération – mais ce, sans jamais imposer sa vision des choses. D’ailleurs, Jon McNaught sera très avare en mots au fil de ces pages, préférant le ressentit aux longues, les onomatopées remplaçant les bulles de texte pour mieux signifier le manque d’échange entre les personnages, et au-delà, leur omniprésence écrasante pointant la lourdeur dudit manque d’échange. Une impression d’étouffement encore accentuée par le nombre et la taille des cases, le dessin se retrouvant souvent écrasé dans de minuscules cases étriquées, parfois multipliées jusqu’au nombre de 35 par page !

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Et pourtant, malgré ces thèmes peu entraînants, malgré que triste nostalgie, monotonie et mélancolie se retrouvent au centre de cette histoire, jamais on ne s’ennuie, tant les personnages nous touchent par leur fragilité, le récit se déroule avec maestria, doucement mais sûrement, et que le graphisme – également minimaliste et pourtant des plus originaux de par ses rares traits et son utilisation des couleurs – nous envoute…
…Une bien jolie parenthèse (dés)enchantée.

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* L’été à Kingdom Fields, de Jon McNaught (ed. Dargaud)

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