– Shangri-La, de Mathieu Bablet –

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Dès son premier album, Mathieu Bablet a su nous charmer grâce à ses dessins d’une qualité et d’une personnalité impressionnantes. Première impression qu’il a largement confirmée par la suite grâce à son diptyque Adrastée et ses remarquables participations au collectif DoggyBags.
C’est donc avec un immense plaisir doublé d’une impatience non contennue que l’on s’est jetés sur Shangri-La, son nouveau grand projet solo.

Et là, coup de maître : malgré notre optimisme et nos bons espoirs, le résultat se trouve encore quelques crans au-dessus de nos attentes ! Sans vouloir exagérer, nous pourrions presque affirmer qu’à 30 piges à peine, Mathieu Bablet nous propose déjà si ce n’est son chef d’œuvre, une pièce maîtresse dans ce qui sera à coup sûre une œuvre de grande volée !

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En premier lieu, félicitons l’éditeur, qui a su offrir à ce livre l’ampleur qu’il mérite via ce bel objet aux dimensions généreuses et au classieux dos toilé. Un bel objet qui renferme des planches de toute beauté, au dessin grandiose, à la fois des plus lisibles et fluides tout en faisant preuve d’une putain de personnalité et regorgeant de mille détails. Quel plaisir de s’attarder sur chaque case pour être sûr d’en saisir toute l’essence. Il faut dire que Mathieu Bablet y apporte un soin tout particulier, ne laissant rien au hasard. Décors, architecture, vêtements, postures et expressions des personnages : tout est pensé et travaillé pour vous immerger au plus profond dans l’histoire, vous faire ressentir les moindres émotions des personnages ; mélancolie, colère, claustrophobie, espoir ou désespoir…
Une immersion encore appuyée par le fabuleux travail sur les couleurs offrant une ambiance si particulière à chaque scène, et un sens des cadrages tout bonnement hallucinant, jouant sur les perspectives, les reliefs mais également les « vides » pour parvenir parfois à nous refiler une véritable sensation de vertige au détour d’une pleine page flirtant tout bonnement avec la perfection !
Grandiose, j’vous dis !

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Mais ce qui me pousse à parler de chef d’œuvre, c’est que loin de n’être qu’une coquille vide, ce fabuleux écrin renferme une histoire ne servant pas uniquement de prétexte à ce trip d’esthète saptio-futuriste !

Au travers de personnages extrêmement bien écrits, l’auteur nous fait vivre une histoire à la fois captivante, touchante, effrayante et révoltante.
Une vraie histoire de science-fiction puisant ses racines dans les grands classiques du genre, mais capable de digérer parfaitement ces références pour nous proposer un récit original et dépaysant, tout en étant diablement d’actualité et finalement pas si éloigné de notre quotidien.
En nous embarquant sur cette station spatiale où nos semblables de demain se sont vus contraints de s’entasser après avoir épuisé tout le potentiel vital de notre bonne vieille Terre, c’est bien l’Homme d’aujourd’hui qui est visé par les critiques acerbes de l’auteur : les ravages écologiques que perpétués chaque jour un peu plus, bien sûr, mais également une surconsommation à la limite de la boulimie, l’asservissement aux médias toujours plus manipulateurs (et manipulés), la dépendance aux écrans et l’individualisation qui en découle, la banalisation de la pornographie et son omniprésence, une xénophobie et un racisme décomplexé, pour ne pas dire assumé voire revendiqué…!

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Pourtant, aussi désespérés les thèmes abordés puissent-ils paraître, jamais l’album ne sera déprimant, tant la maîtrise dont son auteur fait preuve sur tous les plans nous enchante à chaque instant. Au final, lorsque vous terminerez votre lecture, c’est tout naturellement que vous continuerez réfléchir à ce Shangri-La, osant la comparaison aux autres monuments de la science-fiction, vous disant qu’il y a ici du Kubrick, du Philip K. Dick, du Ridley Scott, du Asimov, et bien d’autres illustres noms encore… mais que surtout il y a du Mathieu Bablet, et qu’il n’a pas à rougir, le petit !
Au risque de me répéter : un grand coup de maître !

Couv

Shangri-La, de Mathieu Bablet (ed. Ankama – Label 619).

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