Dans un article précédent, j’abordais l’affection de Benjamin Lacombe pour ces femmes-enfants aux grands yeux d’où s’échappent tant de douceur et de mélancolie. Et quelle meilleure reine pour ces princesses que Marie-Antoinette, cette pauvre enfant arrachée à son pays natal pour être jetée en pâture à la cour de France, éternelle incomprise, que ce fut par le peuple comme par son propre mari ?
Afin de relater son histoire de manière beaucoup plus intime que ce que l’Histoire nous relate, l’auteur s’évertue ici à reporter et réécrire, voire même réinventer et imaginer, les pages du carnet personnel de Marie Antoinette, les consignes qu’elle recevait de sa mère, la recette des pistoles au chocolat dont elle raffolait tant, ou encore une lettre de ce cher Comte Fersen qui sut enflammer son cœur jusqu’à son dernier soupir…
Des textes pour lesquels il s’est réapproprié le français d’antan – son vocabulaire, ses expressions, ses tournures de phrases – et qu’il fit relire à une historienne dans un souci d’authenticité et d’exactitude, mais qui, par leur caractère personnel, apportent un aspect beaucoup plus sensible et chargé d’émotion à l’ouvrage.
Ainsi, on réalisera les efforts que la pauvre femme s’imposa tout au long de sa vie de reine, pour répondre au mieux aux diktats et aux conventions inhérents à son statut sacré, aux attentes de sa mère, de son époux, de son peuple ; elle qui masquait derrière de grandes réceptions, de splendides toilettes, des bijoux étincelants, et des coiffures toujours plus folles et extravagantes son manque et son besoin de liberté, de bonheur, et d’un amour réel, intense, passionné et passionnel.
Ces mots Benjamin Lacombe les illustre comme à son habitude de magnifique images, issues de différentes techniques et rappelant parfois des gravures d’époques, d’autres fois des toiles de maîtres, ou même des dessins pamphlétaires extraits des journaux populaires d’alors. Des images auxquelles il apporte néanmoins sa touche toute personnelle reconnaissable entre toutes, et ce soin hallucinant que l’on retrouvera dans chaque détail de chaque dessin, qu’il s’agisse d’une parure, d’une boiserie, d’une tapisserie… et bien sûr de ces regards sans pareil au travers desquels ses personnages dévoilent leur âme sans fard ni aucun artifice.
Ces si beaux mots, ces si belles images, méritaient un écrin à leur juste valeur ; c’est donc tout naturellement que nous les retrouvons au sein de la collection Métamorphose, qui, une fois encore, mettra tout son savoir-faire au service d’une œuvre admirable pour nous offrir un livre magnifique, tant sur le fond que sur la forme.
Marie-Antoinette, carnet secret d’une reine, de Benjamin Lacombe (ed. Soleil – Métamorphose).