LaRoyRay (John Magaro), homme discret et sans histoires, travaille avec son frère Junior (Matthew Del Negro) dans la quincaillerie familiale qu’ils tiennent à LaRoy, une petite ville texane. Il est marié à Stacy-Lynn (Megan Stevenson), une ancienne reine de beauté locale, mais leur couple semble battre de l’aile. Elle lui reproche notamment son manque d’ambition et d’énergie, qui la bloquent dans ses projets personnels. Un jour, dans un bar, Ray croise Skip (Steve Zahn), un ancien camarade de jeunesse, devenu détective privé, qui lui montre les clichés d’une de ses dernières filatures. Sur ceux-ci, on voit Stacy-Lynn sortir d’un motel, probablement après des relations sexuelles avec un autre homme. Ray accuse le coup et achète une arme, décidé à mettre fin à ses jours. Il se gare sur le parking d’un motel, prêt à appuyer sur la gâchette, mais au moment fatidique, un inconnu fait irruption dans sa voiture. Celui-ci le prend pour le tueur qu’il a engagé pour se débarrasser d’un avocat nommé James Barlow et à qui il a donné rendez-vous sur ce parking. Il lui donne une forte somme d’argent et l’adresse de la cible, lui promettant une somme encore plus importante une fois le contrat finalisé. D’abord décontenancé, Ray accepte cette tâche imprévue, autant pour se prouver qu’il n’est pas une mauviette que par appât du gain. Il se dit qu’avec cette somme, il pourrait permettre à Stacy-Lynn d’ouvrir le salon de beauté dont elle rêve et donner à son couple un second souffle. Mais l’affaire va s’avérer plus compliquée que prévue, d’une part car la victime n’est pas décidée à se laisser occire, d’autre part car cet assassinat implique d’autres personnages véreux et leurs affaires crapuleuses. Enfin et surtout car le vrai tueur, Harry (Dylan Baker), n’est pas très content d’avoir été doublé…

Dans l’esprit, le script du premier long-métrage de Shane Atkinson ressemble beaucoup au Fargo des frères Coen. On y retrouve le même ton, oscillant constamment entre humour grinçant, drame et film noir classique, et le même genre de personnages hauts en couleurs, pauvres types embringués dans une histoire qui les dépasse, femmes fatales sur le retour et tueurs monolithiques.
Mais si LaRoy s’inscrit dans la lignée de Fargo, il lui manque toutefois ce petit quelque chose en plus, ce grain de folie, qui faisait le prix du film et presque davantage de la série qui en a été tirée. Ceux-ci reposaient sur des scénarios finement ciselés, entraînant les personnages dans un engrenage infernal dont ils ne pouvaient pas sortir indemnes, chacune de leurs actions ayant des conséquences funestes ou entraînant d’autres catastrophes. Ici, la progression du scénario est plus linéaire. Atkinson essaie bien de ménager quelques surprises et retournements de situation, mais on devine assez facilement que le récit converge vers un affrontement entre Ray et Skip, les apprentis bad boys, et Harry, le tueur professionnel.
Du coup, l’intrigue ronronne un peu trop, et comme le rythme du film est volontairement assez lent, on peut être tenté de décrocher.
On aurait aimé que l’oeuvre soit entièrement construite sur le même modèle que sa séquence d’ouverture, assez savoureuse. On y voit un homme s’arrêter pour prendre en stop un type en panne au bord d’une route isolée, en pleine nuit. Un dialogue s’initie entre le conducteur et le passager. Le premier avoue au second qu’il a hésité à s’arrêter, car on ne sait jamais trop sur qui on peut tomber sur ces routes isolées. Le second lui confirme qu’il a bien fait de se méfier, car il pourrait très bien être un tueur qui lui a tendu un piège. Moment de malaise qui se prolonge jusqu’à ce que le passager dise qu’il plaisantait. Puis le conducteur reprend la main en taquinant son invité, laissant entendre qu’il pourrait lui aussi lui avoir tendu un piège…
Joli moment, entre comédie noire et thriller glaçant, mettant en scène des personnages ambivalents et complexes. Malheureusement, la suite du film ne retrouve jamais totalement cet équilibre et ce côté imprévisible.

Pour autant, il convient de reconnaître que ce cocktail de comédie, drame et film noir tient plutôt bien la route, et que, pour une première réalisation, le cinéaste montre déjà une certaine maturité, notamment dans la direction d’acteurs. Le résultat laisse présager d’un bel avenir pour son auteur. Sa carrière commence déjà bien, puisque LaRoy a triomphé lors du dernier Festival du Film Américain de Deauville, où il a remporté le Grand Prix, le Prix de la Critique et le Prix du Public.


LaRoy
LaRoy, Texas

Réalisateur : Shane Atkinson
Interprètes : John Magaro, Steve Zahn, Dylan Baker, Megan Stevenson
Genre : Fargo-like
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h52
Date de sortie France : 17 avril 2024

Contrepoints critiques :

”[LaRoy] réussit surtout le pari de nous faire rire de la tragédie des mœurs américaines, tout en distillant une leçon de vie sur la façon dont ce risible individualisme efface dangereusement les frontières entre bien et mal. “
(Frédérique Lambert – Culturopoing)

”Le premier long-métrage de Shane Atkinson est grinçant, drôle, cruel, parfois hilarant. Sans doute est-il un peu trop prisonnier de sa volonté de rendre hommage au cinéma des frères Coen, ce qui implique un surplomb sur les protagonistes, tous, ou presque, réduits à des caricatures de ploucs.”
(Jean-François Rauger – Le Monde)

Crédits photos : Copyright 2023 LAROY PRODUCTIONS LLC

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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