L’humeur du festivalier est à l’image de la météo de cette année, irrégulière et changeante.
La journée a fort mal commencé, avec deux tentatives d’assister aux projections de la sélection officielle, les nouveaux films de Mike Leigh et Woody Allen. Et deux échecs !
Trop de festivaliers, trop peu d’invitations en circulation, et trop de bazar aux marches du palais, entre les vendeurs de journaux, les distributeurs de publicités, les curieux, les joggers, les promeneurs du dimanche ayant un jour de décalage, les vendeurs à la sauvette tentant de vendre des chapeaux et des lunettes pour se protéger du soleil, en forme ce matin sur la Côte d’Azur…
Dans l’impossibilité d’aller voir Another year, j’ai dû me rabattre, frustré et d’humeur maussade, sur un film de la Quinzaine des Réalisateurs, au titre évocateur : Shit year (littéralement, une année de merde…). Le scénario avait de quoi faire un peu peur puisque le film de Cam Archer, nous plonge dans l’univers pas très joyeux d’une actrice dépressive, fraîchement retraitée et en pleine crise sentimentale… Mais, c’est bien connu, le malheur des uns fait le bonheur des autres : cette oeuvre atypique, quasi expérimentale, filmée dans un noir et blanc superbe et portée par une Elle Barkin en état de grâce, constitue une des belles surprises de ce début de festival.
Il ne s’agit pas d’un film facile d’accès, et il est fort probable qu’il laissera plus d’un spectateur sur le bord de la route , mais c’est un indéniablement un bel objet d’art.

shit year - 2

Dans le registre noir et blanc expérimental, j’ai rattrapé, toujours à la Quinzaine, Petit bébé Jésus de Flandr. Mais là, force est de constater que je n’ai pas été franchement emballé. Si le film bénéficie lui aussi d’une photo superbe et de quelques beaux mouvements de caméra, le scénario et la finalité de la chose laissent perplexe. S’il fallait résumer le film en une phrase, je dirais, un rien provocateur, qu’il s’agit de l’assemblage contre nature d’une publicité pour Simyo et l’Ordet de Dreyer. En gros, l’idée est de n’employer que des acteurs trisomiques – ou presque – et de leur faire jouer des scènes ésotériques inspirées de la Nativité chrétienne, au rythme désespérément lent.
Il faudra un jour s’interroger sur la fixation que font les sélectionneurs de la Quinzaine sur l’histoire des Rois Mages, parce qu’après le déjà très chiant Chant des oiseaux il y a deux ans, cette nouvelle variation autour du thème ressemble un peu à une blague intello de mauvais goût où au résultat d’un atelier de théâtre amateur ne présentant que peu d’intérêt artistique. Evidemment, on peut aussi se dire que ce genre d’OFNI peut difficilement être vu ailleurs que dans les festivals…

Beaucoup de bizarreries cette année à la Quinzaine, puisqu’était présenté Somos lo que hay, une histoire… de cannibales ! Mais attention, pas un film d’horreur classique, non. Plutôt un film art & essai cherchant à montrer la difficulté de vivre au Mexique, pour les familles des classes les plus défavorisées, et/ou une variation sur les relations familiales. La tentative de mixer les genres était audacieuse, mais le résultat est bancal, très inégal…

you will meet - 2

Après cette parenthèse dans la curieuse sélection de la Quinzaine, reprise en main par Frédéric Boyer après le départ d’Olivier Père au festival de Locarno, j’ai pris mon courage à deux mains pour tenter à nouveau d’accéder aux films du palais. Manque de chance : la pluie était de retour sur la Croisette – et pas un fin crachin, plutôt une averse de compétition, si vous voyez ce que je veux dire… De quoi rajouter au bazar aux marches du palais, entre les distributeurs de journaux gratuits, un gars en armure (sic!), les curieux, les promeneurs du dimanche pressés de rentrer avant d’être trempés, les vendeurs à la sauvette tentant de vendre des parapluies…
Ce ne fut pas aisé, mais j’ai finalement réussi à accéder à la projection du nouveau film de Woody Allen, pour mon plus grand bonheur. Soyons clairs, You will meet a tall dark stranger n’est ni le plus amusant, ni le plus brillant des films du cinéaste new-yorkais. Mais, après l’excellent Whatever works, brillante variation sur l’amour et le hasard, le cinéaste creuse encore ses thèmes de prédilection, en les actualisant un peu, et en jouant sur l’opposition entre hasard et destin. Alors ne faisons pas la fine bouche, un Woody Allen, même mineur, est toujours un vrai plaisir de cinéma, à la mise en  scène pétillante, parfaitement rythmée, aux dialogues soignés et à l’interprétation savoureuse (ici, le casting compte dans ses rangs Naomi Watts, Anthony Hopkins, Josh Brolin…)

Another year

Et puisque les astres étaient désormais en ma faveur, j’ai aussi pu assister à la projection officielle de Another Year, en présence de Mike Leigh et de ses comédiens, grâce à l’invitation d’une cinéphile très sympathique – j’en profite pour remercier toutes les personnes qui me font profiter des précieuses invitations permettant d’assister aux séances du palais.
Il est assez amusant d’avoir programmé les séances des films de Mike Leigh et Woody Allen, car les deux hommes ont des thématiques communes. Leur ambition est de décrire les angoisses existentielles de personnages hauts en couleur, de parler des choses de la vie et de l’amour, sous la forme de comédies douces-amères aux dialogues ciselés. Another year est un film intimiste reposant exclusivement sur ses personnages – et les comédiens qui les interprètent, tous excellents. A savoir un couple “parfait”, sans histoires, et la galerie de loosers attachants qui gravitent autour d’eux, sans doute plus profonds qu’ils n’y paraissent. Les festivaliers ont diversement apprécié le film – un peu ennuyeux pour certains – mais moi, j’ai beaucoup aimé.

Un petit mot sur les autres sections du festival, rapide puisque mes projections du jour se sont réparties entre la sélection officielle et la Quinzaine, et que je n’y ai donc pas mis les pieds :
A Un Certain Regard, Xavier Dolan semble avoir séduit le public avec Les amours imaginaires, un an après son triomphe à la Quinzaine pour J’ai tué ma mère. Pas d’écho, en revanche sur le film Unter dir die stadt de Christoph Hochhaüsler…
A la Semaine de la critique était présenté Dear Prudence de Rebecca Zlotowski. Et Rubber a provoqué une petite bousculade. Il faut dire que la nouvelle comédie de Quentin Dupieux, précédée d’une flatteuse réputation. J’en saurai un peu plus lorsque j’aurai de nouveau croisé mon confrère blogueur Nico, de Filmosphère, qui devait y assister.

Car oui, la blogosphère/webzone ciné française est bien représentée à ce 63ème festival de Cannes. Outre les blogueurs du projet Cannes Inside qui couvre le festival à l’aide de messages twittés, parmi lesquels Rob Gordon ou In the mood for cinéma, j’ai pu croiser ou apercevoir Rom J de I’ll be blog, Benoît de Laterna Magica ou mes amis d’abus de ciné

Kaboom

Pour boucler cette riche journée, je me suis offert une petite récréation avec le film présenté en séance de minuit (1h du matin, plutôt…) : Kaboom de Gregg Araki. Un film complètement déjanté, drôle, mystérieux, truffé de scènes  inquiétante ou érotiques, qui commence comme un teen-movie déviant pour basculer dans le délire le plus complet. Parfait pour une séance de minuit, dans une ambiance très bon enfant.

Le revers de la médaille, c’est que la nuit va être courte, très courte… Pas de grasse matinée du dimanche matin pour les festivaliers !

Cannes 2010 bandeau

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