Ca doit être une tradition nuptiale propre aux anglo-saxons, un peu comme celle du “Something old, something new, something borrowed, something blue”…
Pour réussir son mariage, il semble falloir impérativement inviter ses meilleurs amis (jusque là, rien de plus normal), mais aussi les plus gros boulets possibles, de ceux qui sont capables d’occasionner les pires catastrophes, des calamités dignes des dix plaies d’Egypte, et de faire un cauchemar du plus beau jour de votre vie. Ce qui, chez eux, revient souvent au même…
Sinon, comment expliquer toutes ces comédies produites à la pelle par les cinématographies américaines et australiennes?
En l’espace de quinze ans, on a vu des hommes/des femmes essayer de ruiner le mariage de leur ex (Le Mariage de mon meilleur ami), des pères affronter leur futur gendre (Mon beau père, mes parents et moi) ou s’affronter entre eux (La guerre des pères), des mariées s’affronter pour avoir le meilleur mariage que la copine (Meilleures ennemies)… On a aussi vu des enterrements de vie de garçon dégénérer sous l’emprise de la drogue, de l’alcool et de comportements crétins de première grandeur (les Very bad trip) et on a pu constater que le sexe féminin n’était pas en reste, les enterrements de vie de jeune fille tournant parfois au cauchemar scatologique (Mes meilleures amies)…
Plus récemment, My best men reprenait ce concept aux antipodes, avec la même débauche de drogues, d’alcool et d’attitudes immatures.
Mes meilleures amies et My best men avaient en commun, outre un humour des plus trash, le physique imposant et la drôle de frimousse de Rebel Wilson, dans des rôles secondaires de bonne copine ou de soeur de la mariée. Dans Bachelorette, c’est à son tour de convoler en juste noces. Avec un beau gosse intelligent, raffiné et sérieux, qui se fiche totalement qu’elle soit un peu trop ronde et boulimique. L’homme idéal en somme.
Ses meilleures copines, Regan (Kirsten Dunst), Gena (Lizzy Caplan) et Katie (Isla Fisher) accueillent la nouvelle avec stupeur, et une pointe de jalousie. Plus belles, plus sexy, plus futées, elles sont toujours célibataires et pas fières de l’être, les unes empilant les amants d’un soir, les autres attendant que leur petit ami se décide enfin à les demander en mariage. Ceci ne les empêche pas d’accepter de jouer les demoiselles d’honneur et de soutenir leur vieille copine au moment de se passer la bague au doigt (ou la corde au cou, selon les points de vue).
Elles débarquent avec la ferme intention de fêter leurs retrouvailles en organisant un enterrement de vie de jeune fille digne de ce nom, avec stripteaseur, cocaïne et champagne. Evidemment, tout cela ne fait pas très bon ménage. Les trois amies accumulent gaffes et bévues, s’engueulent avec la mariée et commettent l’irréparable en saccageant la robe de la mariée la veille de la cérémonie.
C’est parti pour une folle nuit blanche où elles doivent absolument essayer de remettre en état la robe de leur amie (parce que les mariages en pyjama, c’est original, mais ça ne le fait pas trop…). Elles doivent aussi composer avec un trio de mecs un peu trop entreprenants, les méfaits liés à l’abus de stupéfiants et une remise en question de leur mode de vie…
Pendant que le trio de personnages principaux essaie de sauver le mariage de leur copine, la cinéaste Leslye Headland tente de réaliser l’union de la comédie trash façon Mes meilleures amies et d’un cinéma plus intimiste, un peu plus art & essai, façon Another happy day ou Rachel se marie. L’idée est bonne, mais le résultat, lui, l’est un peu moins, car à force d’osciller entre les deux registres, elle ne parvient à convaincre ni dans l’un, ni dans l’autre.
Les amateurs d’humour déjanté seront frustrés de voir la mécanique comique se gripper après une entrée en matière plutôt réussie (la scène où Gena explique à un inconnu son point de vue sur l’art de la fellation, par exemple) et regretteront que le potentiel comique de certaines situations ne soit pas mieux exploité…
Les amateurs de finesse psychologique et de portrait de groupe au vitriol seront eux aussi déçus par le manque de profondeur des situations et le côté trop caricatural des personnages (la belle blonde à l’assurance factice, la junkie au coeur tendre et au lourd secret, l’idiote au coeur d’artichaut, et toute une batterie de personnages masculins plus lourds les uns que les autres). Dans le genre de la comédie douce-amère sur les trentenaires célibataires, on a vu plus inspiré…
De surcroît, le mix des deux genres nuit au rythme du film. Parfois, il s’emballe comme se doit l’être le tempo d’une comédie burlesque (avec un certain brio, vers la fin du film). Parfois, il freine pour installer un semblant d’émotion. L’alternance des deux occasionne un manque de fluidité certain et empêche les deux composantes du film de se déployer totalement.
Restent les numéros des actrices. Ce sont elles qui permettent au film de conserver un semblant de capital-sympathie. Kirsten Dunst parvient à donner un peu d’épaisseur à son personnage, plus touchant qu’il n’en a l’air. Isla Fisher s’amuse comme une folle dans le registre de la nunuche azimutée, désinhibée par la coke et l’alcool, un rôle assez proche de celui qu’elle tenait dans Serial noceurs – encore un film de mariage(s) qui dérape(nt)… Et Lizzy Caplan, la vraie révélation du film, a l’occasion de montrer l’étendue de ses talents comiques et dramatiques…
Pas sûr, pourtant, que cela suffise à graver ce Bachelorette durablement dans nos mémoires de cinéphiles.
A vrai dire, le seul véritable intérêt du film est de nous remettre dans la tête la chanson “I’m gonna be (500 miles)” des Proclaimers et de nous donner envie, par la même occasion, de revoir le film qui l’avait fait connaître, Benny & Joon, une délicieuse comédie romantique avec Johnny Depp et Mary-Stuart Masterson, d’un tout autre calibre que le film de Leslye Headland…
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