Peterloo - affpro - Mike Leigh film stillEn 1815, l’armée britannique contribue à la chute de Napoléon lors de la bataille de Waterloo. Quatre ans plus tard, pendant que les Lords rendent hommage au Duc de Wellington, un jeune soldat, rescapé du champ de bataille, rentre enfin chez lui, dans le nord de l’Angleterre, un peu sonné par de nombreuses années de conflit et les horreurs de la guerre. Il ne bénéficie pas des mêmes honneurs. Sur place, les conditions de vie sont difficiles. Pour financer l’effort de guerre, le gouvernement a augmenté les taxes. La population est au bord de la famine et les “Corn Laws”, qui limitent les importations de céréales en Angleterre, ne sont pas faites pour arranger les choses. A bout, le peuple gronde, surtout dans la région de Manchester, qui n’a pas de représentant à la chambre des députés, et ne parvient pas à faire entendre ses  doléances au Roi ou au gouvernement.
Alors, les politiciens locaux décident de se révolter. Mais si certains sont partisans d’une vraie révolution par la violence, d’autres, plus mesurés, réussissent à faire accepter l’idée d’un rassemblement pacifique, pour ne pas donner aux forces de l’ordre un prétexte pour déclencher l’affrontement. Pour les aider dans leur démarche, ils sollicitent l’aide d’un brillant orateur du mouvement radical, Peter Hunt, pour défendre leurs idées.
Le 16 août 1819, le rassemblement de Saint Peter’s Field est un succès populaire. Près de 80 000 personnes sont venues assister au meeting, dont beaucoup de femmes et d’enfants, et même les militants les plus exaltés ont accepté de laisser leurs armes à la maison et de donner une chance à la voie pacifique. Pourtant, les notables locaux, qui voient d’un mauvais oeil ces mouvements hostiles au pouvoir établi, donnent aux soldats l’ordre de mettre un terme à ce regroupement populaire par la force. Cela occasionne un véritable massacre. Quinze personnes périssent sous les coups de sabre ou de baïonnette, piétinées par les chevaux de la cavalerie ou rouées de coups par les forces de l’ordre. Plus de 400 personnes sont blessées lors de la charge. Les journalistes présents baptisèrent cet évènement “Peterloo”, pour signifier l’horreur de la situation.

Pour raconter cette page sombre de l’histoire anglaise, emblématique du traitement des populations les plus modestes par les élites qui gouvernent le pays, Mike Leigh a choisi non seulement de décrire les évènements du 16 août en nous entraînant au coeur de l’horreur, mais aussi de montrer tous les préparatifs de la manifestation. On passe d’une réunion de militants à une autre, observant les échanges sur les revendications à faire passer, les stratégies à adopter, l’organisation générale. On suit aussi la préparation de Peter Hunt, ses efforts pour simplifier le message des révoltés et faire plier ses opposants politiques. Enfin, on observe aussi le camp adverse, essayant à tout prix de contrecarrer les plans des rebelles et de trouver les parades légales à cette manifestation pacifique.
On comprend bien l’idée de Mike Leigh. Nous permettre de toutes les “subtilités” de la politique britannique, prendre le temps de présenter les personnages, notamment ceux qui périront lors de l’assaut de l’armée, pour que l’on s’attache à eux et que l’on constate qu’ils n’avaient rien de dangereux révolutionnaires. Cela permet aussi de découvrir l’intégralité de leurs doléances, peu à peu sabrées par les politiciens modérés, avant d’être piétinées par les forces de l’ordre et oubliées par le pouvoir. Certaines ont mis des années à être exaucées, d’autres sont toujours d’actualité… Droit de vote pour tous, égalité des sexes, liberté de manifester, droit à être représenté à la chambre des Lords, répartition équitable des richesses, baisse des impôts destinés à financer le train de vie de la famille royale… Le parti-pris est défendable, mais pour le spectateur, le film est une souffrance. Que c’est ennuyeux! Que cela semble interminable!

Peterloo est une oeuvre beaucoup trop longue, trop bavarde, souffrant d’un manque de rythme et d’une mise en scène assez académique. On se lasse rapidement de ces débats incessants, de ces pinailleries politiques, d’autant que l’on comprend immédiatement les enjeux et que, même si on ne connaît pas sur le bout des doigts l’histoire de l’Angleterre, on devine que tout cela va finir dans un bain de sang. Ce dernier est filmé avec un peu plus de rage, plus de rythme, mais là encore, la mise en scène manque d’ampleur, surtout si on la compare avec la scène du massacre de Corpus Christi dans le film d’Alfonso Cuaron, ROMA, projeté hier à la Mostra.

Avec ce film historique et social, Mike Leigh lorgnait sans doute sur le travail de son compatriote Ken Loach sur Le Vent se lève, qui avait valu à ce dernier la Palme d’Or à Cannes. De notre point de vue, il ne parvient jamais donner à ce récit l’importance souhaitée, ni à passionner les spectateurs. Mais puisqu’il est difficile d’anticiper ce qu’en pensera le jury de Guillermo Del Toro, on attendra avant de crier à la défaite artistique du cinéaste anglais.

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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