Lorsqu’il se réveille, avant même d’aller pisser, Jean tapote distraitement la souris de son ordi’ afin de le sortir lui aussi de sa veille… un peu comme il caresserait sa copine pour la tirer du sommeil.
D’ailleurs, son collègue lui dit bien : « Ton internet, c’est pire qu’une meuf ! »
« Son internet », c’est un peu sa seconde vie : avant d’aller au boulot, il lit quelques news sur l’avancée de DAESH en Irak ou sur le réchauffement climatique via le HuffPost ou 20minutes.fr, il lance un clip en musique de fond tout en checkant ses mails, il échange deux trois conneries avec ses potes sur FaceBook tout en buvant un café… Après le boulot, plutôt que de trainer au troquet du coin avec ses amis, il rentre s’enchainer quelques parties de Counter Strike en ligne, se mater un ou deux épisodes de la dernière série en vogue, tchater avec un parfait inconnu à l’autre bout du monde, et à l’occaz’, se tirer un peu sur la nouille d’une main pendant que l’autre clique frénétiquement sur les photos de cul… Et même pendant le boulot, il garde le « e-contact » en s’envolant avec l’oiseau bleu de Twitter à la première pause venue !
Seulement, ces infos glanées à la va-vite sur le net, ces semblants de conversations via un écran, ce cyber-sexe aussi solitaire que tristounet, cette simili-vie sociale sur ces réseaux-simili-sociaux… est-ce vraiment cela, la vraie vie ?
Et pire : avec cet ersatz de vie, sera-t-il prêt à affronter les épreuves lorsque que la vraie vie le rattrapera enfin ?
Et pour traiter cette question qui de mieux que ce duo d’auteurs aux manettes, les deux ayant déjà largement fait leurs preuves quant à leur capacité à disséquer la vie de nos contemporains : l’un en nous narrant l’extravagante comédie du quotidien sur trois bouquins rendant extraordinaire l’ordinaire, l’autre en inventant pas moins que le principe de la bédénovela via son feuilleton-fleuve Les Autres Gens.
Deux cadors de la BD capables en quelques mots bien choisis, en quelques traits bien sentis, de reconstituer une tranche de vie des plus réalistes en y insérant pile ce qu’il faut de détails, ce clin d’œil, cette référence qui saura vous faire dire « ah putain, mais oui ! »… ce petit quelque chose qui ancrera leur histoire dans l’air du temps et fera en sorte que vous vous y identifierez sur-le-champ, faisant naitre en vous une empathie immédiate pour leurs personnage, et une tonne d’émotions pour votre p’tit cœur tout mou !
Ainsi, cette VRAIE VIE sera à la fois une VRAIE critique de notre VIE d’aujourd’hui – tout en ayant l’intelligence de se protéger de tout manichéisme – doublée d’une VRAIE belle histoire pleine d’amour, d’espoir, et de VIE(s).
La vraie vie, de Thomas Cadène et Grégory Mardon (ed. Futuropolis).