Dans un futur proche, une sonde spatiale contenant des germes extraterrestres s’écrase entre les Etats-Unis et le Mexique. Une zone de quarantaine est bâtie entre les deux pays. A raison, puisque les germes ont pour effet l’apparition de nouvelles formes de vie, notamment des monstres gigantesques ressemblant à des sortes de pieuvres géantes. Et ces créatures évoquant le Cthulu de Lovecraft, se reproduisent à grande vitesse…
Un journaliste est chargé de raccompagner la fille de son patron de Mexico jusqu’aux Etats-Unis, par bateau. Mais évidemment, par un malheureux concours de circonstances, ils vont être contraints de traverser la zone infectée pour rejoindre leurs concitoyens…
Sans doute parce qu’il entremêle récit de science-fiction et préoccupations politiques et sociales, Monsters, le premier film du cinéaste anglais Gareth Edwards, a été un peu hâtivement comparé à District 9, sorti l’an dernier.
Mais ce n’était sans doute pas lui rendre service que de se livrer à ce parallèle.
En effet, les deux films évoluent dans des registres très différents et adoptent deux démarches complètement opposées.
Imaginer Monsters comme un film d’aventures et d’action dans la lignée de celui de Neill Blomkamp est le meilleur moyen d’être déçu, car il faut bien dire qu’après une entrée en matière plutôt alléchante, les péripéties se font plutôt rares et que Gareth Edwards joue sciemment la carte d’un fantastique anti-spectaculaire, poétique, au rythme contemplatif.
Bizarrement, dès que les personnages pénètrent dans la zone dangereuse, la tension dramatique retombe. Alors que le duo de personnages principaux devrait être terrifié, angoissé, peu rassuré quant à son sort dans ce milieu hostile, on croirait les voir assister à une sympathique balade touristique, un safari-photo particulier… Et encore, où l’on ne voit quasiment pas les créatures…
Il faut attendre à peu près une heure pour que l’action s’emballe un peu, pour retomber illico dans la mollesse totale. C’est lent, c’est mou… Appelons un chat un chat, c’est ennuyeux à mourir.
Bref, niveau action et aventures, c’est complètement raté…
Mais évidemment, l’intérêt du film se situe ailleurs. Le cinéaste décrit d’ailleurs son film comme “la naissance d’une histoire d’amour” entre deux personnages que tout oppose. Tout repose effectivement exclusivement – ou presque – sur le duo Scoot McNairy/Whitney Able et l’évolution de leur relation. S’ils peinent à restituer vraiment la peur qui agite leurs personnages, ils sont beaucoup plus à l’aise pour décrire le rapprochement du journaliste et de la jeune femme, le lien affectif qui grandit au cours de cette traversée de la frontière.
Si l’on met de côté la partie SF/fantastique du récit, il reste une chronique intimiste assez fine, d’autant plus convaincante que les deux acteurs principaux forment un véritable couple à la ville.
Et puis, le propos du cinéaste est autrement plus ambitieux que celui d’un film d’aventures fantastiques classique : la traversée de la zone de quarantaine correspond, dans le monde réel, au parcours qu’effectuent chaque jour des dizaines – voire des centaines – de clandestins mexicains désireux de tenter leur chance au pays de l’Oncle Sam. Pour y arriver, il leur faut, comme les héros, payer une très forte somme, négocier avec des passeurs, graisser la patte aux autorités, et éviter de faire de mauvaises rencontres.
Le mur érigé contre les aliens équivaut à celui dressé pour faire barrage au flux migratoire des “dos mouillés”. Un mur symbole du repli sur elle-même de la première puissance mondiale…
Finalement, les monstres ne sont pas forcément ceux qu’on croit…
De fait, ces extraterrestres ressemblant à des calamars géants sont de pacifiques créatures mi-végétales, mi-animales, qui ne s’énervent que lorsque l’armée américaine les bombarde de balles et de bombes chimiques. En ce sens, Monsters, avec son message écologiste assez manifeste, est plus proche d’Avatar que de District 9.
Donc oui, Monsters propose un cinéma différent, plus orienté vers la réflexion que vers l’action, et l’intention est louable… Mais quand même, un peu de tension dramatique n’aurait pas nui. S’il s’agissait de montrer que la traversée de la zone inter-états est périlleuse, et que les hommes, par leur comportement égocentrique, dominateur, belliqueux, sont responsables de leur propre perte, un peu de piment mexicain aurait été bienvenu… Sans montrer d’autres attaques de monstres, le cinéaste aurait pu mettre les héros face à des gangs de racketteurs, des passeurs peu scrupuleux ou des gardes-frontières antipathiques, pour apporter un peu de tonus à l’ensemble.
La traversée, même illuminée par quelques moments de grâce poétique et émaillée d’un ou deux emballement du rythme, est assez interminable, d’autant que la mise en scène assez atone de Gareth Edwards n’a rien de bien excitant.
Bon, soyons indulgent. Pour un premier film, et un budget aussi faible (on parle de 15 000 à 200 000$), le résultat n’est pas inintéressant, d’autant que le jeune cinéaste a réalisé toute la partie technique quasiment tout seul.
Il y a là les germes d’un talent prometteur qui ne demande qu’à s”épanouir. On demande donc à voir très vite ce que pourra faire Gareth Edwards avec un budget plus confortable et une équipe un peu plus conséquente. On est même prêts à miser sur lui, malgré notre avis plutôt mitigé sur ce film-là, un peu trop mou à notre goût.
A suivre, donc…
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Réalisateur : Gareth Edwards
Avec : Scoot McNairy, Whitney Able, Kevon Kane et quelques monstres mi-calamar, mi-plantes
Origine : Royaume-Uni
Genre : Quand y en a marre, y a calamar
Durée : 1h33
Date de sortie France : 01/12/2010
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Geek Culture
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