Il n’y a pas de rapport sexuel commençait bien mal. Avec son titre reprenant une phrase de Lacan, il faisait craindre une intellectualisation snobinarde et pénible de la pornographie par un artiste vidéaste en vogue.
Mais le nom d’HPG rassurait. Si ce pornographe de renom est apprécié des milieux intellectuels grâce à l’humour et au talent dont il a su faire preuve (1), il n’en est pas moins un producteur de porno absolument pas réflexif, clairement commercial et dont la vocation masturbatoire est parfaitement assumée.
Ce titre s’avèrera finalement ne pas être qu’une citation mais une réelle constatation. Et le premier enseignement de ce film brillant, assurément une des plus belles surprises de ce début d’année.

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HPG est producteur, réalisateur, scénariste et parfois acteur de ses films pornos. Depuis le début de ses tournages, il en filme les making-of (La plupart du temps via une caméra fixée sur un trépied, parfois dirigée).
Il savait d’emblée qu’il y aurait quelque chose à en tirer, mais ne savait pas quoi. En attendant,  il accumulait des heures, plusieurs milliers d’heures.
Au fil des rencontres, il va croiser l’artiste plasticien Raphaël Siboni et lui confier ces rushes. En sortira un court-métrage, Point of view, sorte de pré-travail assemblant cinq long plans-séquences, qui leur confirmera qu’un long métrage est tout à fait possible, voire nécessaire.

Il n’y a pas de rapport sexuel est bien plus qu’une caméra embarquée dans le monde du porno pour assouvir notre voyeurisme, c’est un des meilleurs documentaires sur le “gonzo”.
Ce témoignage direct, sans commentaire, ne parle pas du porno en général, mais d’un certain type de ce cinéma, fait avec trois bouts de ficelle, beaucoup d’approximations – lors d’une scène hilarante, on voit HPG expliquer à ses acteurs le scénario qu’ils vont tourner tout en l’inventant de manière plus que brouillonne – et des acteurs parfois amateurs. Le choix de Rafaël Siboni est sans doute drastique, mais permet d’avoir un portrait complet et sans concession de l’acteur/réalisateur mégalomane – que l’on trouve à la fois haïssable et excellent. Et en une petite 1h18, on se plait à retrouver des acteurs et à tracer des typologies qui se font sans cesse bousculer.

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Du film on retiendra les incroyables trucages : personne n’imagine que dans les films porno, les acteurs jouissent vraiment, mais les voir s’échiner à faire semblant de se pénétrer à l’aide d’angles de caméra plus ou moins habiles et de claques dans les mains est plutôt grisant. Voir William Storm, acteur récurrent et autre véritable héros du film, se plaindre de ne tourner que du soft et suer en s’éreintant à faire semblant ne peut que faire sourire le public.
Un public qui, parfois, se retrouve franchement gêné. La première scène de « Puceau », timide lycéen qui veut faire l’actif et finit par se faire sodomiser à l’écran après une séance de manipulation efficace ne laisse pas indemne. Suivra un monologue délirant d’HPG lui expliquant qu’ils sont de la race des guerriers, un épisode long mais précieux, tant sont rares les gens capables de se mettre autant à nu devant une caméra. Et il s’agit ici de bien autre chose que de montrer sa bite, mais bien de ne pas craindre de se montrer dans toute sa folie et ses aspects les moins flatteurs.

À d’autre moment on rit franchement avec les acteurs qui, entre deux scènes d’extrême tension, se détendent en plaisantant. Lors d’une scène de partouze acrobatique, l’action est stoppée et tout le monde doit rester en place dans des positions plus que non-naturelles. Et alors qu’HPG tente de fabriquer du faux sperme à l’aide d’une sorte de pâte blanche peu convaincante étalée sur le visage de l’actrice la scène s’allonge, jusqu’à ce que fuse un « On dirait qu’elle a la rage » diablement efficace.

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C’est l’équilibre de ce film étrange, fait de chutes sauvées et dont le tempo saccadé alterne de forts moments de tension – physique bien sûr, mais aussi morale – et des ruptures inattendues, parfois brutales, mais ne nuisant nullement au rythme de l’ensemble. Il est rare qu’il y ait une pause dans ce film, et les moments de répit apparaissent donc comme de véritables moments de grâce.
Le premier a marqué à peu près tous les spectateurs avec qui j’ai pu échanger : il s’agit de la seule scène tournée en extérieur, la seule respiration amenant hors de la maison qui sert de studio. Lors de cette séquence, Storm doit tourner avec une actrice sculpturale et alors qu’HPG demande une scène soft, ils insistent pour tourner une séquence réelle. Filmée dans un décors magnifié par le vide et le soleil, la scène devient une sorte d’hymne à l’amour physique très touchant dans son décalage et vient habilement démentir le titre.

Le second, qui correspond à la scène finale, vient après une longue séquence gay sado-maso. HPG et un des acteurs sont physiquement abattus et leurs corps semblent lâcher. L’un est vautré sur le lit, l’autre recroquevillé sur lui même. Et alors que rien ne bouge, on ressent pèle-mêle la chaleur, la moiteur et la fatigue qui se dégagent de l’espace. Entre la sueur et les vapeurs d’alcool, cette séquence permet l’arrêt sur une image magnifique où les corps s’expriment par leurs muscles saillants et leurs respirations, dans un silence quasi religieux.

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On me pardonnera de passer de nombreux épisodes – de cette scène insupportable ou HPG insulte une de ses actrices à ce long passage triste et touchant où une jeune fille peu avantagée par la nature trouve dans le tournage de porno un réconfort réel à sa misère sexuelle – mais décrire le film point par point ne ferait que le déflorer sans donner plus envie de le découvrir.
Vous aurez compris l’essentiel : Il n’y a pas de rapport sexuel est un film rare, à la fois par son sujet et son traitement, mais surtout par son intégrité et son intérêt – deux qualités qui ne vont que trop rarement de pair.

Cette semaine, il n’est plus projeté que dans cinq salles : quatre en Île-de-France et une en Bourgogne.
Si vous avez l’occasion de le voir, ne le manquez pas. Sinon, restez attentifs et ne ratez pas sa sortie en DVD, que j’espère voir arriver rapidement et ne manquerai pas de signaler.

(1) Lors de la réalisation de divers courts-métrages, de son film On ne devrait pas exister, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2006, où dans ses collaborations avec des réalisateurs qui ne laissent pas indifférent (Il apparait notamment sous la direction de Catherine Breillat, Virginie Despentes & Coralie Trinh Thi, Bertrand Bonello, Hormoz ou Éric Valette).

 

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Il n’y a pas de rapport sexuel

Réalisateur : Raphaël Siboni
Avec : HPG, Cindy Dollar, Michael Cherrito, Phil Hollyday, Stacy Stone, William Storm
Origine : France
Genre : Sex is comedy
Durée : 1h18
Date de sortie France : 11/01/2012
Note pour ce film : ●●

contrepoint critique chez : Télérama

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