Il y a deux ans, on découvrait le talent de Gianni Di Gregorio pour la comédie avec Le Déjeuner du 15 août, son premier film en tant que réalisateur. Son personnage principal, Gianni, un quinquagénaire mal en point et stressé qu’il interprétait lui-même, voyait son appartement transformé, malgré lui, en foyer d’accueil pour “seniors”, l’obligeant à s’occuper de vieilles dames particulièrement turbulentes…

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Dans Gianni et les femmes, il persévère dans la même voie, entre comédie à l’italienne et chronique sociale, soumettant le brave Gianni à de nouveaux tourments…

Le même personnage ? Oui et non… Plutôt une variante, à l’instar du François Pignon de Francis Veber, ou, puisque nous sommes en Italie, le Michele Apicella des premiers films de Nanni Moretti.
Le héros du Déjeuner du 15 août était un célibataire endurci et sans le sou qui s’occupait seul de son encombrante Mamma octogénaire. Celui de Gianni et les femmes est toujours sans le sou, car mis en pré-retraite de façon précoce, et s’occupe lui aussi beaucoup de sa vieille mère – jouée par la même actrice amatrice, l’irrésistible Valeria De Franciscis. Celle-ci vit néanmoins de son côté, dans une luxueuse demeure trop grande pour elle, et dilapide sa fortune dans des parties de poker endiablées avec ses copines, aussi âgées qu’elles. Ce qui ne l’empêche pas, bien sur, d’exiger la présence de son grand fiston dès qu’elle a besoin de lui, à toute heure du jour et de la nuit…
Mais en plus de sa Mamma possessive, ce Gianni-là doit aussi composer avec une épouse qui lui reproche constamment son oisiveté et le charge de petites tâches à accomplir, et une fille qui a grandi trop vite et qui lui impose la présence quasi à demeure de son fiancé, un grand dadais glandouilleur…

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Bref, Gianni est entouré de femmes pour qui il est aux petits soins, même si elles ne le lui rendent pas toujours. Il ne se pose pas de questions et se contente de vivre sa petite vie tranquille. Mais un jour, un de ses vieux amis avocats, inquiet de le voir ainsi s’enfermer dans la routine du retraité-type, lui suggère de prendre une maîtresse. Notre bonhomme est plutôt dubitatif. Il pense avoir passé l’âge de la bagatelle… Néanmoins, l’idée commence à le travailler sérieusement, surtout quand il s’aperçoit qu’un des vieillards de son quartier entretient une relation adultère avec la buraliste du coin. Si ce vieux machin est capable de s’envoyer en l’air à son âge, pourquoi ne céderait-il pas lui aussi au démon de midi ?
Alors, il teste son potentiel de séduction sur différentes femmes, à commencer par  l’aide-soignante de sa mère, sa jeune voisine ou d’anciennes copines…

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Chaque tentative, chaque rencontre, donne lieu à une jolie scène, où la comédie se pare toujours d’un brin de cruauté ou de mélancolie. Gianni est touchant de par ses tentatives de drague maladroites, qui finissent (presque?) toutes par tomber à l’eau. Les jeunettes qu’il entreprend lui font comprendre qu’elle l’adorent… comme un grand-père de substitution. Les femmes plus âgées lorgnent, elles, sur des petits jeunes. Son premier amour l’apprécie toujours, mais a elle aussi pris un petit coup de vieux. Quant aux clientes sexy que son copain avocat lui présente, elles se jouent d’eux pour bénéficier d’un bon repas à l’oeil et laissent les deux hommes la queue entre les jambes – c’est le cas de le dire…

Pardon pour cette métaphore un brin graveleuse, ce que n’est pas, mais alors pas du tout le film de Gianni Di Gregorio.
Ce n’est pas le style de la maison. Hors de question d’user d’un humour lourdingue et de gags visant en-dessous de la ceinture. Il préfère le charme de la comédie italienne d’antan, celle des De Sica ou Monicelli et filme les femmes avec gourmandise, certes, mais aussi avec beaucoup de délicatesse et de sensualité.
A l’instar de son personnage, le cinéaste est un gentleman raffiné, “à l’ancienne”.

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C’est ce qui plaît à la jeune voisine de Gianni, la seule qui semble sensible à son charme, et c’est aussi ce qui plaît au spectateur, heureux de suivre les tribulations de ce sympathique sexagénaire romain.
Heureux, également, de constater que le style du cinéaste s’est affiné.

Nous avions apprécié Le Déjeuner du 15 août, mais n’avions pas été totalement emballés. Le film hésitait entre franche comédie burlesque et chronique sociale réaliste et ne tenait la distance sur aucun des deux tableaux. Les situations comiques étaient insuffisamment exploitées et le fond était un peu englouti par la forme. En fait, il donnait l’impression d’être un court-métrage artificiellement gonflé, un peu trop court, mais souffrant de longueurs, un peu trop léger pour que son thème – le sort des personnes âgées – ne ressorte.

Ici, c’est plus convaincant. Le cinéaste livre un scénario bien ficelé, usant habilement de son argument comique – la quête désespérée de femmes de Gianni – pour mieux laisser éclater le véritable sujet du film : la prise de conscience de son âge par un homme entré sans s’en rendre compte dans la dernière partie de son existence.
Décidément, après son premier long-métrage, on peut affirmer que Gianni Di Gregorio est le meilleur porte-parole de la cause des “seniors”…

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Le rythme du film est synchrone avec le personnage. Il prend son temps, se pose parfois, reprend son souffle et s’emballe en quelques occasions. Malgré quelques fautes de goût résiduelles, comme l’emploi d’une caméra à l’épaule un peu trop tremblante parfois, la mise en scène recèle quelques jolis plans, qui mettent autant en valeur les protagonistes que la dolce vita romaine.

Voilà en tout cas une jolie comédie italienne, drôle, attachante et émouvante.
Tout à fait rafraîchissante en cette vague de chaleur printanière inhabituelle, et donc, à découvrir…

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Gianni et les femmes Gianni et les femmes
Gianni e le donne

Réalisateur : Gianni Di Gregorio
Avec : Gianni Di Gregorio, Valeria De Franciscis, Elisabetta Piccolomini, Valeria Cavalli, Aylin Prandi, Kristina Cepraga
Origine : Italie
Genre : salsa du démon (de midi)
Durée : 1h30

Date de sortie France : 01/06/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Première

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1 COMMENT

  1. Pour moi, ce fut hélas l’inverse : bien déçue par rapport au « Déjeuner du 15 août » qui m’avait largement convaincue !

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