Un truc agaçant au cinéma, ce sont les bandes-annonces. Certaines résument quasi-entièrement le film, flinguant totalement les éventuels effets de surprise. D’autres allèchent le spectateur en proposant les meilleurs moments du film, les meilleures répliques, les meilleurs gags, ce qui peut vite devenir frustrant quand le reste du métrage n’est pas à la hauteur des attentes. Et, puis, parfois, c’est tout l’inverse. La bande-annonce ne donne pas une idée suffisamment précise du contenu de l’oeuvre et n’incite pas vraiment à découvrir le film en salle.
C’est le cas de la bande-annonce de Des gens qui s’embrassent, le nouveau film de Danièle Thompson. Quand on l’a vue, on a pensé qu’il s’agissait d’une de ces comédies pataudes, vues mille-et-une fois, juste prétexte à la réunion d’un casting prestigieux et à des numéros de cabotinage éhontés. Et comme les précédentes mises en scène de la réalisatrice, au théâtre et au cinéma, ne nous avaient guère convaincus, on n’était pas très enclin à aller le découvrir sur grand écran. 
Il aurait pourtant été dommage de rater cette oeuvre joliment construite, plus profonde et plus grave qu’il n’y paraît, et portée – mais cela, on s’en doutait – par des dialogues finement ciselés.

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Première surprise : Il ne s’agit pas d’une pure comédie. Dès les premières séquences, Danièle Thompson nous cueille à froid en sacrifiant l’un de ses personnages. Une mort brutale, forcément injuste. Celle de la femme de Zef (Eric Elmosnino), fauchée par une voiture en traversant une rue, à New-York.
Zef fait rapatrier le corps de son épouse en France, leur pays d’origine. A Paris, il est rejoint par sa fille, Noga (Lou De Laâge), qui, malgré le chagrin (ou à cause de lui), s‘est entichée d’un bel inconnu rencontré dans l’Eurostar (Max Boublil).
Il retrouve également son frère, Roni (Kad Merad) et sa belle-soeur, Julia (Monica Bellucci). Le couple, qui s’apprête à marier sa fille unique Melita (Clara Ponsot), n’a qu’une idée en tête : en finir au plus vite avec cet enterrement impromptu, histoire qu’il ne gâche pas la noce, prévue pile le lendemain…

Seconde surprise : Suite à un petit contretemps, les obsèques doivent être reportées au surlendemain. Zef et Noga débarque chez Roni et Julia avec le cercueil, et organisent la veillée funèbre traditionnelle dans la pièce initialement destinée à accueillir les cadeaux de mariage des invités…
Belle idée scénaristique que de faire coexister le mariage et l’enterrement. Ce postulat donne lieu à des scènes cocasses, drôles et émouvantes. Et cela résume parfaitement l’idée du film, qui repose entièrement sur des oppositions. La vie, dans toute sa légèreté, contre la mort. La joie de la mariée contre la peine de sa cousine, dévastée par le deuil et par un chagrin d’amour. La jeunesse de ces demoiselles contre la vieillesse, symbolisée par le patriarche de la famille (Ivry Gitlis), qui commence à perdre la mémoire…

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… Sans oublier le clivage entre les deux frères, aux personnalités complètement opposées. Zef est violoniste et joue de la musique classique en virtuose et vit modestement de son art. Roni, lui, massacre des tubes de Frank Sinatra, mais a fait fortune dans la joaillerie. Zef est un Juif très pratiquant, respectueux des traditions et très austère, comme son épouse défunte d’ailleurs. Son frère est au contraire du genre fêtard exubérant, n’hésitant pas à afficher ostensiblement sa réussite – belle villa, yacht privé et épouse plantureuse (mais nunuche). En même temps, Roni est plus ouvert aux autres que Zef, un brin égocentrique et misanthrope.

C’est cette relation tumultueuse qui sert de colonne vertébrale au film, occasionnant des joutes verbales piquantes et des engueulades homériques, mais offrant aussi de beaux moments de tendresse fraternelle, quand par exemple, les deux frangins parviennent à accorder leurs violons, au sens propre comme au figuré, pour offrir à leur père un joli duo musical – sur un tube de Sinatra, bien sûr.
Autre pilier du film, les chassés-croisés amoureux entre Noga et son bel inconnu, de Paris à Saint-Tropez. Une trame de comédie romantique vaudevillesque plus conventionnelle, mais qui a le mérite de parfaitement fonctionner, grâce au charme de Lou De Laâge (déjà remarquée dans le récent Jappeloup)  et à l’abattage de Max Boublil (que l’on reverra dans un registre similaire dans Les Gamins), et qui évite la mièvrerie habituelle de ce genre de récit.
Là encore, il y a une opposition. D’un côté les relations houleuses des deux frères, résumées par une jolie réplique (“Tu dis toujours qu’on a rien à se dire, mais tu vois, tu te trompes, on a plein de choses désagréables à s’échanger…”), de l’autre les amours, non moins tumultueuses, de Noga et de sa cousine.

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Ce contraste gagne aussi la mise en scène, qui semble osciller entre comédie latine, mi-italienne, mi-française, et comédie américaine, mi-hollywoodienne, mi-newyorkaise. Danièle Thompson n’est pas une grande réalisatrice, et cela se ressent, techniquement parlant, le film restant un peu trop sage, mais elle parvient malgré tout à signer quelques belles séquences, tout en simplicité.

Le seul vrai point faible du film réside dans le choix de Kad Merad. Ou dans la façon qu’a Danièle Thompson de le diriger.
On comprend que la cinéaste, pour renforcer le contraste entre les deux frères, ait voulu appuyant  côté matérialiste et hédoniste de Roni. Mais là, Kad Merad en fait des tonnes, au point de rendre assez insupportable ce personnage, confit dans sa beaufitude et son inconséquence.
C’est d’autant plus dommage que l’acteur, on le sait depuis Je vais bien ne t’en fais pas, est capable de faire preuve de plus de finesse et de sensibilité.
Dans le registre excessif, on préfère nettement la fantaisie de Valérie Bonneton, irrésistible dans le double rôle de l’épouse défunte et d’une sophrologue délurée, et les efforts déployés par Monica Bellucci pour incarner cette épouse sexy mais inculte. Nan mais allo quoi…
      
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Oh bien sûr, il est probable que le film divisera fortement les critiques. Les détracteurs du cinéma estampillé “Qualité France” ne se priveront pas de massacrer le film. Certains le font déjà, sur la seule base de la bande-annonce d’ailleurs. Ceux qui sont allergiques aux comédies romantiques et ceux qui n’aiment que les films Art & essai intello passeront aussi leur chemin, sous peine de grande désillusion. Et ceux qui n’aiment rien tant que la comédie grasse et vulgaire se trouveront bien frustré face à cette comédie plus sophistiquée que ce qu’ils ont l’habitude de voir. On va sûrement se disputer entre confrères et entre cinéphiles. Comme les deux frangins dans le film de Danièle Thompson… 

C’est là la grande force de Des gens qui s’embrassent. Il nous ressemble. Et il ressemble à l’existence : On s’aime, on s’engueule, on se déchire, on se sépare, on se retrouve, on rit, on pleure, on profite de sa jeunesse et on vieillit, inexorablement. Et dans ce grand tumulte, on peut toujours s’appuyer sur ses proches, sur sa famille ou sur ses amis les plus proches, ceux que l’on considère presque comme des frères et soeurs…
Aussi, pour passer un agréable moment devant cette comédie douce-amère, il convient de l’appréhender comme on appréhende la vie : en se laissant porter, sans prise de tête, en toute insouciance, en profitant de chaque petit instant de bonheur… 
(Et en oubliant ces fichues bandes-annonces…)

 

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Des gens qui s'embrassent Des gens qui s’embrassent 
Des gens qui s’embrassent

Réalisatrice : Danièle Thompson 
Avec : Kad Merad, Eric Elmosnino, Lou De Laâge, Max Boublil, Monica Bellucci, Ivry Gitlis, Clara Ponsot
Origine : France
Genre : Bisous et engueulades 
Durée : 1h40
Date de sortie France : 10/04/2013
Note pour ce film : ●●●●○○
Contrepoint critique : Le Ciné de Fred

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visuels ; © Emilie de la Hosseraye

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