PeninsulaOn sait désormais pourquoi le Festival de Cannes a été annulé cette année. La réponse tient en un mot : Peninsula.

Parce qu’un nanar pareil aurait fait tâche dans une sélection de belle facture comme celle du Festival de Cannes?
Non, pas du tout! On a déjà vu des films du même calibre projetés en séance de minuit, comme le Dracula 3D de Dario Argento. Et même, parfois, en compétition, même si c’est plus rare. Alors, celui-ci aurait eu sa place, d’autant que voir un mauvais film dans un festival permet toujours de mieux apprécier les bons films de la sélection.

Parce qu’on attendait un décalque de Dernier train pour Busan, le précédent film de Sang-ho Yeon, alors que Peninsula, présenté comme sa suite, est finalement très différent?
Non, pas du tout! On ne reprochera pas à Sang-ho Yeon de chercher à se renouveler. En revanche, peut être que chercher à mixer Zombie, Mad Max, Baby Driver et Gladiator, avec une louche de mélo en prime, n’était pas l’idée du siècle… En jargon de barman, le cocktail qui intègre tous les alcools qui traînent à proximité s’appelle un “cercueil”. Le cinéaste l’aura bien cherché…

Parce que ce film réussit la prouesse de mettre en scène les zombies les plus cons de la galaxie?
Non, pas du tout! Ceux de The Dead don’t die, l’an dernier, n’étaient pas des foudre de guerre non plus. Mais ceux-là, c’est vrai, sont collector. Ils pourraient être de redoutables prédateurs, car ils sont vivaces, rapides. Quand ils veulent, ils sont aussi rapides que des voitures lancées à pleine allure. Ils courent, ils courent… mais après quoi, en fait?  Des cerveaux, comme tout zombie qui se respecte? Non, alors qu’ils en auraient bien besoin. En fait, ils s’excitent dès qu’il y a un peu de lumière ou du bruit. Un feu d’artifice et hop, ces con-taminés partent en vadrouille. Partant de ce constat, voilà qui les rend assez facile à piéger… À condition que les personnages vivants soient assez intelligents pour y penser mais comment dire… euh…

En fait, si le Festival de Cannes a été annulé, c’est parce que la pandémie de coronavirus a été finalement beaucoup plus passionnante à suivre que la deuxième vague de cette épidémie zombiesque, plus palpitante que ce film mou du genou.
Y aurait-t-il assez de masques pour tout le monde ? Et de tests de dépistage ? Didier Raoult, le druide marseillais allait-il réussir sa potion magique à la chloroquine ? Jupiter allait-il tenir son rang de planète face à la colère des chefs étoilés? Roselyne Bachelot allait-elle réussir à mettre le Cinéma sous assistance respiratoire? Jean Castex allait-il nous guider dans le monde post-apocalyptique dévasté par la COVID-19 et l’effondrement de l’économie, tel un Mad Max pyrénéen ou subirait-on un reconfinement à cause du comportement de ces crétins des Alpes qui portent leur masque en dessous le nez ou ceux qui font la bise à mamie après avoir galoché trente-cinq jeunettes bourrées à un bal démasqué étudiant.
Avec un tel programme, mieux valait rester à la maison plutôt que d’aller croiser des zombies sur la Croisette (si,si, après certaines nuits agitées, on en voit certains matins) et perdre son temps face à cette “suite” grotesque.

Le scénario se déroule quelques années après Dernier train pour Busan. La Corée a entièrement été contaminée par le virus. La péninsule est devenue un no man’s land uniquement peuplé de morts-vivants. Peu de survivants ont réussi à quitter le pays avant la fermeture définitive des frontières. C’est le cas de Jung-seok (Dong-won Gang), un soldat hanté par la mort de sa soeur. Un mercenaire lui propose de retourner au pays pour aller récupérer un fourgon plein de dollars – les zombies se moquent autant de l’argent que des cerveaux… – et bien sûr, le jeune homme accepte de risquer sa peau pour une poignée de billets tachés de sang. Lui et son équipe parviennent à se faufiler sans bruit autour des infectés immobiles et récupérer le camion, mais ils tombent dans l’embuscade tendue par un groupe de survivants dégénérés. Jung-seok est sauvé par deux gamines, as du volant et du génocide de cerveaux lents, tandis que son beau-frère est capturé et utilisé comme gladiateur dans une arène peuplée de zombies… Tout cela fait beaucoup pour un seul film. Pour que cette intrigue improbable tienne la route, il aurait fallu que la mise en scène nous tienne en haleine avec un suspense permanent, un tourbillon d’action déjantée, une sauvagerie de tous les instants. Mais déjà, la mise en place du récit est aussi longue que la transformation des infectés en zombies – ils mettent plusieurs minutes à se convulser avant de vouloir mordre leur voisin… Et le rythme, globalement, est très mou. Même en pleine action, les personnages mettent des plombes à prendre une décision, ce qui n’est par ailleurs pas du tout crédible vu la vélocité des créatures qui les poursuivent. Aussi, le réalisateur abuse des effets de ralentis, ce qui n’aide pas à dynamiser la narration…

Côté trouillomètre, c’est aussi le degré zéro. Le film est très pauvre en scènes horrifiques. Les zombies ne font pas peur – puisqu’ils sont idiots, rappelons-le – et, côté vivants, les méchants sont trop caricaturaux pour être inquiétants. Aucun suspense, aucune terreur, aucune horreur viscérale… Le néant.
La seule attraction digne de ce nom, ce sont les courses-poursuites en voiture où les hordes de zombies sont utilisées comme obstacles, tremplins et pièges fatals, mais elles ne représentent que deux scènes du film. Sur deux heures de long-métrage, c’est peu…

Sang-ho Yeon  est plus généreux sur le mélo sirupeux. La dernière scène, larmoyante en diable et interminable, donne envie de confiner à jamais tout ce petit monde – zombies, personnages, acteurs, réalisateur et producteurs – ou de les jeter en pâture aux vrais zombies, ceux de Romero, autrement plus vifs.
A oublier d’urgence.


Peninsula
Train to Busan 2 : Peninsula
Réalisateur : Sang-ho Yeon
Avec : Dong-won Gang, Jung-hyun Lee, Re Lee, Hae-hyo Kwon, Min-jae Kim, Gyo-hwan Koo, Do-yoon Kim, Ye-won Lee
Origine : Corée du Sud
Genre : Zombie+Mad Max+Baby Driver+Gladiator=nanar
Durée : 1h56
Date de sortie France : 21/10/2020
Contrepoints critiques :
”Si l’effet de surprise a quelque peu disparu avec ce nouvel opus, l’énergie qui se dégage de Peninsula offre toujours son compte de décharges d’adrénaline.”
(Caroline Vié – 20 mn)
« Résidus de féerie, résidus d’émotion et résidus d’humanité qui font de Peninsula, bien plus que la redite lisse du triomphe de Dernier train pour Busan, la prolongation de l’oeuvre d’un vrai primitif hanté par le chaos et la sauvagerie tapie en chacun de ses personnages.”
(Vincent Malaussa – Les Cahiers du cinéma)
”C’est une insulte au premier film et ça ne devrait pas exister (…) La fin est une catastrophe scénaristique”
(@distopia sur Twitter)

Crédits photos : copyright ARP sélection

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