Après avoir surpris en réalisant un film d’animation en 3D, Le Magasin des suicides, Patrice Leconte s’aventure une fois de plus là où ne l’attendait pas, en adaptant, en langue anglaise, un roman de Stefan Zweig, “Le Voyage dans le passé” (1).
L’histoire de Friedrich (Richard Madden), un jeune ingénieur d’origine modeste qui gravit les échelons d’une fonderie allemande, jusqu’à attirer l’attention de son patron, Karl Hoffmeister (Alan Rickman). Celui-ci, gravement malade, prend le jeune homme sous son aile, en fait son secrétaire particulier et l’installe chez lui. Là, Ludwig rencontre la femme de Karl, Lotte (Rebecca Hall), bien plus jeune que son mari. Imperceptiblement, ils tombent amoureux l’un de l’autre, mais chacun doit rester à sa place et étouffer ses sentiments. L’éloignement n’arrange rien : Friedrich est envoyé au Mexique peu avant le début de la première guerre mondiale…

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Ce qui a intéressé Patrice Leconte, manifestement, c’est de raconter cette histoire d’amours contrariées en utilisant un minimum d’effets mélodramatiques pour restituer toute l’amertume du texte original. Hélas, il ne tient pas complètement cet ambitieux pari artistique.
A son crédit, il réussit parfaitement à révéler les sentiments des personnages en ne jouant que sur des petits détails : des regards échangés, des gestes qui trahissent des émotions, des troubles soudains dans les paroles,… Si cela fonctionne, c’est que Leconte a su tirer le meilleur de ses comédiens. Du jeune Richard Madden à Rebecca Hall, bien meilleure que dans le récent Lady Vegas, en passant par le toujours classieux Alan Rickman, ils sont tous impeccables.
Dans ses meilleurs moments, le film séduit par son ambiance trouble, ses dialogues à double sens et ses personnages ambigus, qui traduisent le vertige des sentiments et le côté étouffant des conventions morales de l’époque.

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Le problème, c’est que dans ce genre de récit feutré, il faut quand même que les émotions puissent se libérer à un moment ou un autre, lors d’une ou deux scènes-clés. Ici ce n’est pas le cas. L’ensemble reste un peu trop lisse. La passion reste enfouie sous la surface. On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec le travail remarquable de Max Ophüls sur Lettre d’une inconnue, d’après le même auteur. Dans ce chef d’oeuvre du septième art, le cinéaste bouleversait le spectateur lors d’une scène finale brillante, après avoir complètement cadenassé les émotions pendant près d’une heure et demie. Plus récemment, Terrence Davies avait réussi la même chose avec The Deep blue sea.

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C’est triste à dire, mais ce qui manque à Une promesse, c’est une mise en scène digne de ce nom. On a de la sympathie pour Patrice Leconte, qui est un très bon scénariste et un excellent directeur d’acteurs, mais, malgré son imposante filmographie, il n’est toujours pas un grand cinéaste. Sa réalisation reste le plus souvent assez plate, trop illustrative, aussi coincée que ses personnages. Cela dit, on préfère cela plutôt que de le voir se vautrer dans le pathos, comme auraient pu le faire certains tâcherons hollywoodiens. Au moins, Patrice Leconte reste cohérent dans ses partis-pris esthétiques et narratifs. Et il nous offre quelques belles scènes, magnifiées par le travail du chef opérateur Eduardo Serra.
C’est sans doute pour cela qu’on sort de la projection avec des sentiments mitigés, séduits par les comédiens et la sobriété du dispositif, mais frustrés que Patrice Leconte ne parvienne jamais à donner à ce récit la dimension qui devrait être la sienne. A la place, il cumule les maladresses, comme, par exemple, ce curieux problème de saut temporel qui voit Friedrich vieillir physiquement, mais Lotte rester aussi jeune et pimpante qu’au premier jour.

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Mais en fait, le vrai problème de Une promesse, c’est justement qu’il ne tient pas toutes ses promesses, à l’image de son dénouement vite expédié, autrement moins amer et cruel dans le roman original.
Cette oeuvre romantique, élégante et raffinée, reste toutefois très agréable à suivre, à défaut d’être originale ou touchée par la grâce, et mérite le coup d’oeil ne serait-ce que pour ses acteurs.

(1) : “Le Voyage dans le passé” de Stefan Zweig – éd. Le Livre de Poche

 

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Une promesse Une Promesse
A promise

Réalisateur : Patrice Leconte
Avec : Rebecca Hall, Richard Madden, Alan Rickman, Toby Murray, Maggie Steed, Shannon Tarbet
Origine : France, Belgique
Genre : adaptation (trop) corsetée
Durée : 1h38
Date de sortie France : 16/04/2014
Note pour ce film :●●●●
Contrepoint critique : Culture box

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