L’Eurostar traverse la Manche, en direction de Paris. A son bord, Meg (Lindsay Duncan) et Nick (Jim Broadbent), un couple de sexagénaires anglais. Ils ont décidé de passer le weekend dans la ville-lumière, là où, trente ans auparavant, jour pour jour, ils avaient passé leur lune de miel.

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Mais les choses ont bien changé. A commencer par le petit hôtel de Montmartre qui leur avait servi, à l’époque, de petit nid d’amour. Nick pensait faire plaisir à son épouse en réservant une chambre dans cet établissement, espérant ainsi raviver la flamme vacillante de leur couple, usé par des années de vie commune. A peine arrivé sur place, il comprend son erreur. L’hôtel est devenu une infâme cambuse, sans charme ni personnalité. Et la chambre est intégralement peinte en beige. Une faute de goût impardonnable pour Meg, qui quitte immédiatement les lieux.
Elle est furieuse après son mari. Quel radin! Quel goujat! Comment peut-il avoir réservé un hôtel aussi miteux pour fêter leur anniversaire de mariage!?! Elle se rend illico dans un palace et y prend une suite “prestige”. Si Nick veut passer le weekend avec elle, il va devoir y mettre le prix. Et s’il veut la garder, il va devoir réaliser des miracles.

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De toute façon, Meg a quasiment pris sa décision. Après le voyage, elle le quittera pour entamer une nouvelle vie. Elle a envie de reprendre sa liberté, de voyager, de prendre des cours de danse,… Sans lui. Sans les petits bruits agaçants qu’il émet à tout bout de champ, sans son air de chien battu, sans sa façon de s’appuyer sur elle, tout le temps…

Nick s’accroche à elle, c’est vrai. Parce qu’il sent qu’elle lui échappe. Ils ne font plus l’amour depuis des lustres. Elle refuse tous ses élans de tendresse. Il est persuadé qu’elle a un amant, un jeune réparateur informatique à qui elle fait un peu trop appel à son goût. Il a peur de se retrouver seul, surtout maintenant que commence pour lui une nouvelle vie. Car Meg ne le sait pas encre, mais il vient d’être contraint de prendre sa retraite de façon anticipée, suite à la plainte d’une étudiante qui a mal pris une de ses traits d’humour. Nick a besoin de son épouse à ses côtés pour faire face à ce passage délicat vers le troisième âge, même s’il a bien du mal à cohabiter avec elle.  Le malaise, l’incompréhension mutuelle, se sont installés durablement au sein du couple. Il voit dans ce voyage à Paris une opportunité de raviver la flamme de la passion, même s’il a conscience de la difficulté de la tache…

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Meg et Nick ne sont plus sur la même longueur d’onde. Tout les sépare désormais. Enfin… tout, sauf leur passé commun, la tendresse qui les unit encore et les mêmes doutes face à ce futur qui s’ouvre devant eux… Ils se détestent. Ils s’aiment. Ils ne peuvent plus vivre l’un avec l’autre.Ils ne peuvent pas se passer l’un de l’autre.

De ce paradoxe naît un curieux film, alternant moments de complicité et disputes violentes, échanges de mots tendres et de piques blessantes, humour british raffiné et sensibilité à fleur de peau.
Certains spectateurs seront sans doute désarçonnés par cette ambiance douce-amère, et par les (trop) fréquentes et brutales ruptures de ton et de rythme. Mais c’est ce qui fait son originalité, et son charme, après le jeu étincelant du duo Lindsay Duncan/Jim Broadbent.
En fait, l’erreur serait de prendre ce week-end à Paris pour ce qu’il n’est pas : une comédie romantique à l’anglaise.
Certes, Roger Michell est connu pour être le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill, un des fleurons du genre. Et de prime abord, le ton léger et l’ambiance romantique qui se dégage de ce Paris de carte-postale laisse à penser que ce nouveau long-métrage s’inscrit dans cette lignée.
Mais Michell a aussi réalisé des oeuvres plus dramatiques comme The Mother  ou Venus, sur des scénarios signés par Hanif Kureishi, également auteur du script de Un week-end à Paris. Et fort logiquement, c’est l’amertume qui finit par prendre le pas sur la comédie.

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En fait, plus que l’histoire d’un couple usé par la routine, le film dresse le portrait de deux sexagénaires à un moment charnière de leur existence, encore assez jeunes pour avoir des projets d’avenir, mais suffisamment âgés pour faire le bilan de leurs vies. Il est question de vies ratées, de frustrations, d’ambitions inassouvies, de petites blessures, de sacrifices effectués pour un conjoint, des enfants, de renoncement aux rêves et aux idéaux.
Pas très joyeux, tout cela… Très éloigné, en tout cas, des poncifs habituels de la comédie romantique.

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La scène-clé est celle où les deux protagonistes se rendent à un dîner chez l’un des anciens disciples, Morgan (Jeff Goldblum), croisé par hasard au détour d’une rue. L’homme se montre très affable, souriant, sincèrement ravi de retrouver son ancien mentor. Lui et Nick bavardent un peu tous les deux, se rappelant leurs actions passées, très engagées politiquement contre le système. Depuis, Morgan est devenu un auteur à succès. Ses livres sont médiocres mais se vendent comme des petits pains. Il vit dans un confort très petit-bourgeois, fréquemment entouré d’artistes, d’intellectuels et de semi-mondains. Et il a quitté son épouse pour une jeune française avec qui il file le grand amour, conscient que celle-ci le larguera dès qu’elle aura compris à quel point il est superficiel. Tout le contraire de Nick, qui a délaissé des postes prestigieux pour poursuivre sa carrière dans une ville ouvrière des Midlands, et vient de prendre sa retraite forcée en catimini, sans gloire, qui vit dans une maison modeste, en prenant gare à ne jamais dépasser son budget et ne fréquente certainement pas la haute société, et, surtout, qui est resté lié à son épouse, contre vents et marées. Et c’est peut-être à cause de cela, de cette vie anonyme, modeste, tranquille, que Meg veut aujourd’hui le quitter. Mais c’est aussi, peut-être, l’étincelle qui va lui permettre de la reconquérir.
Car elle non plus n’est pas à l’aise, à cette soirée. Ils n’appartiennent pas à ce monde-là, à cette élite bourgeoise. Ils ne seront jamais aussi riches et célèbres que Morgan et ses invités, mais eux peuvent se targuer d’être resté fidèles à leurs convictions. Ils ne se sont pas compromis moralement et n’ont pas sacrifié leur couple, leur famille, pour des ambitions personnelles. Ils ont traversé les épreuves ensemble. Par amour l’un pour l’autre.

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Meg et Nick comprennent in fine qu’ils partagent toujours les mêmes valeurs, les mêmes rêves, hérités des années 1960. Ils ont toujours cette soif de liberté et de changement, cette foi en l’avenir. Ils peuvent être certains, désormais, qu’ils sont sur la même longueur d’onde, dans le même tempo.
Et le film se clôt fort logiquement sur une scène de danse improvisée dans un bistrot, où le couple et Morgan reprennent la célèbre scène de madison de Bande à part.

Pas sûr que le film de Roger Michell connaisse la même postérité  que celui de Godard, mais son sujet – les amours compliquées d’un vieux couple – et son traitement – alternance de séquences tendres et d’échanges piquants, profondément amers – en font assurément un film à part. Un des plus intéressants de la filmographie du cinéaste britannique…

 

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un weekend a Paris Un week-end à Paris
Le Week-end

Réalisateur : Roger Michell
Avec : Lindsay Duncan, Jim Broadbent, Jeff Goldblum, Xavier de Guillebon, Olly Alexander
Origine : Royaume-Uni
Genre : Ceci n’est pas une comédie romantique
Durée : 1h33
Date de sortie France : 05/03/2014
Note pour ce film :●●●●
Contrepoint critique : Libération

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