Tel pere tel filsRyoata (Masaharu Fukuyama) aimerait beaucoup que son fils, Keita, devienne comme lui : un homme à poigne, apprécié et respecté pour ses capacités professionnelles. Il lui donne la meilleure éducation possible, l’inscrit dans la meilleure école privée de la ville, le pousse à étudier la musique, la photographie, et bien d’autres domaines artistiques. Mais il s’inquiète de voir son enfant ne pas faire plus d’efforts pour devenir le meilleur, de ne pas avoir cette ambition qui l’anime, lui, ni son obsession pour la réussite. Il trouve qu’en cela, son fils ne lui ressemble pas du tout.

Et pour cause : Keita n’est pas son fils. Pas plus qu’il n’est celui de son épouse, Midori…
Un matin, les dirigeants de la maternité appellent le  couple pour leur faire cette révélation inattendue. Ils viennent de se rendre compte qu’ils ont commis une erreur, six ans auparavant, en échangeant les nourrissons de deux familles. Les tests ADN confirment cet incroyable couac, aux conséquences évidemment embarrassante pour les deux familles concernées.
Keita est en fait l’enfant naturel de Yudai et Yukari Saiki, un couple de commerçants modestes qui a, de son côté, élevé Ryusei, le fils biologique de Ryoata et Midori.
La clinique leur laisse quelques mois pour prendre une décision douloureuse : échanger les enfants ou continuer comme si de rien n’était à veiller sur ceux qu’ils considèrent comme leur enfant depuis six ans…

C’est un vrai cas de conscience pour les parents des deux familles, mais le dilemme est encore plus fort pour Ryoata, qui, toujours obsédé par la réussite et la perfection, se demande lequel des deux garçons est le mieux armé pour prendre sa succession. Vaut-il mieux garder Keita, en prenant le risque de voir s’exprimer plus tard le patrimoine génétique de ses parents biologiques, bien loin du standing attendu? Ou vaut-il mieux faire l’échange, en espérant que leur fils biologique n’est pas déjà irrécupérable après six ans d’éducation permissive?
Dans le doute, le mieux serait d’éduquer les deux, voilà tout… Mais pas sûr que les Saiki apprécient beaucoup la proposition, même contre une somme rondelette…
Au fil des jours, Ryoata commence aussi à se remettre en cause, lentement mais sûrement. Il veut un fils parfait, soit, mais lui, a-t-il été un père parfait pour “son” enfant?
 
Grâce à cette trame scénaristique plutôt bien construite, Hirokazu Kore-Eda se pose – et nous pose – de nombreuses questions sur les relations entre parents et enfant, sur la paternité et la maternité, sur la notion de liens du sang…  Qu’est-ce qui relie un père à son fils? Le patrimoine génétique commun? L’éducation donnée? Ou, plus simplement, les moments de bonheur partagés, le temps passé ensemble?
Qu’est-ce qu’un bon père? Quelqu’un qui travaille dur pour donner à son enfant la meilleure éducation possible ou quelqu’un qui  passe du temps à jouer avec lui, qui l’entoure constamment d’affection?
Des questionnements intéressants qui permettent au cinéaste de continuer à explorer, avec la même finesse et le même humanisme, le thème de la famille japonaise d’aujourd’hui et le lien entre les différentes générations. 

Tel pere tel fils - 4

Assurément, Tel père, tel fils est un joli film, subtil et tendre. Seul petit  bémol, il est un peu moins touchant que ses deux oeuvres précédentes, Still walking et I wish. Peut-être parce que le personnage central, Ryoata reste assez longtemps froid et autoritaire, assez antipathique, même, et qu’on peine à s’attacher à lui, malgré la belle performance de Masaharu Fukuyama.
Mais l’émotion finit  quand même par arriver, via deux séquences où le personnage laisse tomber sa carapace et profite enfin d’instants de complicité avec ses deux fils. Des scènes dans lesquelles se ressent l’influence des grands maîtres du cinéma japonais, comme Yasujiro Ozu, mais qui portent aussi, indéniablement,  l’ADN cinématographique d’Hirokazu Kore-Eda.

Notre note : ●●●●

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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