Après le triomphe de Bienvenue chez les Ch’tis et le nombre d’entrées honorable de Rien à déclarer – malgré un accueil critique plus mitigé – Dany Boon repart à la conquête des sommets du box-office avec Supercondriaque, une nouvelle comédie où il se moque de l’un de ses défauts, la tendance à se croire atteint de toutes les maladies du monde.

Enfin, par “nouvelle”, on entend marquer une temporalité, et non signifier une quelconque originalité… 
Déjà parce que des personnages hypocondriaques, on en a  déjà vu quelques-uns sur scène ou à l’écran, du “Malade imaginaire” de Molière à Melman, la girafe de Madagascar, en passant par Woody Allen dans Hannah & ses soeurs ou Sabine Azéma dans Olé.
Et ensuite parce que ce scénario obéit à une construction comique des plus classiques, recyclant les vieilles recettes  du genre.

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Dany Boon incarne Romain, un homme profondément hypocondriaque. La peur panique d’attraper des germes au contact des autres êtres humains lui vaut d’être aujourd’hui célibataire et de ne pas avoir beaucoup d’amis, en dehors de son collègue Marc (Jonathan Cohen) et de son médecin-traitant. Dimitri (Kad Merad). Son obsession empire avec le temps : il collectionne les médicaments, fait des malaises au moindre soupçon de symptôme et fréquente les urgence comme d’autres les salles obscures… Et il sollicite donc davantage le brave Dimitri, qui ne supporte plus de le voir débouler à toute heure dans son cabinet et pire, à son domicile.
En somme, c’est le schéma classique des films de Francis Veber où un François Pignon, un “emmerdeur”, vient pourrir la vie d’un type ordinaire, généralement un peu bourru. Rien de bien nouveau, donc, mais c’est l’assurance, à priori, d’une comédie bien structurée.

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Mais Dany Boon, faute d’inspiration ou de confiance en son sujet, décide de greffer sur cette trame un second arc narratif, reposant sur un autre grand classique de la comédie : le quiproquo. 
En suivant Dimitri dans un camp de réfugiés, Romain est pris pour Anton Miroslav, le leader des indépendantistes Tcherkistanais. L’avantage de ce statut providentiel, c’est que la soeur de Dimitri (Alice Pol), qui ignore sa véritable identité, tombe sous son charme et décide de le prendre sous son aile. L’inconvénient, c’est qu’il se retrouve dans la peau d’un clandestin et d’un dangereux rebelle, ce qui va occasionner quelques péripéties assez improbables.
La recette ayant fait ses preuves, on pourrait penser que le film va  fonctionner à la perfection et offrir une bonne tranche de rigolade au public.
Mais Le problème, c’est que la combinaison des deux arcs narratifs ne fonctionne pas bien. En fait, cela déséquilibre surtout le récit. Des personnages sont sacrifiés en cours de route, et d’autres, insuffisamment consistants, prennent le relais. Les gags et les répliques s’enchaînent paresseusement. Et la romance entre le boulet hypocondriaque et la passionaria révolutionnaire n’est pas crédible pour un sou.

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Et surtout, à la différence de ses films précédents, Dany Boon ne partage pas la vedette avec ses partenaires. Le rôle de Kad Merad est insuffisamment développé pour que fonctionne le tandem comique, et il disparaît presque totalement de l’intrigue à mi-parcours. Celui d’Alice Pol n’est guère plus étoffé, le cinéaste n’exploitant que très peu le potentiel comique de la jeune actrice. Du coup, Dany Boon se retrouve seul en première ligne, et il occupe l’espace en s’appuyant sur ce qui a fait sa réputation, un mélange de grimaces et de minauderies. Ses fans seront comblés. Les autres spectateurs, eux, risquent de trouver le temps long…

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La seule qui arrive à se faire remarquer au sein de ce one man show longuet et répétitif, c’est Judith El Zein, qui assène ses répliques – les plus mordantes du film – avec un mélange de grâce et de férocité. Mais comme son personnage est aussi sacrifié à mi-parcours, à cause du virage narratif effectué par le cinéaste, cela ne suffit pas à sauver le film…
Oh, on ne peut pas dire que c’est un navet. Il faut bien reconnaître que quelques situations comiques fonctionnent et que certaines répliques font mouche. Mais d’autres sont assez consternantes…

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Avant que certains Boonmaniaques nous taxent d’être des critiques élitistes aigris, allergiques à tout ce qui est “populaire”, précisons tout de suite que nous n’avons pas pris en grippe Dany Boon. Certes, son jeu d’acteur et son talent comique ne provoquent chez nous aucune fièvre, et nous n’avions pas succombé à la crise de démence collective provoquée par son Bienvenue chez les Ch’tis. Mais nous avions trouvé fort sympathique cette comédie venue du nord et nous avions fait preuve d’une certaine indulgence vis-à-vis de Rien à déclarer, pourtant bien moins réussi. 
Seulement voilà, cette fois, nos anticorps, bien échauffés par des dizaines de comédies paresseuses made in France, ne laissent pas passer ce  Supercondriaque assez inoffensif, qui ne devrait pas provoquer la même pandémie dans les salles obscures que le virus Ch’ti… 

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Supercondriaque Supercondriaque
Supercondriaque

Réalisateur : Dany Boon 
Avec : Dany Boon, Kad Merad, Alice Pol, Judith El Zein, Jean-Yves Berteloot, Bruno Lochet, Jonathan Cohen
Origine : France
Genre : comédie anémique 
Durée : 1h47
Date de sortie France : 26/02/2014
Note pour ce film :●●
Contrepoint critique : Le Parisien

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