scandaleusement votre Littlehampton, petite bourgade du Sussex, voit sa quiétude troublée par une affaire singulière. Edith Swan (Olivia Colman), vieille fille bigote et respectable reçoit depuis quelques temps des lettres anonymes injurieuses, particulièrement choquantes. Elle soupçonne rapidement sa voisine, Rose (Jessie Buckley) d’en être l’auteure. Shocking !
D’accord, aujourd’hui, ce genre de dispute ne choquerait plus grand monde. On peut lire sur certains réseaux sociaux des propos autrement plus outranciers et grossiers, auprès desquels les insultes reçues par Miss Swan passeraient pour d’aimables poèmes. Quant aux querelles de voisinage, elles se règlent désormais à la télé ou la radio, en un appel à Julien Courbet.
Mais l’affaire – bien réelle – décrite dans Scandaleusement vôtre se déroule dans l’Angleterre des années 1920. Or à cette époque, on ne plaisantait pas avec ces atteintes aux bonnes moeurs. Ce type de scandale était porté devant les tribunaux.
Suite à la plainte d’Edith, Rose Gooding est arrêtée par la police. Irlandaise au langage quelque peu fleuri et au mode vie débridé, fréquentant plus les pubs que les églises, elle est la coupable idéale pour les policiers locaux, pas spécialement finauds. Très vite, elle est envoyée derrière les barreaux, séparée de sa fille et de son compagnon, dans l’attente de son jugement.
Gladys Moss (Anjana Vasan), seule officière de police de la brigade, trouve que l’affaire a été un peu trop hâtivement classée. Pourquoi Rose, qui n’a jamais la langue dans sa poche, se serait-elle fatiguée à écrire des missives anonymes à sa voisine? Elle aurait tout aussi bien pu l’insulter directement à travers le mur mitoyen de leurs maisons. Cela n’a pas de sens…  Gladys mène sa propre enquête et réalise très vite que l’écriture de Rose et celle du mystérieux corbeau ne correspondent pas. Hélas, elle se heurte à l’obstination de ses supérieurs, qui rejettent ses théories autant par paresse que par fierté. Ils n’ont pas de leçon à recevoir d’une femme, pour eux juste bonne à leur servir le café. La policière ne se démonte pas et, avec l’aide de quelques femmes du village persuadées, elles-aussi, de l’innocence de Rose, fait tout pour tenter de piéger le véritable auteur de ces lettres anonymes.

Certes, le long-métrage de Thea Sharrock n’est pas une oeuvre majeure d’un point de vue strictement cinématographique. La mise en scène manque un peu trop d’ampleur ou de fantaisie pour marquer durablement les esprits. Cependant, le film possède assurément ce charme désuet qui fait le prix de beaucoup de comédies policières à l’anglaise. Le tout est parfaitement rythmé, les répliques font mouche et les performances des trois comédiennes principales sont de purs régals. Et il séduit également parce qu’il n’est pas une pure comédie. Le fond est plus grave, plus dramatique. La cinéaste utilise cette histoire pour dresser le portrait de trois femmes prisonnières, chacune à leur manière, d’un système patriarcal étouffant. Edith vit sous l’emprise de son père, qu’elle soupçonne d’avoir fait fuir ses prétendants pour la garder à ses côtés. Rose essaie tant bien que mal de cacher ses secrets et ses faiblesses derrière ce masque de femme libre et provocatrice, mais sait que son passé pourrait bien la rattraper et lui faire perdre ce qu’elle a de plus cher au monde. Gladys, quant à elle, se heurte au machisme et à la bêtise crasse de ses collègues masculins. Le dernier plan, magnifique, décrit bien la puissance dévastatrice de ce système. Dans le fourgon de police qui l’emmène vers la prison , un personnage féminin éclate de rire. Un rire franc, libérateur. Alors qu’elle s’apprête à être enfermée pour de nombreuses années, cette femme, extirpée du carcan dans lequel elle vivait, arrachée à ses bourreaux, ne s’est jamais sentie aussi libre.
Comme Il reste encore demain, sorti la même semaine, Scandaleusement vôtre montre combien la route vers l’émancipation féminine a été longue et semée d’embûches et que beaucoup de femmes ont payé un lourd tribu, consenti à de grands sacrifices pour que la société évolue un peu.


Scandaleusement vôtre
Wicked Little Letters

Réalisatrice : Thea Sharrock
Interprètes : Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan, Thimothy Spall, Joanna Scanlan, Gemma Jones, Malachi Kirby, Eileen Atkins, Paul Chahidi
Genre : comédie dramatique féministe
Origine : Royaume-Uni, France
Durée : 1h40
Date de sortie France : 13 mars 2024

Contrepoints critiques :

”Voilà une comédie so british comme on les aime : des sujets sociétaux abordés avec humour et portés par des dialogues savoureux, des personnages attachants interprétés par des comédiens qui cabotinent juste ce qu’il faut.”
(Barbara Theate – Le Journal du dimanche)

”Plus de suspense, une intrigue plan-plan et cousue de film blanc, le duo duel Oliva Colman/Jessie Buckley tourne vite en rond. On bâille jusqu’au « happy end » de rigueur.”
(Le Point)

Crédits photos : Copyright 2023 STUDIOCANAL SAS – CHANNEL FOUR TELEVISION CORPORATION

REVIEW OVERVIEW
Note :
SHARE
Previous article“Il reste encore demain” de Paola Cortellesi
Next article“La Jeune fille et les paysans”
Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

LEAVE A REPLY