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– Valérian / L’armure du Jakolass, de Manu Larcenet –

 » C’est l’histoire d’un mec, il aimerait bien être cosmonaute, pas’que les cosmonautes, môssieur, ils frolent l’infini du bout des doigts… et c’est ça qu’est bon, l’infini !
Le mec, aussi, il aimerait bien qu’ce soit son verre de rouge qui soit infini, alors y demande à Francisque – le tôlier du troquet – de lui resservir un p’tit canon. Et une fois ravitaillé, le ballon à la main et le clopeau au bec, c’qui s’ra infini, ce s’ra ses poésies qu’il a écrit sur l’espace. Pas’que le mec, les verres, il fait pas qu’les boire : il les écrit aussi, les vers.

Sauf qu’à un moment, v’là qu’se point l’aut’ zigue, là, avec ces clébards bizarres.
Bon, le truc, c’est qu’les clébards, c’est pas des clébards, en fait, c’est des aliens ; et que l’zigue, lui, bah c’est un agent interstellaire !
Et d’après môssieur l’agent interstellaire, là, il paraîtrait qu’notre mec du début, avec son gros pif tout couperosé et son gramme cinq dans l’sang, bah, ce serait rien d’moins que Valérian, le célèbre héros galactique !
Alors, ouais, OK : à la base, Valérian il est plutôt beau gosse, et là, le mec, il ressemble plus à un vieux pilier de comptoir sur le retour ; mais le truc, c’est qu’apparemment, l’beau gosse, il aurait été téléinterné dans le corps du vieux pochetron, et que sous l’choc, y s’souviendrait plus de rien.
Mais quand on a roulé sa bosse aux quatre coins de l’univers et qu’on a vécu les plus folles aventures imaginab’, être téléinterné, ça doit pas être si terrib’ que ça, tout compte fait, non !?

Du coup, notre vieux Valérian, embarqué par son pote Albert – c’est comme ça qu’il s’appelle – est ses Shingouz – c’est comme ça qu’il appelle ses clébards -, va retrouver Lauréline – sa gonz’ d’avant – et repartir bourlinguer de planètes en planètes pour retrouver le salaud qui lui a joué ce mauvais tour et qu’il lui refile sa forme originelle…
…Et là, à bord de son vaisseau spatial camouflé en épicerie rebeu’, j’peux vous dire qu’il va en frôler du bout des doigts, de l’infini ! « 

Un vieil alcoolo’ tout droit sorti de Chez Francisque ?
Valérian et Lauréline en folle équipée à travers l’espace ?
Etrange mélange que voici, non ? C’est pourtant ce que nous proposent aujourd’hui messieurs Christin et Mézières en offrant au génial Larcenet de revisiter leur mythique univers le temps d’un album. Et aussi improbable et inattendu soit-il, ce mélange fonctionne à merveille ! Ni une suite à proprement parlé, ni une simple parodie, cet album est une parfaite réappropriation : Larcenet nous invite ici à une aventure épique, parcourant de nouveau les galaxies lointaines et peuplées d’êtres étranges propres à Christin et Mézières, tout en y insufflant sa propre touche ; son style graphique inimitable, son humour faussement gras et réellement caustique, et même un certain lyrisme que je qualifierai de « poésie de comptoir » (sans aucun caractère péjoratif, l’auteur rendant un hommage touchant à la culture de bistro).

 

Et tel un gamin à qui l’on confie de jolis jouets, on ressent ici tout l’enthousiasme, le respect, et la joie pure que le petit Manu a éprouvés en s’amusant avec ces personnages légendaires…
…plaisir qu’il a même partagé avec ses copains de récré, l’œil acéré pouvant en effet repérer de-ci de là, au hasard des pages, quelques participations de Trondheim, Lidingre, Bouzard et bien d’autres. La partie colorisation, quand à elle, a totalement été confiée à Jeff Pourquié, qui effectue un travail épatant sur ces pages ; réussissant le pari de coller de manière infiniment juste au deux univers, oscillant entre les aquarelles baveuses et délavées d’un Chez Francisque, et les teintes éclatantes et profondes d’un space-opéra !

Du grand Valérian ET du grand Larcenet ? Ce serait vraiment dommage de se priver !

L’armure du Jakolass, de Manu Larcenet, d’après Christin & Mézières (ed. Dargaud).

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