Si j’étais scientifique, je pourrais mettre les critiques en équations, genre
Un justicier dans la ville + ∫( Saw 4,5,6 et 7) = Que justice soit faite
et j’irai illico breveter la formule du nanar infect, à l’idéologie plus que douteuse…
Mais voilà, je dois me contenter de mots pour vous dire tout le mal que je pense du film de F.Gary Gray, thriller mal fichu et plaidoyer nauséabond en faveur de la justice expéditive et la loi du Talion.

Que justice soit faite - 7

Commençons par le scénario, que l’on pourrait qualifier de simplicité enfantine s’il ne s’ouvrait pas directement par une éprouvante séquence destinée à choquer le spectateur et à justifier toutes les inepties qui vont suivre : Clyde Shelton (Gerard Butler), un citoyen ordinaire, assiste impuissant au viol et au meurtre de sa femme et de sa fille des mains de Clarence Darby et de son complice Rupert Ames.
Les deux hommes sont rapidement arrêtés et traînés au tribunal, mais, au moment du procès, le procureur Nick Rice (Jamie Foxx) apprend que suite à un cafouillage des policiers sur la scène de crime, les traces ADN recueillies ne sont pas valables, et que le témoignage de Clyde ne suffira pas à faire admettre la culpabilité des deux assassins.
Pour obtenir un jugement favorable à l’accusation, il passe un marché avec Darby. En échange d’un témoignage à charge contre Ames, il pourra bénéficier d’une peine plus clémente. De fait, il n’écope que de quelques années de prison, alors que son complice est condamné à la peine de mort.

Que justice soit faite - 6

Clyde sait pertinemment qu’Ames n’était qu’un sous-fifre et que le vrai meurtrier était Darby. Il se sent trahi par le procureur, l’accord ayant été négocié sans son consentement. La police a mal fait son travail, la justice n’a pas fait son devoir, et le véritable meurtrier risque de sortir très vite de prison…
Qu’à cela ne tienne. Puisque le système judiciaire ne fonctionne plus, Clyde décide de se faire justice lui-même et de se venger de tous ceux ayant participé à cette parodie de procès. Pour ce faire,  il met au point un plan machiavélique (ou ridicule, au choix…)

Et là, on bascule dans le grand n’importe quoi. Le gentil citoyen se mue en psychopathe/bricoleur de génie/manipulateur hors pair. Un peu comme le tueur au puzzle de la série des Saw, en plus fort…
Le bonhomme a quinze coups d’avance sur le procureur ou les policiers, est capable de construire des cachettes dans les endroits les plus improbables, peut réciter par coeur le code pénal.
En temps ordinaire, on dirait que c’est un salopard retors, mais le cinéaste et son acteur principal/producteur font tout pour qu’il garde la sympathie du public. C’est vrai, c’est quand même très vilain ce qu’on a fait subir à sa famille…

Que justice soit faite - 2

Du coup, la morale du film est plus que douteuse. Sous couvert de dénoncer le laxisme de la justice américaine face aux criminels, et de montrer les dysfonctionnements au coeur des enquêtes criminelles (Ah! On est loin des “Experts” qu’ils soient de Las Vegas, New York ou Miami…), le film fait l’apologie de la loi du Talion. Oeil pour oeil, dent pour dent… Tolérance zéro pour les meurtriers… Hors de question de les voir occuper un cachot aux frais du contribuable. La peine de mort, et puis c’est tout. Ah non, tiens, c’est pas tout… Peine de mort, d’accord, mais pas par injection létale indolore. Plutôt à l’aide d’un produit qui fait agoniser dans d’atroces souffrances. Bien fait pour ces violeurs/tueurs d’enfants…
Et puis tiens, peine de mort aussi pour tous ceux qui ont été plus ou moins cléments avec les  criminels… Ca leur fera les pieds !

Désolé, mais personnellement, je n’adhère pas à ce discours extrémiste et rétrograde. Je peux comprendre que des proches d’une victime éprouvent de la haine contre celui qui les a privés d’un être cher. Je peux concevoir le besoin primitif de vengeance. Mais je ne le cautionne pas pour autant. Je suis contre la peine de mort et le concept de loi du Talion, pratiques rétrogrades qui n’ont, à mon sens, pas leur place dans une société démocratique civilisée.
Je sais que je ne vais pas me faire que des amis sur ce coup-là, vu que le débat reste encore très animé autour de ces questions, mais je l’assume pleinement.

Que justice soit faite - 5

Si encore le film introduisait un semblant de subtilité à sa thématique, une pointe d’ambiguïté chez le personnage, l’ébauche d’un regret face à cette violence déployée pour obtenir réparation, ne serait-ce qu’un petit doute, on pourrait lui trouver des circonstances atténuantes, mais non rien de rien…
Sur un sujet très similaire, on conseillerait plutôt Les sept jours du Talion (1), film québécois inédit en salles en France. Il s’agit également d’un thriller éprouvant dans lequel un père de famille ordinaire se mue en bourreau et cherche à obtenir justice à sa manière – radicale –  mais le sujet est traité avec infiniment plus de subtilité. Il trouble le spectateur, quelque soit ses opinions, et provoque intelligemment le débat sur ces sujets de société récurrents.

Il aurait été plus judicieux de sortir ce film-ci que l’infâme bousasse que constitue Que justice soit faite.
D’autant que d’un point de vue artistique, le film de F. Gary Gray est d’une vacuité totale : réalisation affligeante qui table, en vain, sur les effets-chocs et les scènes de violence gratuites pour combler le manque d’inspiration du cinéaste, montage effectué à la hache, sous amphétamines, scénario truffé d’incohérences, interprétation médiocre…
Jamie Foxx en fait des tonnes – comme d’habitude, diront les mauvaises langues – mais cette fois, il n’a pas un rôle très intéressant à défendre et son cabotinage devient vite insupportable, Gerard Butler est très mauvais dans ce rôle de McGuyver du crime – comme d’habitude, diront les mauv… – comme d’habitude tout court…

Que justice soit faite - 4

Non décidément, à part la présence de la jolie Leslie Bibb, dans un rôle secondaire sacrifié, et une ou deux scènes –choc efficaces, il n’y a rien à sauver dans cet exécrable nanar.
Tolérance zéro pour les mauvais films : Appliquons à la lettre le titre de ce film, Que justice soit faite et laissons-le gentiment tomber dans l’oubli, regagnant un néant dont il n’aurait jamais dû sortir…


(1) : Les sept jours du Talion de Daniel Grou (PodZ) est sorti en DVD chez Aventi Distribution

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Que justice soit faite Que justice soit faite
Law abiding citizen

Réalisateur : F. Gary Gray
Avec : Gerard Butler, Jamie Foxx, Leslie Bibb, Bruce McGill, Viola Davis, Colm Meaney, Regina Hall
Origine : Etats-Unis
Genre : nanar nauséabond
Durée : 1h48
Date de sortie France : 22/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Filmsactu

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