Quoi de mieux, pour boucler ce 16ème Etrange Festival qu’une bonne vieille séance de Retour de Flamme concoctée par Serge Bromberg ?
L’enthousiasme de ce passionné de pelloche est toujours aussi communicatif, et il excelle à nous dénicher des raretés et des inédits sublimes, qu’il accompagne lui-même au piano, comme au temps du muet.

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Nouvelle preuve du talent de ce grand Monsieur du cinéma français avec la projection de Cauchemars & superstitions, une rareté qui constitue le premier film de Victor Fleming, un cinéaste qui, comme l’a présenté avec malice l’ami Bromby, a signé ultérieurement “deux filmounets : Le Magicien d’Oz et Autant en emporte le vent”, et l’un des films que Douglas Fairbanks a tournés avant sa période de star des films d’aventures (Le signe de Zorro, Le voleur de Bagdad, etc…).
Ce film est une comédie loufoque dans lequel un savant fou injecte sur son cobaye humain (Fairbanks), des germes provoquant des bouffées de superstition et des cauchemars. Premier effet kiss cool, le pauvre hère arrive en retard au travail – un cabinet d’affaires dirigé par son oncle autoritaire et colérique – et se retrouve en vacances forcées. Deuxième effet kiss cool, ce congé imposé lui permet de rencontrer une jeune femme aussi superstitieuse que lui, dont il tombe amoureux, et qui semble elle aussi avoir le béguin pour lui.
Tout irait pour le mieux si la jeune femme n’avait pas déjà un fiancé – un escroc qui tente d’arnaquer le père de la demoiselle – et si le savant fou ne persistait pas à se mêler de ses affaires…

when the clouds roll by - 2

Le film repose sur une trame de vaudeville assez classique, mais est pimenté par des détails bizarres – comme le bras en bois de la meilleure amie de la jeune femme – et de nombreuses séquences-gags surréalistes. Comme ce cauchemar où les aliments qu’il a ingérés, un oignon, un homard et une part de tarte viennent poursuivre le héros jusqu’à une pièce où il est possible de marcher sur les murs et au plafond (trente ans avant Mariage Royal et la séquence fameuse où Fred Astaire exécute un numéro de danse pas si éloigné que cela…).
Il s’agit donc d’une oeuvre pleine d’énergie et de trouvailles visuelles, injustement méconnue et qui, grâce à la passion des créateurs de Lobster Films, se retrouve de nouveau mise en valeur. Merci à eux et à leurs équipes pour cette belle découverte…

La soirée s’est poursuivie avec la cérémonie de clôture – car tout a une fin, hélas… Frédéric Temps est venu accompagné de toute son équipe – Alain Burosse, Philippe Lux ainsi que tous les bénévoles qui ont assuré un accueil impeccable des invités et du public, et les projectionnistes, en régie, pour saluer leur travail, il est vrai fort appréciable pendant ces dix jours.
Puisqu’on en est aux remerciements, j’en profite pour exprimer ma gratitude à Xavier et Aurore, les attachés de presse, pour nous avoir permis d’assister à ce festival dans les meilleures conditions. Merci mille fois…

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Le big boss de l’Etrange n’était pas peu fier d’annoncer que la manifestation a battu cette année son record de fréquentation, avec notamment quelques séances pleines à craquer (A Serbian Film, Buried, Rubber) et un public répondant présent même aux oeuvres les moins faciles – expérimentales ou ultra-violentes.
Il a promis de revenir, si les sponsors suivent, pour une 17ème édition… Vivement !

Mais avant cela, il fallait bien boucler l’édition en cours, avec la remise des prix.
Cette année, pour la première fois, le festival a récompensé un des longs-métrages présentés. Le prix consiste en la promesse d’un achat par Canal + et l’assurance d’être diffusé par la chaîne cryptée.
Cette année, ironie du sort, c’est un film produit par le grand rival, Orange, qu’il leur faudra acquérir, puisque c’est le très bon Buried qui a été primé et qu’il a été coproduit par le Studio 37, la branche cinéma d’Orange.
Personnellement, j’aurais préféré que la récompense mette en lumière un petit film n’ayant pas les mêmes chances de diffusion que Buried déjà multiprimé et doté d’un distributeur. Mais il faut quand même reconnaître que le prix est loin d’être immérité…

One Night

Au niveau des courts-métrages,  All flowers in time de Jonathan Caouette remporte le prix du jury et sera lui aussi diffusé sur Canal +.
Vu le film, cela n’a rien d’étonnant. Il est effectivement très bon…
Bon OK, on ne comprend pas tout à cette histoire de photos, d’yeux rouges et de cowboy maléfique exerçant une influence néfaste sur les individus… L’ami Caouette se/nous prend la tête… Mais ce trip lynchien s’avère parfaitement envoûtant car formellement très ambitieux et réussi.
L’auteur du très remarqué Tarnation confirme qu’il possède assurément un talent fou en ce qui concerne le bidouillage des images.

En revanche, le prix du public a été remis à un truc assez médiocre, One night, où l’on suit les tribulations de plusieurs femmes au cour d’une soirée en boîte de nuit, de petits drames en petits tracas. Il y a celle qui passe la soirée à tenter de se décider sur ce qu’elle va mettre pour sortir, celle qui fantasme sur une nuit de sexe débridée, celle qui boit jusqu’à plus soif, etc… Cela pourrait être rigolo si condensé en 5 ou 10 minutes, mais sur 25 minutes, c’est trop loooong et finalement, parfaitement ennuyeux…

Monsters - 2

Enfin, le film de clôture a lui aussi, un peu déçu. Annoncé comme étant de la même veine que District 9Monsters de Gareth Edwards s’avère bien moins passionnant.
L’histoire ? Une sonde spatiale contenant des germes extraterrestres s’écrase entre les Etats-Unis et le Mexique. Une zone de quarantaine est bâtie entre les deux pays car des monstres gigantesques, sorte de pieuvres géantes évoquant le Cthulu de Lovecraft, s’y reproduisent à grande vitesse…
Un journaliste est chargé de raccompagner la fille de son patron de Mexico jusqu’aux Etats-Unis, par bateau. Mais évidemment, par un malheureux concours de circonstances, ils vont être contraint de traverser la zone infectée pour rejoindre leurs concitoyens…

Avec un script pareil, on se dit que l’on va assister à pas mal d’action. Mais les minutes défilent et rien ne se passe. Très peu de tension dans la mise en scène, ou chez les acteurs, assez peu expressifs. Le duo de personnages principaux devrait être terrifié, angoissé, peu rassuré quant à son sort. Mais non, on dirait une sympathique balade touristique, un safari-photo particulier… Et encore! On ne voit quasiment pas les créatures… Bref, c’est lent, c’est mou, c’est ennuyeux.Il faut attendre à peu près une heure pour que l’action s’emballe un peu, pour retomber illico dans la mollesse totale.

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Evidemment, le propos du cinéaste est autrement plus ambitieux que celui d’un film fantastique classique : la traversée de la zone de quarantaine correspond au parcours qu’effectuent chaque jour des dizaines de clandestins mexicains désireux de tenter leur chance au pays de l’Oncle Sam. Pour y arriver, il leur faut, comme les héros, payer une très forte somme, négocier avec des passeurs, graisser la patte aux autorités, et éviter de faire de mauvaises rencontres.
Quant aux extraterrestres, ce sont de pacifiques créatures mi-végétales, mi-animales qui ne s’énervent que lorsque l’armée américaine les bombarde de balles et de bombes chimiques. S’il n’y a pas un message écolo, là, c’est à n’y rien comprendre…
Donc oui, Monsters propose un cinéma différent, plus orienté vers la réflexion que vers l’action, et l’intention est louable… Mais quand même, un peu de tension dramatique n’aurait pas nui. S’il s’agissait de montrer que la traversée de la zone inter-états est périlleuse, un peu de piment mexicain aurait été bienvenu… Sans montrer d’autres attaques de monstres, le cinéaste aurait pu mettre les héros face à des gangs de racketteurs, des passeurs peu scrupuleux ou des gardes-frontières antipathiques, pour apporter un peu de tonus à l’ensemble…

Bon, soyons indulgent. Pour un premier film, et un budget aussi faible (15 000$), le résultat n’est pas inintéressant, d’autant que le jeune cinéaste a réalisé toute la partie technique quasiment tout seul.
Mais on aurait pu rêver de quelque chose d’un peu plu pêchu pour boucler cette seizième édition globalement de haute tenue…

A l’an prochain – on l’espère – pour un nouveau beau voyage dans le fascinant monde de l’étrange…

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2 COMMENTS

  1. Je te trouve dur avec « Monsters ». Je dirais que tu es déçu parce que tu attendais, comme nous tous je pense, un film d’action, or ce n’était à l’évidence pas l’objectif recherché par le réalisateur. Pour ma part j’ai beaucoup apprécié le film.

  2. Salut David,
    Trop gentil, trop dur… Quoi que je dise, il y a des insatisfaits 😀
    Sans doute suis-je un peu rude avec ce film qui, pour une première réalisation et un budget dérisoire, tient quand même la route.
    Je suis d’accord avec toi : le film n’est pas un film d’action et le sous-texte politique est primordial.
    Mais je maintiens qu’avec un peu plus de rythme et de péripéties, le propos y aurait gagné.
    J’ai quand même eu l’impression que les deux personnages principaux se faisaient un safari photo pépère, sans aucune crainte, sans aucun sentiment de révolte, d’injustice, de peur ou de quoi que ce soit… Mince! Des centaines de migrants risquent leur vie chaque jour dans cette zone du globe, dans l’espoir de pouvoir gagner la terre promise : Les Etats-Unis.
    En route, ils se font arnaquer, racketter par des gangs mafieux, des passeurs véreux. Ils doivent échapper à la police des frontières – des deux côtés… C’est tout sauf une partie de plaisir !
    Et là, c’est coooool! C’est looooong! C’est leeeent! Pourquoi pas… Après tout, L’Etrange Festival autorise tous les styles…
    Mais je pense que le film aurait gagné à être un peu plus pêchu… Tiens, puisque le cinéaste cite en référence « Apocalypse Now », dans le film de Coppola, il y a un message politique fort, le rythme est relativement lent, mais il y a quand même une tension qui tient totalement le récit.
    Là, c’est faiblard – de ce point de vue là du moins.
    Maintenant, je ne veux pas être trop rude avec ce jeune cinéaste prometteur – ça je te l’accorde volontiers !
    Et si certains, comme toi, ont aimé le film, tant mieux pour lui !
    Cordialement

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