Chalut les humains,

Ah! Voilà enfin un film pour moi, mettant en vedette des félins…
Hé! Mais qu’est-ce que c’est que ça? Passé l’introduction où deux de mes congénères déambulent dans un appartement et s’en vont miauler au pied du lit de leurs maîtres pour réclamer leur pitance matinale, ils se retrouvent relégués au second plan de l’intrigue. Ah, non, hein! Là, il y a tromperie sur la marchandise! Je ne vais pas critiquer ça, moi! Comment ça, “Si”? Hein?!? Sinon, je n’aurai pas ma pâtée du soir? Quel vil chantage! M’enfin, ‘faut bien manger…

Les vieux chats - 2

Donc, Les Vieux chats du titre, ce sont moins les deux superbes félidés qui occupent cet appartement cossu de Santiago du Chili que leurs maîtres, Isidora et Enrique, un couple d’octogénaires qui déclinent lentement mais sûrement. Elle, surtout. Déjà frappée d’un problème à la hanche et obligée d’ingurgiter chaque jour une pleine valise de médicaments, Isidora commence également à perdre la boule.

On fait connaissance avec la vieille dame au moment où elle se rend compte de la gravité de son état. Isidora avait déjà eu quelques absences ces derniers temps, mais là, ces crises sont plus longues et s’accompagnent d’hallucinations auditives et visuelles, correspondant peut-être aux réminiscence d’un passé douloureux. Une de ces pertes de contact avec la réalité provoque l’inondation de la salle de bains, ce qui la met dans tous ses états.
Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’ascenseur de l’immeuble est une fois de plus hors service, ce qui la contraint à rester enfermée dans l’appartement, et surtout, pire des calamités, sa fille Rosario s’est invitée pour le goûter en compagnie de son compagnon, Hugo, pour lui raconter leur voyage au Machu Picchu. Disons plutôt qu’elle est venue faire ce qu’elle fait à chaque fois : leur demander de l’argent.
Et cette fois, la fille indigne ne fait pas les choses à moitié. Elle essaie carrément de convaincre la vieille dame de lui donner l’appartement, qu’elle compte revendre pour se lancer dans un de ces plans professionnels foireux dont elle a le secret. Evidemment, Enrique n’a pas vraiment envie de se retrouver à la rue avec sa dulcinée. Et Isidora partage son avis…

… quand elle a toute sa tête. Ce qui, on le sait, est de moins en moins fréquent.
S’engage alors une féroce partie d’échecs à l’issue plus qu’incertaine. Rosario, survoltée – en partie à cause de la cocaïne qu’elle inspire en cachette, à intervalles réguliers – essaie toutes les stratégies pour convaincre la vieille récalcitrante : cadeaux saugrenus, chantage affectif, complainte larmoyante, ton un peu plus agressif, crise de nerfs…  La vieille femme tient bon, n’hésite pas à remettre sa fille en place à chaque tentative déplacée. Mais la moindre absence, la moindre perte de conscience, pourrait lui coûter cher. Enrique veille, mais il n’a pas vraiment son mot à dire dans ce règlement de comptes mère-fille, conséquence de plusieurs années de tensions et de désamour mutuel.

Les vieux chats - 3

Audacieuse combinaison de comédie grinçante, d’étude de moeurs et de mélodrame familial, le film  de Sebastián Silva et Pedro Peirano séduit d’entrée de jeu en forçant le spectateur à s’attacher à ce couple de vieillards fatigués. On rentre dans leur intimité, on suit leurs petits rituels quotidiens – nourrir les chats, prendre ses médicaments, sortir faire les courses, recevoir la famille ou d’autres personnes âgées… – on assiste à leurs échanges verbaux, parfois rudes, parfois tendres. On les trouve forcément touchants, parce qu’ils peuvent nous rappeler certaines personnes de notre entourage, ou tout simplement parce qu’ils sont vulnérables. Chaque absence d’Isidora nous fait craindre le pire, chaque fois qu’elle approche du balcon ou des escaliers nous fait frémir. Et chaque tentative de son insupportable fille de lui arracher sa signature nous tape sur le système et nous fait prendre un peu plus fait et cause pour la vieille femme.

Puis, petit à petit, les personnages se présentent sous un jour différent.  La férocité s’estompe pour laisser place à une certaine tendresse, le film prend un ton plus grave. Et quand le récit se clôt, sur une curieuse pointe d’amertume et d’apaisement entremêlés, on ne peut que se laisser envahir par l’émotion. 
Cela, on le doit surtout aux acteurs, tous très bons. Il y a déjà le vieux couple formé par Belgica Castro et Alejandro Sieveking. C’est chez eux que le film a été tourné, dans leur appartement, avec leurs propres chats. Une façon de les préserver de la fatigue d’un tournage à l’extérieur. Ainsi, les deux acteurs ont pu se concentrer sur leurs rôle et prendre beaucoup de plaisir à se jouer de leur âge avancé (78 ans pour Monsieur, 91 ans pour Madame) dans le film de leurs jeunes amis réalisateurs. Leurs camarades Claudia Celedón et Catalina Saavedra sont également impeccables. La première flirte avec le cabotinage sans jamais s’y vautrer, ce qui a le mérite d’apporter au film une certaine énergie. La seconde évolue dans un registre beaucoup plus sobre, qui tranche avec bonheur avec le côté caricatural de son personnage, très loin du rôle de femme de ménage qu’elle incarnait dans le précédent film du duo, La Nana.

La mise en scène fait le reste, suffisamment dynamique, appuyée par des cadrages variés et astucieux optimisant toujours l’espace disponible, de façon à ce que le huis-clos ne soit pas une gêne. 

Les vieux chats - 4

On ne voit pas beaucoup de félins dans Les Vieux chats. Hélas pour moi. En revanche, on y voit pas mal de talents à l’oeuvre, vieux et jeunes. Tant mieux pour les cinéphiles de tout poil, qui se feront un plaisir de découvrir ce joli film en salle.

Bon, il faut que je vous laisse. J’ai un truc à régler…

Plein de ronrons,

Scaramouche

Oh! Ca y est, je l’ai écrite, cette critique! Bon, alors ? Elle est où ma pâtée? Ca vient oui? Et rajoute des crevettes!

scaramouche

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Les vieux chatsLes Vieux chats
Gatos Viejos

Réalisateurs : Sebastián Silva, Pedro Peirano
Avec : Belgica Castro, Alejandro Sieveking, Claudia Celedón, Catalina Saavedra
Origine : Chili
Genre : chat-rivari familial
Durée : 1h29

Date de sortie France : 02/05/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Le Monde

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