120x160_LES APPARENCES_DEF_3.inddEn apparence, Eve (Karin Viard) est une une femme comblée. Son mari, Henri (Benjamin Biolay), chef d’orchestre réputé, est en charge de l’Orchestre Philarmonique de Vienne, où ils sont installés depuis quelques années. Ils habitent un bel appartement dans le quartier le plus huppé de la ville, s’approvisionnent dans les meilleures boutiques et font partie des piliers de la communauté française de la ville, avec leurs amis Clémence (Pascale Arbillot) et Thibaut (Xavier de Guillebon). Pendant que son mari répète à l’auditorium et que son fils adoptif, Malo, étudie en CP au Lycée Français, Eve dirige de main de maître la bibliothèque francophone de la ville. Tout le monde la respecte et l’envie. Mais un jour, elle découvre que Henri a une liaison avec l’institutrice de Malo (Laetitia Dosch). Eve est dévastée, moins par l’infidélité de son mari, après plusieurs années de vie commune, que par la perspective de voir cette relation révélée au grand jour, qui la couvrirait de honte auprès de ses voisines et de ses amies de la communauté d’expatriés bourgeois, avides de ragots croustillants et promptes à bannir de leur cercle de “femmes parfaites” toute personne indigne de leur rang.
Après avoir accusé le coup en passant une soirée à se saouler dans un bar avec un homme rencontré par hasard, Jonas (Lucas Englander), elle décide de reprendre le contrôle et de pourrir la réputation de sa rivale. Le hic, c’est que cette-dernière s’entête, fait tout pour garder Henri. Et pour couronner le tout, Jonas s’avère être un vrai pot-de-colle, tournant autour d’elle et sa famille de manière inquiétante…

Commençons par le positif : Il y a deux très belles idées dans Les Apparences.
La première, c’est de faire le parallèle entre l’histoire de Peau d’âne, film que le petit Malo se passe en boucle, et l’histoire d’Eve. Ou plutôt en faire des trajectoires opposées. Si Peau d’âne troque ses guenilles contre des habits de princesse, c’est le contraire pour Eve, jadis princesse radieuse dans sa “robe couleur de lune”, aimée du prince charmant et ne sachant que faire de tant de plaisirs, qui se retrouve soudainement obligée de patauger dans la fange, comme une vulgaire souillon, juste parce que son âne bâté de mari a choisi de s’encanailler avec une fille plus jeune. Un tel désaveu, un tel affront, s’il s’ébruitait, risquerait de la faire bannir du royaume par ses “amies” qui n’admettrait pas de côtoyer ainsi une pestiférée…
De Demy, on passe à Chabrol et à une critique féroce de la bourgeoisie et de ses moeurs haïssables, dans un même mouvement.

La seconde bonne idée, c’est de faire jouer cette femme trahir par l’excellente Karin Viard. L’actrice est parfaite dans ce rôle à multiple facettes, entre épouse bourgeoise modèle, bien sous tous rapports, garce jalouse et machiavélique et femme humiliée, délaissée, voyant tout son monde s’effondrer. Elle livre une fois de plus une performance mémorable et confirme qu’elle est l’une des plus grandes comédiennes françaises en activité.

Deux belles idées, donc, et c’est tout… Deux idées qui ne sont probablement pas liées au matériau original de ce long-métrage, le roman “Trahie” de Karin Alvtegen (1). Or le problème principal du film vient justement de cette intrigue qui ne tient absolument pas la route. On ne croit pas un instant à cette suite de péripéties  improbables, à la mécanique qui conduit à ce curieux dénouement. On trouve un peu facile la rencontre avec Jonas, le bel autrichien qui, comme par hasard, n’est pas très équilibré mentalement. Comme on trouve un peu énorme cette histoire de cyber-vengeance contre l’institutrice qui, ô surprise, a aussi un lourd passé à oublier (et devrait donc faire profil bas, rester dans l’anonymat, plutôt que d’aller fricoter avec l’homme le plus célèbre de la ville, hein…). Pour nous faire gober tout cela, il aurait fallu trahir un peu “Trahie”. Il aurait fallu adopter un ton décalé, gentiment farfelu, un peu comme le  Pauline détective qu’avait signé Marc Fitoussi il y a quelques années. Hélas, ici, il reste tout du long au premier degré, trop sérieux, suivant sagement les rails d’une intrigue étirée inutilement sur près de deux heures.

Comme on s’ennuie un peu, on relève des disparitions inquiétantes : Le personnage de la mère d’Eve s’efface complètement après sa seconde intervention et ne sert donc à rien d’autre qu’à faire diversion, tout comme le fils d’Eve et Henri, curieusement relégué à la marge. Le cinéaste ne creuse pas beaucoup plus les personnages de Pascale Arbillot et Laetitia Dosch, qui défendent malgré tout leurs rôles avec panache, ni même celui de Benjamin Biolay, nettement moins convaincant car jouant sa partition de façon un peu trop monocorde.

A l’arrivée, c’est la déception qui l’emporte. Les Apparences n’est pas un mauvais film, car la mise en scène de Marc Fitoussi est tout à fait correcte, copiant avec parcimonie les effets hitchcockiens, et que Karin Viard, étincelante, réussit presque à sauver l’intrigue de la noyade – si on ose s’exprimer ainsi. Mais ce n’est pas non plus un bon film, juste une oeuvre assez moyenne, gâchée par un scénario qui promettait d’être sulfureux et haletant, mais s’avère sans relief et mollasson.


(1) : “Trahie” de Karin Alvtegen – éd. Points

Crédits photos : copyright SND


Les Apparences
Les Apparences
Réalisateur : Marc Fitoussi
Avec : Karin Viard, Benjamin Biolay, Lucas Englander, Laetitia Dosch, Pascale Arbillot, Evelyne Buyle, Achille Marques Da Costa, Xavier de Guillebon, Martine Schambacher, Laetitia Spigarelli, Laurence Bibot, Lazare Gousseau
Origine : France, Belgique
Genre : En apparence un thriller haletant et sulfureux
Durée : 1h50
date de sortie France : 23/09/2020
Contrepoint critique :
“On pense à un suspense à la façon d’Alfred Hitchcock devant ce thriller vénéneux.”
(Caroline Vié – 20 mn)

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