Si un jour, des extraterrestres débarquent sur notre planète et choisissent au hasard une oeuvre cinématographique comme témoignage de nos moeurs et coutumes, on aura l’air fin si ce hasard les portent vers Le Complexe du castor, film dont le personnage principal, joué par Mel Gibson, ne peut s’épanouir qu’avec… un castor en peluche scotché sur sa main.

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Petite explication : Walter était un homme heureux, chef d’une famille sans problèmes, patron d’une entreprise de jouets prospère. Mais il a sombré dans une profonde dépression, passant ses journées à dormir ou à rester prostré, dans un état catatonique. Et depuis, il n’arrive pas à s’en sortir, ce qui induit des conséquences fâcheuses.
Sa société périclite et est au bord de la faillite, et sa femme, qui a été patiente jusque-là, ne peut plus supporter de le voir ainsi sombrer et le jette hors du domicile familial…
Au bout du rouleau, notre bonhomme semble définitivement perdu quand il retrouve, dans le coffre de sa voiture, une vieille marionnette représentant un castor grandeur nature. Dès que sa main enfile l’animal – en tout bien tout honneur… – quelque chose d’inattendu se produit. Tout ce qui reste en lui d’énergie vitale, de force morale, d’envie de se battre et de s’en sortir se retrouve projeté sur la marionnette.

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Instantanément, le castor reprend les choses en main. Il pousse Walter à se lever le matin, à reprendre un rythme de vie normal, à être plus présent auprès de ses enfants et même à reconquérir sa femme (jouée par Jodie Foster elle-même) au cours d’une des scènes d’amour les plus déjantées de l’histoire du cinéma… Car, évidemment, Walter ne quitte jamais l’encombrante peluche, même pendant le sexe. Et n’ayons pas peur de le dire, Castor est un chaud lapin…
Par ailleurs, Castor reprend aussi le commandement de l’entreprise de jouets, avec plein d’idées géniales pour relancer les ventes. Le personnel, initialement sceptique et rigolard devant ce patron quasi autiste qui ne s’exprime qu’à travers sa marionnette, finira par accepter cette excentricité quand l’entreprise se redressera de façon spectaculaire et que les employés seront tous rassurés sur leur avenir…

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En tant que spectateur, on est un peu comme eux. Au départ, on reste perplexe en découvrant le héros de Mad Max ou Braveheart discuter avec son castor, prendre sa douche avec lui, lui brosser les quenottes ou se balader dans les rues avec lui, main dans la euh… main… Puis on se laisse séduire par l’énergie communicative de Castor et on rit de bon coeur aux péripéties de ce drôle de duo…
Tant que le film reste sur les rails de la comédie pure et dure, on reste conquis. Il faut dire que le scénariste du film, Kyle Killen, avait initialement écrit ce film sur un mode humoristique et que Jim Carrey et Steve Carell étaient initialement pressentis pour jouer le rôle, sous la houlette d’autres cinéastes.
Mais Jodie Foster a trouvé plus intéressant de faire basculer le film vers plus de noirceur et de mélodrame. Au fur et à mesure du récit, les succès remportés par le duo Walter/Castor ne font qu’amplifier la dépendance du premier vis-à-vis du second. Or pour guérir véritablement, Walter doit prendre conscience que tout ce qu’accomplit la marionnette n’est que le fruit de sa propre personnalité. Il lui faut se débarrasser du castor en peluche pour redevenir pleinement lui-même.
Cette quête vers la guérison se fera forcément dans la douleur…

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Le choix de la réalisatrice de faire basculer l’histoire dans quelque chose de plus inquiétant et plus dramatique est culotté et apporte une dimension supplémentaire au film – une réflexion sur l’identité, le stress de la vie ordinaire et le formatage de l’individu dans le moule oppressant de l’american way of life – mais c’est aussi, hélas, sa principale limite.
Le problème vient de ce que la réalisatrice abuse un peu d’effets tire-larmes et de pathos dans la seconde moitié du récit. Son mélodrame s’appuie sur des ressorts narratifs archi-usés, dont une relation conflictuelle père-fils cousue de fil blanc et une bluette adolescente faussement rebelle.
Evidemment, il y a le climax dramatique du film, surprenant et tranchant avec le reste du métrage – si j’ose m’exprimer ainsi… Mais le dénouement revient vers une narration plus conventionnelle, plus “hollywoodienne”.

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Du coup, on sort de la salle un peu frustrés, à la fois heureux d’avoir passé un bon moment en compagnie de Walter et sa peluche et déçus du manque d’intensité et d’audace de la deuxième partie du film.
Dommage, car Mel Gibson est vraiment impeccable dans le rôle. Il possède à la fois la folie et la fantaisie nécessaires au personnage, s’illustre autant dans le registre comique que tragique. Et surtout, il réussit la prouesse de nous faire accepter sa marionnette comme un protagoniste à part entière, à lui donner vie.

Et il a une bonne bouille, ce castor… Plus une sacré personnalité, un drôle de charisme, un franc-parler réjouissant…
Puisqu’on remet une “palme dog” au meilleur représentant de la race canine dans un film présenté à Cannes, on propose que soit décerné cette année le “Castor d’or” à Castor (Beaver), pour son incroyable performance dans Le Complexe du castor

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Pour cette boule de poils à l’accent sooo british et son copain humanoïde dépressif, le film de Jodie Foster vaut quand même le coup d’oeil. Et puis, qui sait, cette histoire peut donner des idées à certains. On verra peut-être prochainement des gens se promener avec leur “Moi” au bout de la main, sous la forme d’une marionnette…
Tiens, je pourrais faire écrire à une marionnette ma prochaine critique. Ca serait rigolo, ça… Et je pourrais ainsi être très très méchant vis à vis d’un mauvais film sans prendre de gants… Reste à voir ce que je pourrais utiliser comme marionnette. Tiens Scaramouche, viens là, mon chat… Hé, reviens…

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Le Complexe du Castor Le Complexe du castor
The Beaver

Réalisatrice : Jodie Foster
Avec : Mel Gibson, Jodie Foster, Jennifer Lawrence, Anton Yelchin, Zachary Booth, Kelly Coffield Park
Origine : Etats-Unis
Genre : castor et à travers
Durée : 1h31
Date de sortie France : 25/05/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Le Point

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