Imaginez un travail qui consisterait à voyager autour du monde, être logé dans des palaces prestigieux, se prélasser dans les SPA et les jacuzzis, dîner dans les restaurants gastronomiques. Le tout, évidemment, aux frais de votre employeur qui vous verserait même de généreux émoluments pour cela… Le rêve, non?
Eh bien cet emploi idéal existe. C’est celui d’Irène (Margherita Buy), le personnage principal de Je voyage seul. Elle est payée pour louer des chambres dans les grands hôtels et vérifier que le prix des chambres, souvent astronomique, est bien en adéquation avec la qualité des services proposés. Sitôt arrivée à l’hôtel, elle évalue l’accueil du portier, l’amabilité du maître d’hôtel, l’attitude du groom et du reste du personnel qu’elle croise. Elle évalue ensuite l’espace de la chambre, la déco, vérifie si le ménage a bien été fait partout, note la propreté des draps, avant de partir tester le restaurant et les soins compris dans la note. Elle remplit consciencieusement son rapport, destiné à un magazine spécialisé dans le luxe.

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Le film de Maria Sole Tognazzi nous entraîne dans le sillage de cette chanceuse quadragénaire, dans des endroits plus splendides les uns que les autres, d’un grand hôtel allemand à un palace toscan, en passant par un exquis riad marocain.
A tous ceux qui n’ont pas la chance de partir en vacances cette année, on conseille vivement d’aller voir ce long-métrage. qui constitue une façon de voyager à moindre coût – et dans un lieu probablement bien climatisé. C’est déjà ça…
En plus, les personnages sont plutôt sympathiques, à l’image de l’héroïne, incarnée par la charmante Margherita Buy (une actrice-star en Italie, mais curieusement méconnue chez nous), le montage évolue sur le bon tempo, allegro ma non troppo, prenant souvent le temps de musarder, la mise en scène est sobre mais soignée.

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Et, cerise sur le gâteau, le film n’est pas qu’une simple succession de cartes postales. Il développe aussi une jolie réflexion sur la notion de liberté et des sacrifices qu’impliquent certains choix de vie.
Irène aime son métier et la possibilité qui lui est donnée de parcourir ainsi le monde. Elle aime cette sensation de liberté. Mais, alors qu’elle vient tout juste de franchir le cap de la quarantaine, elle se met à se poser des questions sur son avenir. Jusqu’à présent, son rythme de vie trépidant et ses voyages perpétuels n’ont pas été compatibles avec une vie amoureuse stable, et encore moins avec la possibilité de fonder une famille et avoir des enfants.
Bien sûr, Irène peut profiter de ses nièces quand elle rend visite à sa soeur Sylvia (Fabrizia Sacchi), ou squatter de temps chez un ancien amant, Andrea (Stefano Accorsi), mais cela n’est pas tout à fait la même chose. Il est logique que la grande voyageuse se demande s’il ne serait pas temps de poser les valises et de vivre une vie de femme plus ordinaire.
Deux évènements vont la faire douter davantage : Déjà, Andrea lui annonce que sa nouvelle fiancée attend un bébé, ruinant tous ses espoirs secrets de se remettre un jour en couple avec lui. Ensuite, Irene fait la connaissance d’une anthropologue anglaise (Lesley Manville), qui passe elle aussi sa vie dans les hôtels mais semble souffrir d’une profonde solitude. Veut-elle lui ressembler, dans quelques années? Supportera-t-elle d’être seule, sans mari et sans enfants? La Liberté mérite-t-elle ces sacrifices?

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D’un autre côté, la cellule familiale n’est pas non plus un havre de paix… Sa soeur et son conjoint traversent une grave crise conjugale. La passion amoureuse s’est diluée dans le quotidien. La routine du couple, l’éducation des enfants, les tâches ménagères, les soucis professionnels,…, ont eu raison du désir et de la complicité des débuts. Et si les enfants peuvent être attendrissants quand on les voit de temps en temps, ce n’est pas la même chose de les élever au quotidien, de s’en occuper à plein temps et de gérer bêtises et bouderies… Irene est-elle vraiment faite pour cette vie-là?

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Forte de son sujet, finalement bien plus profond qu’il n’y paraît, Maria Sole Tognazzi signe une élégante comédie douce-amère, loin des clichés et des conventions. Un bien joli voyage, qui nous emmène bien plus loin que prévu. On sort en effet de la projection dans un drôle d’état, à la fois empli d’une sensation de plénitude et de sérénité, sans doute communiquée par les lieux visités, et d’un certain vertige existentiel, qui invite à faire le point sur sa propre vie. Pour un “petit” film italien estival, c’est assez inhabituel… Et cela fait plaisir à voir…

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Je voyage seule Je voyage seule
Viaggo sola

Réalisatrice : Maria Sole Tognazzi
Avec : Margherita Buy, Stefano Accorsi, Lesley Manville, Fabrizia Sacchi, Gianmarco Tognazzi, Alessia Barela
Genre : invitation au voyage
Durée : 1h25
Date de sortie France : 09/07/2014
Note :
Contrepoint critique : Le Monde

 

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