Clint Eastwood derrière la caméra, Leonardo Dicaprio devant, l’histoire de l’homme qui fut pendant un demi-siècle à la tête du FBI. Tous les ingrédients étaient réunis pour faire des étincelles. Un biopic ambitieux. Peut-être trop.

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J.Edgar Hoover a passé sa vie à collecter les secrets des gens, tout en prenant bien soin de cacher les siens. Un an après Au-delà, Clint Eastwood repasse derrière la caméra pour nous livrer ce biopic sans concession sur celui qui fut le fondateur du FBI et le dirigea pendant 48 ans. Entre sa relation avec sa mère, ses peurs exacerbées, ses mensonges et sa sexualité, rien n’est épargné à l’homme qui fut aussi craint qu’admiré.

Habitué aux personnages psychologiquement complexes (Aviator, Shutter Island, Inception…), Leonardo Dicaprio endosse le costume de Hoover de ses jeunes années jusqu’à sa mort. Que ce soit dans la peau du jeune carriériste débutant ou dans celle du vieux Bulldog renfrogné, la star de Titanic confirme qu’il est l’un des acteurs les plus doués de sa génération. Une justesse maintenue dans toute l’ambiguïté du personnage : à la fois déterminé et apeuré, puritain et libertin, grand orateur et dyslexique.

Clint Eastwood en profite pour lever le voile sur le plus grand secret de J.Edgar : son homosexualité. Sa relation avec son homme de confiance Clyde Tolson (interprété par Armie Hammer) est le fil rouge de l’histoire. J.Edgar Hoover aura lutté toute sa vie contre une homosexualité patente et une mère castratrice (Judi Dench).

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Le chef d’œuvre manqué

L’histoire elle-même se déroule sans cesse entre le jeune Hoover et les dix dernières années de son règne. L’homme raconte son passé à des biographes, ce qui occasionne des passages temporels au coeur de ses souvenirs, véritables ou arrangés.  Une mise en abime, une histoire dans l’histoire, servie par des plans minutieusement calculés (le vieux Hoover rentre dans l’ascenseur, le jeune en sort).
Bénéficiant d’une photographie sublime (des tons ternes, donnant l’impression d’un “noir & blanc en couleurs”), le film aurait pu faire partie des œuvres majeures du réalisateur s’il n’avait pas été aussi flou que le personnage qu’il décrit. Cette temporalité inconstante rend l’intrigue parfois difficile a suivre et on se perd dans les évènements.

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Le scénario accuse lui aussi quelques défauts. Le film est long à démarrer et la fin peine à arriver. Certains passages de la vie de J.Edgar sont mis en avant par rapport à d’autres, alors que des évènements auraient mérité d’être plus approfondis. Clint Eastwood avait de la matière à exploiter mais a semblé se perdre lui-même dans son histoire.

Au final on se retrouve devant un bon biopic, mais on ressort de la salle avec le regret d’un chef d’œuvre manqué.

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J.Edgar affiche J. Edgar
J. Edgar

Réalisateur : Clint Eastwood
Avec : Leonardo Di Caprio, Naomi Watts, Armie Hammer, Judi Dench, Josh Lucas, Christopher Shyer
Origine : Etats-Unis
Genre : FBI (Fin Biopic Intelligent)
Durée : 2h15
Date de sortie France : 11/01/2012
Note pour ce film : ●●
contrepoint critique chez : Filmosphere

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Note de Boustoune :

Comme vous l’avez sans doute constaté, cette critique a été rédigée par un nouveau collaborateur d’Angle[s] de vue.
Allan Blanvillain vient en effet renforcer notre rédaction et nous proposera de façon régulière – on l’espère –
 ses avis pertinents sur les sorties de l’année.
Ce jeune homme est étudiant en journalisme, photographe et cinéphile. Il collabore déjà à plusieurs revues et sites internet, comme Lebourlingueurdu.net ou Publik’art et publie aussi sur son propre blog, filmssurcanape.blogspot.com
On est très heureux de le compter parmi nos rédacteurs et on espère que ce premier article marque le début d’une longue et belle collaboration.
Bienvenue, donc, cher Allan.  

1 COMMENT

  1. Tout à fait d’accord avec cette critique.
    Eastwood est plus en verve que sur « Au-delà » (heureusement!) mais n’a pas totalement réussi à retranscrire toute l’ambiguïté du personnage.
    En tant que fan de James Ellroy, j’avais encore en tête le portrait qu’il dresse de J.E.Hoover, tout au long de sa trilogie « Underworld USA », et qui va plus loin dans le cynisme et la mégalomanie.

    Bien sûr, Eastwood montre quand même les contradictions du bonhomme, épris de justice mais capable de s’adonner au chantage ou à la manipulation, conservateur politiquement, mais assez moderne au niveau de l’approche des problèmes…

    D’ailleurs, ils se ressemblent un peu, tous les deux, puisque le républicain/conservateur Eastwood signe, comme souvent, un film dont les valeurs s’écartent sensiblement de celles prônées par sa famille politique, en n’hésitant pas à faire vaciller sur son piédestal l’une des icônes historique de la droite américaine.
    Mais j’aurais aimé un portrait encore plus mordant, parlant notamment des liens complexes de Hoover avec une mafia dont il niait officiellement l’existence.

    Pour le reste, ce n’est pas mal du tout. Techniquement, c’est brillant : la photo de Tom Stern est effectivement impeccable, tout comme le jeu des acteurs, qui restent crédibles même vieillis à coup de maquillages assez caoutchouteux…
    Mais c’est un poil trop classique et trop hollywoodien pour moi…

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