Ian Gray (Michael Pitt) est un scientifique pur et dur. Un esprit cartésien qui s’est mis en tête de démonter l’idée, véhiculée par les créationnistes, que l’oeil humain, avec sa structure parfaite, ne peut être que d’origine divine et ne peut s’expliquer par la théorie de l’évolution.
Aidé de sa stagiaire, Karen (Brit Marling), il mène des recherches sur un gène spécifique, commun aux organismes vivants dotés de perception visuelle. Son but est trouver le chaînon manquant de l’évolution oculaire : un organisme simple, porteur du gène en question, qui, par simple mutation, pourrait développer un oeil primitif.

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Un soir, il rencontre Sofi (Astrid Bergès-Frisbey), une jeune femme aux yeux envoûtants et en tombe éperdument amoureux, malgré leurs profondes divergences. Il est cartésien et farouchement athée, elle est croyante et s’intéresse à l’irrationnel. Pour lui, leur coup de foudre ne s’explique que par des phénomènes biochimiques et physiques, des affinités moléculaires et des atomes crochus. Pour elle, leur amour tient plus de la métaphysique. Leurs âmes sont connectées depuis longtemps et ils se sont sûrement aimés dans des vies antérieures. Mais l’Amour est aveugle… Cela ne les empêche pas d’emménager ensemble et d’envisager un avenir commun.
Cependant, au moment où les travaux de Ian connaissent une avancée notable, un drame va ébranler profondément ses convictions.

I Origins - 3

Difficile de parler de I origins sans risquer de trop dévoiler. Disons qu’il s’agit d’une histoire d’oeil et de deuil, d’yeux et de Dieu(x). Une histoire où il est question de vue et de déjà-vu. Une histoire interrogeant les origines de l’oeil (“Eye”) et les origine du “Moi” (“I”). Une histoire où s’affrontent sans cesse physique et métaphysique, faits et Foi, science et conscience.
Bref, un sujet particulièrement casse-gueule, qui ne manquera pas de diviser les spectateurs. Certains vont lui reprocher son côté mystique naïf, d’autres son approche critique de la religion. Les âmes sensibles vont s’élever – c’est le cas de le dire… – contre la scène-choc du film tandis que les cinéphiles durs-à-cuire vont lui reprocher son romantisme. Les intégristes, les créationnistes, les darwinistes, les inrockuptiblistes et  téléramistes de tous poils vont tomber sur le pauvre Mike Cahill…

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Il n’empêche que le scénario de cette fable fantastique est plutôt évolué, comparé aux scripts des blockbusters hollywoodiens pondus par des créatures mono-neuronales, et que la mise en scène de Mike Cahill est particulièrement brillante. Tout invite le spectateur à un jeu de piste ludique. Chacun peut s’amuser à rechercher le motif récurrent de l’oeil dans les compositions d’images, ou les nombres – notamment le “11” et le “7” – qui ont une importance dans le récit. Et libre à chacun de décrypter les noms des personnages, Ian Gray faisant écho à un certain Dorian, héros d’un célèbre roman d’Oscar Wilde, et Sofie évoquant l’héroïne d’un roman philosophique de Jostein Gaarder, de chercher le sens du prénom du fils de Ian, Tobias, qui utilise des atomes de la classification périodique des éléments ou celui de la petite Salomina…
Même si le cinéaste, parfois, se laisse aller à quelques facilités narratives et à des effets visuels ostentatoires, le résultat est tout de même des plus probants.

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Et puis il y a cette ambiance singulière. A peu près la même que celle de Another Earth, autre récit entremêlant drame intimiste et science-fiction, qui avait fait connaître Mike Cahill et Brit Marling, il y a trois ans.
Il ne fait plus aucun doute que Cahill est un auteur à part entière, qui possède son propre style, son propre univers, ses propres obsessions, autour de la science, la foi et le destin, et qui réalise des films ambitieux et audacieux, qui ne plaisent pas à tout le monde mais qui ont le mérite de susciter le débat.

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Oui, même s’il doit encore affiner son style en le débarrassant de certaines scories, Mike Cahill s’impose peu à peu comme un cinéaste qu’il faut garder à l’oeil. Mais pour cela, encore faudrait-il que ses films soient un peu plus présents sur les écrans français. Bien que distribué par la Fox, via le label “searchlight”, I Origins n’est à l’affiche que dans une dizaine de cinémas, et en VF la plupart du temps. Pour un film qui traite de la vue, être aussi peu visible est un comble…

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I OriginsI Origins
I Origins

Réalisateur : Mike Cahill
Avec : Michael Pitt, Brit Marling, Astrid Bergès Frisbey, Steven Yeun, Archie Panjabi, William Mapother
Origine : Etats-Unis
Genre : Oeil et deuil, Yeux et Dieu
Durée : 1h46
date de sortie France : 24/09/2014
Note :

Contrepoint critique : Télérama

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