● 66ème Festival International du Film – Cannes (06)
– du 15 au 26 mai 2013 –
“Dans le symbolisme occidental, le gris est associé à la dépression, la tristesse, la solitude, le désarroi, l’ivresse…” (1).
Aïe! L’affiche du 66ème Festival de Cannes est toute en nuances de gris cette année… Ca promet! Déjà qu’on a subi un hiver interminable, avec son cortège de grisaille, de froid et d’humidité. Alors si en plus cette grande fête du cinéma mondial se met en mode “déprime”, cela ne risque pas de nous requinquer…
Hep, attendez un peu avant de courir vous acheter une corde au magasin des suicides. Regardez-la de plus près cette affiche du Festival 2013. Elle est tout le contraire des termes évoqués plus haut…
Déprimante?
Non, apaisante, avec ce couple dont la position évoque le sigle du yin et du yang, l’équilibre de la vie.
Triste?
Non, lumineuse, radieuse même, avec ce cercle de points blancs qui donne un effet de relief.
Un symbole de solitude?
Ben non, au contraire, puisque ce sont deux amants qui partagent un moment de tendresse et de complicité. Et pas n’importe quel couple, puisqu’il s’agit du couple Joanne Woodward/Paul Newman (2). Un des couples les plus glamours du cinéma américain, et des plus stables, puisque leur idylle a duré jusqu’au décès de Paul Newman, soit plus de cinquante ans de vie commune.
L’histoire d’amour entre le Festival de Cannes et les cinéphiles est comparable à celle de ce duo mythique. Elle dure, elle, depuis 66 ans et elle n’est pas près de s’arrêter, tant la manifestation offre, année après année, le meilleur de la production cinématographique mondiale à des spectateurs venus de tous les horizons.
Un symbole de désarroi?
Au vu de tout ce qu’on vient de vous démontrer, c’est loin d’être le cas! On a plutôt envie de crier “Vive le gris!” et de féliciter les personnes qui ont créé le design de cette affiche 2013.
La seule association correcte, à la rigueur, serait celle avec l’ivresse.
Car on n’attend que cela! S’enivrer de films (ou de cocktails pour les festivaliers oiseaux de nuit), se laisser griser par la maîtrise technique des magiciens du cinéma, par les émotions procurées par les acteurs, par les histoires contées… Cinéastes débutants ou confirmés, chantres du cinéma de genre ou du cinéma art & essai… Peu importe le flacon pourvu qu’on ait cette fameuse ivresse.
Mais pour ce cru 2013, force est de constater que les flacons donnent bien envie. Jugez plutôt :
En compétition, une forte armada française – François Ozon (Jeune et Jolie), Arnaud Desplechin (Jimmy P.), Valéria Bruni-Tedeschi (Un Château en Italie), Abdellatif Kechiche (La Vie d’Adèle chapitres 1&2 aussi connu sous le titre “Le Bleu est la couleur la plus chaude” ), Arnaud des Pallières (Michael Kohlhaas, avec Mads Mikkelsen)et Roman Polanski (La Vénus à la fourrure) – va se frotter à une belle délégation asiatique – Hirokazu Kore-Eda et sa nouvelle chronique familiale (Soshite chichi ni naru, que l’on peut traduire par “tel père, tel fils”), Jia Zhangke (Tian zhu ding, que l’on peut traduire par “un soupçon de péché”), Takashi Miike (Wara no tate, que l’on peut traduire par “champ de paille”) et Asghar Farhadi (Le Passé, que l’on peut traduire par… ah ben non, c’est déjà traduit, puisque ça se passe en France et que Bérénice Béjo et Tahar Rahim jouent dedans…) – et une non moins impressionnante sélection américaine – James Gray (The Immigrant, avec Marion Aaaargh Cotillard), Alexander Payne (Nebraska), les inévitables Coen brothers (inside Llewyn Davis), Jim Jarmusch et son film de vampires (Only lovers left alive), ce qui devrait être le dernier Steven Soderbergh, sniff (Behind the candelabra) sans oublier le mexicain Amat Escalante (Heli).
Bigre! Belle bagarre en perspective, qui pourrait aussi être arbitrée par Nicolas Winding Refn (Only God forgives) de retour sur la Croisette après l’accueil chaleureux réservé à son Drive il y a deux ans, Alex Van Wamerdam (Borgman), Mahamat Saleh-Haroun (Grigris), ou Paolo Sorrentino (La Grande Bellezza).
Nul doute que le jury présidé par Steven Spielberg et comptant dans ses rangs Vidya Balan, Naomi Kawwase, Nicole Kidman, Lynne Ramsay, Daniel Auteuil, Ang Lee, Cristian Mungiu et Christoph Waltz aura du pain sur la planche pour les départager…
Hors compétition, le public découvrira la nouvelle version de Gatsby le magnifique par Baz Luhrman (film d’ouverture), l’adaptation du Zulu de Caryl Ferey par Jérôme Salle (film de clôture), deux polars en séance de minuit (Monsoon shootout et Blind detective de Johnnie To), le nouveau J.C. Chandor, All is lost, avec Robert Redford, la version US des Liens du sang par Guillaume Canet (Blood ties), et Le dernier des injustes de Claude Lanzman.
Ceux qui trouvent que c’était mieux avant, qui préfèrent les vieux millésimes élevés en caves – ou en salles obscures – pourront se rabattre sur les hommages rendus à Jacques Demy (projection d’une copie restaurée des Parapluies de Cherbourg en présence d’Agnès Varda, Mathieu Demy et Rosalie Varda), Alain Delon (projection de Plein Soleil, en sa présence), Jerry Lewis (projection de son dernier film, Max Rose, en sa présence) ou Kim Novak, l’inoubliable interprète de Sueurs froides qui sera également là pour cet hommage et pour remettre un prix lors du palmarès.
Bon, pour la compétition officielle, il faut voir avant de juger, mais avec ces hommages, au moins, on peut être sûr qu’on est dans du très haut de gamme…
Les festivaliers pourront aussi aller dénicher les pépites cinématographiques dans les sections parallèles.
La section “Un certain regard” propose par exemple les nouveaux films de Sofia Coppola (The Bling ring), Rebecca Zlotowski (Grand central), Claire Denis (Les Salauds), Hiner Salem (My sweet pepperland, avec la sublime Golshifteh Farahani) ou Rithy Panh (L’image manquante).
On découvrira aussi avec beaucoup d’intérêt le premier long de Chloé Robichaud, qui nous avait séduits l’an passé avec son court, Chef de meute. Et aussi Fruitvale station, un indé américain très remarqué à Sundance.
Côté Quinzaine des réalisateurs, on pourra voir le nouveau film d’Ari Folman (Le Congrès), de Raphaël Nadjari (A strange course of events), ou de Serge Bozon (Tip-top, avec un duo explosif Isabelle Huppert-Sandrine Kiberlain). Yolande Moreau et Guillaume Galienne viendront présenter leurs films (Henri pour la première, Les garçons et Guillaume, à table! pour le second). Hommage sera rendu à Jane Campion, Carrosse d’Or 2013. Et Alexandre Jodorowsky sera lui aussi célébré, doublement, à travers un documentaire sur son adaptation avortée de “Dune”, et la présentation de son nouveau long, La Danza de la realidad.
Théoriquement, fidèle à sa réputation, cette section devrait proposer des choses très différentes, du film intimiste au film d’horreur, en passant par la science-fiction, le polar ou la comédie… A vérifier!
Enfin, la Semaine de la critique, elle aussi fidèle à son image, tentera de mettre en valeur de jeunes talents, comme Jean-Luc Godard, Peter Greenaway et Edgar Perâ… Euh… Pardon, ça c’est le film de clôture, qui ne manque toutefois pas de relief (3x3D). Mais six des films présentés concourent pour la convoitée Caméra d’Or.
Dans cette section, on suivra particulièrement Katell Quillévéré pour vérifier que son second film, Suzanne, confirme tout le bien que l’on pense d’elle depuis son remarqué Un poison violent.
Si, dans tout ça, on ne trouve pas à voir cinq ou six très bons films, on pourra vraiment donner tout son sens à l’expression “faire grise mine”. Mais pour l’heure, on est assez confiants, et on attend avec impatience et excitation ce cru 2013 concocté par Thierry Frémaux, Edouard Waintrop, Charles Tesson et le comité de sélection des films de la Semaine de la Critique.
Certains membres d’Angle(s) de vue seront sur place pendant le festival pour vous livrer leurs impressions sur les films projetés et vous faire vivre les évènements de cette 66ème édition.
A très vite pour nos chroniques cannoises 2013.
Plus d’informations : site officiel du Festival de Cannes
(1) : définition trouvée sur wikipédia
(2) : Dans le film de Melville Shavelson, La Fille à la casquette (A new kind of love)