On avait beaucoup aimé Les Petits ruisseaux, la première réalisation de Pascal Rabaté. Et nous avions été encoure plus enthousiasmés par son second film, Ni à vendre ni à louer. Comme le cinéaste avait passé sans encombres le cap souvent délicat de la deuxième réalisation, on attendait avec impatience son troisième film, Du goudron et des plumes. Sans doute un peu trop trop, car à l’arrivée, il s’agit d’une petite déception.
Oh, la déception est toute relative, car on retrouve par petites touches tout ce qui faisait le charme des deux premiers opus : un regard décalé sur les choses, une poésie burlesque héritée de Jacques Tati et de Pierre Etaix, un univers ancré dans le quotidien des “petites gens”, et des personnages attachants. Simplement, tout est ici dilué dans un scénario assez lisse, au cheminent des plus linéaires et laissant une impression de “déjà-vu” dommageable.

Déjà, le cinéaste tue tout suspense en commençant son récit par le dénouement : le personnage principal, Christian (Sami Bouajila) est en train d’escalader un mât de cocagne, ultime épreuve d’une épreuve sportive télévisée façon “Intervilles”, quand il s’arrête soudain, pris de vertige à quelques centimètres du but. Ce qui intéresse Pascal Rabaté, c’est de raconter comment le personnage, profondément égocentrique et asocial, peu enclin à se mélanger à la foule, s’est retrouvé dans cette situation délicate, contraint de faire le guignol sur un mât, devant tous ses voisins et des milliers de téléspectateurs.

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Il commence par nous dresser un portrait peu flatteur de Christian. Le type, commercial dans une société d’extermination de nuisibles, apprend à son stagiaire comment escroquer les personnes âgées et les femmes au foyer, organisant de fausses visites d’inspection pour y déposer des larves de termites et contraindre les occupants des lieux à vite faire traiter leur charpente contre les parasites.  Puis il apprend au même stagiaire à lever des filles dans un bar, après le boulot. Divorcé, Christian accumule en effet les aventures d’un soir, sans aucun scrupule et sans  se soucier des sentiments de ses conquêtes.
Quand il passe chez lui, dans son petit pavillon, il ne rate jamais une occasion de se prendre le bec avec ses voisins, à qui il affiche ouvertement son mépris et son hostilité. Et il est tout aussi fermé quand les participants du jeu télévisé viennent sonner à sa porte pour tenter de l’enrôler dans leur équipe…

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Alors, pourquoi diable le retrouvera-t-on en leader de ladite équipe, quelques jours plus tard? Qu’est-ce qui va faire changer d’avis le pourtant très obtus Christian?
Eh bien, en premier lieu sa fille, Vanessa (Talina Boyaci). Une adolescente dont il a la garde un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires et qui aimerait bien que son père passe un peu plus de temps avec elle. Or justement, elle s’entraîne pour le spectacle de majorettes qui doit faire l’ouverture de l’émission télévisée. Si son père faisait partie des concurrents, cela leur permettrait de se voir un peu plus souvent. Et la gamine sait s’y prendre pour faire plier son père…
Mais ce n’est pas la seule raison. Au cours d’une répétition du spectacle, il rencontre Christine (Isabelle Carré), la mère d’une des camarades de Vanessa. Il en tombe amoureux. Vraiment, follement. Au point de remettre complètement en question son mode de vie. Christian/Christine, c’est un signe, non? Ils ne peuvent qu’être faits l’un pour l’autre. Evidemment, cela ne va pas être si simple que cela. Christian va être rattrapé par ses erreurs passées, et Christine va s’éloigner pendant un moment.

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Mais pour le spectateur, ce parcours cahoteux est en fait un sentier archi-balisé, reprenant des codes classiques de la comédie romantique, vus et revus. On peut prévoir tout ce qui va se passer dans le récit, sans forcer, deviner à l’avance l’évolution des personnages.
Ce n’est pas mal fait, loin de là. Le film s’appuie sur les belles performances de Sami Bouajila, parfait en pauvre type arrogant métamorphosé par l’amour, et d’Isabelle Carré, toujours très craquante dans ce type de rôle. Les seconds rôles assurent aussi le métier. On est heureux de retrouver Daniel Prevost dans le rôle d’un ex-ouvrier d’origine algérienne, désormais retraité s’occupant de son jardin et papy-gâteau, Zinedine Soualem en gérant de boutique de farces et attrapes dépressif et suicidaire ou encore de Jean-François Gallotte en voisin bègue. Tous sont parfaitement orchestrés par Pascal Rabaté, qui imprime son style particulier à la mise en scène.
Simplement, on ne peut s’empêcher de trouver dommage la simplicité et le côté prévisible de ce film, de la part d’un auteur qui, tant par ses thématiques de prédilection que par sa façon singulière de construire le récit, nous avait habitué à emprunter des chemins de traverse, peu visités par ses collègues réalisateurs…

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Sur la forme, on s’attendait au même déluge de gags fantaisistes que dans Ni à vendre, ni à louer. Hélas, Du goudron et des plumes est bien plus sage.
Il reste quand même quelques beaux moments d’humour poétique, comme ces banderoles exprimant des choses totalement différentes selon qu’elles sont déployées ou pliées, cette “blattemobile”, véhicule de fonction surmonté d’un cafard géant, dans laquelle circule notre anti-héros, ou encore un jeu de domino avec des pneus de poids-lourd, joliment foiré par Gustave Kervern… Mais on reste un peu sur notre faim.

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Même déception sur le fond. Les Petits ruisseaux abordait le thème, peu visité, de la sexualité des seniors.  Ni à vendre, ni à louer traitait, en filigrane, de la crise, du chômage et de la fermeture des chantiers navals, et captait l’air du temps avec bonheur. Ici, il y a bien quelques thèmes intéressants, comme les abus de confiance pratiqués par des commerciaux peu scrupuleux, les difficultés rencontrés par les parents divorcés, et l’idée d’intégration, incarnée par Kader (Daniel Prevost) et ses deux fils, Christian et Parick (Sami Bouajila et Zinedine Soualem) et opposée à un racisme larvé, mais ils ne sont que survolés hélas. Là encore, on attendait davantage de Pascal Rabaté, même si son regard sur la vie de ses concitoyens reste d’une acuité remarquable.

On sort un peu frustré de ce Du goudron et des plumes, que l’on aurait aimé, à l’instar de son titre de western, un peu plus enragé. Mais on n’ira pas jusqu’à lyncher le pauvre Pascal Rabaté. Car sans doute est-on trop exigeant avec ce cinéaste encore en apprentissage. Il faut bien reconnaitre qu’en seulement trois films, il a su imposer une patte et un style atypiques dans le paysage cinématographique français. Et que même un film moyen de la part de cet auteur surpasse aisément toute la filmographie d’Eric Lartigau ou de Philippe de Chauveron…
On attend donc avec intérêt son quatrième long-métrage, afin de déterminer si cette simple comédie romantique correspondait juste à une petite baisse d’inspiration ou si Pascal Rabaté est définitivement rentré dans le rang.

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Du goudron et des plumes Du goudron et des plumes
Du goudron et des plumes

Réalisateur : Pascal Rabaté
Avec :  Sami Bouajila, Isabelle Carré, Daniel Prévost, Zinedine Soualem, Talina Boyaci, David Salles
Origine : France
Genre : comédie romantique
Durée : 1h31
Date de sortie France : 09/07/2014
Note pour ce film :
Contrepoint critique : 20 minutes

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