Divergente et Hunger Games
Le premier film des deux trilogies

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INTRODUCTION

Deux dystopies. Deux phénomènes littéraires. Puis deux phénomènes cinématographiques. Adaptations de romans de science-fiction, soit interprétations de deux œuvres uniques. Réservées à la jeunesse ? Non, car les deux romancières, Suzanne Collins pour Hunger Games et Veronica Roth pour Divergente, nous plongent dans des mondes futuristes sombres et totalitaires, dans lesquels l’Humanité semble avoir disparu ou du moins est réduite à portion congrue.

Hunger Games et Divergente sont avant tout un cri commun. Un cri de liberté. Celui de deux auteures  qui croient en la nature humaine. Celui de deux personnages qui gardent dans leur regard une lueur particulière. L’espoir. Alors que leur environnement sombre dans le chaos, elles incarnent un espoir de renouveau, d’avenir meilleur.

Outre les livres, deux trilogies écrites avec un style sec, brut et au temps présent, il existe les films. Hunger Games a été réalisé en 2012 par Gary Ross, Divergente en 2014 par Neil Burger. Il n’est pas anodin que les deux sagas aient pris autant d’ampleur si rapidement, s’invitant dans les salles de cinéma et générant de nombreux débat. Car Beatrice Prior et Katniss Everdeen sont des icônes. Différentes, certes, mais elles incarnent l’état d’esprit, les motivations et les tracas de bon nombre de personnes, ce qui peut expliquer en partie le succès des livres autant que celui les films. Chaque spectateur/lecteur peut y trouver un personnage qui lui corresponde. Auquel il s’identifie.

« Qui suis-je ? ». Question centrale de ces deux œuvres majeures et qui, avec les films, pensent par images. Les tourments ne se lisent pas sur des pages, mais sur des écrans, du mouvement, des plans de cinéma. Des instants de vie. Ainsi, c’est sur le premier volet des deux trilogies cinématographiques respectives que nous allons nous pencher. Et non sur les livres. Bien sûr, nous n’analyserons guère tous les éléments qui constituent ces réalisations à succès, mais juste certains qui traitent de ce « Qui suis-je ? » existentiel de l’Homme. La quête identitaire de Katniss Everdeen et de Beatrice Trior.

Ces films, qu’importe qu’ils soient issus de l’industrie américaine et de la tradition des « blockbusters ».  Ils sont avant tout des créations communes du Septième Art. Des enfants du Cinématographe. Et ils se prêtent donc totalement à l’analyse filmique.

SYNOPSIS

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En premier lieu, nous ne pouvons éviter de livrer un bref synopsis des deux films pour une meilleure compréhension.
Intéressons-nous d’abord à Hunger Games : Dans l’ancienne Amérique du Nord, qui n’est plus que ruines après un cataclysme nucléaire, s’est forgée la nation de Panem. Un état totalitaire, dirigé de main de fer par une poignée d’individus. Depuis le Capitole, ils organisent chaque année les Hunger Games, un jeu télévisé des plus particuliers. Chacun des douze districts composant Panem doit fournir deux participants, un garçon et une fille. Ces “tributs” vont devoir s’affronter et affronter ceux des autres secteurs dans un combat à mort en milieu hostile. La victoire est accordée à l’unique survivant dont la famille bénéficie d’argent et de nourriture jusqu’à la fin de sa vie. Le but de ce jeu, comparable à des jeux du cirque modernes, est d’offrir à la caste de bourgeois décadents un divertissement riche en sensations fortes, mais surtout de faire une démonstration de force pour dissuader toute velléité de rébellion chez les habitants des douze districts.
Katniss Everdeen, seize ans, se porte volontaire pour protéger sa sœur et très vite, elle se retrouve face à la superficialité ainsi qu’à l’hypocrisie du Capitole, de ses habitants et du Président Snow. N’ayant guère le choix de refuser la confrontation avec les autres candidats extrêmement entraînés, Katniss ne peut faire confiance qu’à son instinct, établir les bons choix. Entre la vie et la mort, entre l’humanité et l’amour.

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Dans Divergente, c’est aussi un monde post-apocalyptique qui est mis en scène. La société y est répartie en cinq factions : les Audacieux, les Sincères, les Altruistes, les Fraternels et les Erudits, en fonction des compétences de chacun.

Beatrice Prior a seize ans, l’âge de choisir sa faction définitive. Elle doit passer le Test d’Aptitudes qui va lui révéler quelle faction est la plus adaptée à son profil. Beatrice est née Altruiste mais ne s’est jamais sentie très à l’aise dans son milieu d’origine. L’examen le confirme : il révèle que Beatrice est inclassable car sujette à la divergence. Ce fait rare est malheureusement traqué par le gouvernement, qui considère les « Divergents » comme une menace pour la communauté. Dissimulant son secret, Tris intègre le clan des Audacieux, où l’entraînement repose sur l’exploration de nos peurs les plus intimes. N’écoutant que son courage et ses convictions, Tris se doit de franchir les étapes une à une et surtout, s’affronter elle-même. Ce qu’elle est : une Divergente.

IMAGES ET APPARENCES

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Pour le Capitole, il n’y a que l’apparence et la plastique qui comptent. Seules les images font exister les êtres. Et les spectateurs des Hunger Games n’ont que faire de leurs victimes, de leur véritable Moi.

Pourquoi l’adaptation cinématographique du travail de Collins est-elle une réussite ? Parce que si l’on pose la question de l’image, du cadre (dans lequel évoluent les personnages ou, au contraire, y sont enfermés) elle n’est qu’entièrement acceptable par l’écran. Le cinéma. Car il est l’image, le mouvement. Ce qu’est Hunger Games, en fait. Alors, le film s’acharne sans cesse à enfermer les personnages, à étouffer Katniss, Peeta et les autres au sein de son effroyable rectangle. Et finalement, qui est réellement piégés ? Les tributs ou nous-mêmes, les spectateurs ? Nous devenons voyeurs mais également membres du Capitole en observant l’évolution des personnages, réduits à l’état d’images. Victimes d’une communauté sans pitié.

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Pour les factions du vieux Chicago de Divergente, les apparences comptent aussi. Beaucoup. Tenues strictes et ornements respectifs, chaque clan se caractérise par ses attributs, à commencer par le symbole propre aux Audacieux, aux Erudits, aux Sincères, aux Fraternels et aux Altruistes. Si les parents de Tris et de son frère Caleb vêtent des tenues humbles, peu colorées pour s’oublier eux-mêmes, comme le souhaite leur faction, les Audacieux se remarquent aussitôt par leurs vestes et leurs pantalons de cuir noir alors que les Erudits se distinguent avec leurs uniformes bleu vif à la coupe droite.

STATUTS ET COMMUNAUTÉS

Trouver sa place en société est une chose difficile quand on est différent ou « Divergent ». Et les caméras de Burger et Ross captent cela avec réalisme. Par les mouvements brusques, rapides de la caméra. Ainsi que par un montage brut, rythmé. Le travail des chefs opérateurs et des directeurs artistiques est, pour les deux films, également remarquable. Avec les modernes ambiances glacées, froides, métalliques de Hunger Games et les atmosphères jaunies, sombres de Divergente, nous sommes face à des espaces sociaux sans issue. Toujours clos.

La mise en scène ne cesse de rappeler le cadre,  la boîte de la communauté à laquelle appartiennent Katniss et Tris, le piège dans lequel elles se trouvent enfermées. Que ce soit le ciel virtuel et quadrillé des jeux du Capitole ou les gymnases de la Fosse, les deux longs-métrages s’appliquent à bâtir murs, façades et barrières pour que les personnages puissent évoluer dans l’ombre et la lumière. Etablissant l’espace, le cadre de la Société.

Je suis perdue, je ne sais pas qui je suis, j’ignore à quoi, à qui j’appartiens. Je regarde à droite, à gauche. Où suis-je ? Quelle est ma place ici ? Que suis-je ?

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Caméra épaule, plans très saccadés et instabilité du cadre ; l’individu livré aux autres, livré à la société. Ecrasé par tous. Alors, difficile de retrouver Katniss et sa sœur Prim dans la foule le jour de la Moisson, et difficile de discerner Tris au cœur de la file d’attente pour passer le Test d’Aptitudes. Les deux films valorisent cette recherche, ces doutes du Moi personnel, de l’appartenance à une communauté. L’objectif de la caméra capte les personnages à la fois en plans serrés et en plans larges – ces derniers perdant totalement Katniss et Tris dans le décor. Parfois, même si elles parviennent à occuper le centre du cadre, elles finissent écrasées par des vues en plongée ou des travellings arrière qui les réduisent à l’état de fourmi. Oui, des fourmis. Les sociétés que dénoncent les deux auteures sont régies par l’intolérance et l’exploitation du peuple. Les autorités veulent transformer les individus  en esclaves, les forcer à ne plus penser.

Le sentiment d’oppression et d’aliénation est palpable aussi bien dans Hunger Games que dans Divergente. La machine à broyer les êtres est en route dès les premiers instants. Les personnages ont à peine le temps de réagir que, déjà le piège se referme sur eux. Sans aucun échappatoire.

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Dès les premières minutes de Divergente, l’Erudite Jeanine Matthews n’hésite pas à déclarer à Tris que c’est à elle de choisir sa place, de savoir qui elle est et d’accomplir ce qui est le meilleur pour elle. Cette scène est irrévocablement dominée par cette figure froide et de marbre qu’est la chef des Erudits.Tris se voit soumise, contrainte aux lois de la société. Perdue au sein des cinq factions. N’arrivant pas à trouver une solution digne de ses convictions, de ce qu’elle pense réellement. Parce qu’elle est encore jeune. Trop jeune.

Tout comme Katniss, qui est violemment arrachée à sa famille, privée de ses repères personnels. Elle est envoyée dans l’Arène, jetée en pâture à la communauté du Capitole et au public du show télévisé de Caesar Flickerman. Sa survie ne dépend que du soutien qu’elle peut trouver auprès de certains nobles, de la sympathie des spectateurs, des liens forgés avec d’autres participants. Dans ce lieu hostile, elle doit aussi trouver une place. Sa place. Katniss est contrainte de faire ses preuves, de plaire aux autres. En renonçant à ses valeurs, à ses principes. A elle-même.

Plongée dans un nouvel environnement, Tris (comme Katniss) est vouée à être autonome, seule. Séparée à jamais, ou presque, de sa famille et de ses repères, la jeune Prior doit accepter l’existence qui lui est accordée. Sans parents. Sans frère. Elle est seule, désormais. Comme le précise, la maxime, implacable, devant être assimilée, acceptée par chaque membre des cinq factions : « La faction avant les liens du sang. ».

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Tout au long du film, les plans renforcent d’ailleurs cette indépendance subie et vécue par des cadrages serrés ou au contraire, très larges, perdant le personnage dans la masse des autres individus ou, au contraire, valorisant Tris en fonction de ses décisions, de ses actes. Songeons par exemple à la contre-plongée appuyée lors de la Cérémonie du Choix, lorsque l’adolescente hésite à déposer son sang dans l’une des cinq vasques – geste irrémédiable affirmant l’appartenance d’un individu à une faction. Le film met en scène une Tris émouvante, sensible et humaine. Une jeune fille qui devient femme, un membre de la société à part entière. Et une rebelle incontrôlable, seule contre tous, qui ne parvient pas à s’accoutumer à la faction des Audacieux.

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Ross fait de même avec Hunger Games ; Katniss n’est pas en adéquation avec la société de Panem et elle ne cesse d’éprouver solitude et perte de repères. Les plans rapprochés sur le personnage (bien net), s’opposant à l’arrière-plan flou, illustrent également cet isolement, cet abandon. La caméra saisit le mal-être du personnage, qui ne se sent jamais à sa place. Qui n’a pas la sensation d’être chez lui, auprès de ceux qu’il aime. Katniss se sent totalement délaissée, loin de Prim, de sa mère et de son ami Gale. Alors, elle est contrainte de vivre avec une nouvelle « famille », de nouveaux repères qui sont Haymitch Abernathy, Effie Trinket, le styliste Cinna et Peeta Mellark. Quant à Tris, c’est à Christina, Will et à Tobias qu’elle doit se raccrocher pour exister.

Les deux auteures, tout comme les deux cinéastes, tentent d’expliquer que malgré maints efforts, adhérer à une société et surtout y appartenir, n’est pas facile du tout. Cela est très douloureux, faisant endurer à l’Homme la remise en question de ses valeurs, de ses doutes. De lui-même.

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Outre les nouvelles communautés que découvrent Katniss et Tris, nous pouvons également évoquer leurs origines. La faction des Altruistes et le District 12 se ressemblent à bien des égards. D’abord par leurs mœurs, qui reposent sur une entraide permanente, un partage des biens et un profond respect de son prochain. Les Altruistes ont le devoir de se ménager le moins possible, de s’oublier au profit d’Autrui. Ils vivent dans le dénuement et l’humilité, par nature, par choix. Pour les habitants du District 12, ce n’est pas une question de choix, mais de nécessité. Privés de ressources, opprimés, ils n’ont pas d’autre choix que de s’appuyer les uns sur les autres, survivant grâce à la générosité et la solidarité des membres de la communauté.
Les habitants du District 12 et les Altruistes portent de modestes vêtements, peu colorés et sans fioritures. Tous se ressemblent, et le travail des costumiers pour les deux films est admirable. Utiliser le tissu pour fondre l’humain dans la masse. Pour mettre en images l’appartenance d’un individu à une communauté.

DÉBUTS ET FINS

L’ouverture – tout comme la clôture – de chaque film est décisive. Révélatrice de l’histoire qui nous attend. Hunger Games et Divergente n’échappent pas à la règle. La question de la destinée est d’ailleurs commune aux deux. Dès le début, le spectateur se doute qu’il y aura des morts. Que la Mort n’est pas loin, qu’elle est partout. Menaçante, planant comme une ombre sur ces individus soumis au joug du Capitole ou de la faction des Erudits.

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Dès les premières secondes du film de Gary Ross, le Choix nous est présenté comme impossible. Voire inexistant. Des cartons à fond noir assènent, implacables, les mots du Capitole. « En vertu du Traité de la Trahison : en guise de pénitence, chaque District devra fournir un garçon et une fille entre 12 et 18 ans lors d’une ‘Moisson’ publique. Ces tributs seront remis au Capitole, puis transférés dans une arène publique où ils lutteront à mort jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une seul vainqueur. Cette joute s’appellera les Jeux de la Faim ». L’absence totale de liberté par excellence. Les premières images sont d’ailleurs issues du Capitole, cette cité idéale – ce monde du Faux. C’est une émission de télévision, où les créateurs sont parfaitement apprêtés, maquillés. Masqués. L’hypocrisie comme prison, l’apparence comme seul moyen d’existence. L’Image.

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Cela s’oppose avec le début de Divergente, dans lequel il y a un espoir de Liberté, peut-être. Lents travellings sur la campagne abandonnée, grandes étendues captées en plans d’ensemble. L’espoir est ici, là, quelque part. Mais la caméra franchit bien vite l’immense barrière qui entoure une ville de Chicago en ruines, et nous enferme dans ce qui ressemble plus à une geôle gigantesque qu’à une métropole conventionnelle. Un espace clos, sans véritable échappatoire visible.
Ross et Burger imposent ici deux visions différentes, mais toutes deux traduisent l’enfermement. L’impossible liberté, l’absence du libre-arbitre. L’interdiction de contrôler sa propre existence. D’être soi-même.

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La fin respective des deux longs-métrages est également très différente.
Katniss et Peeta réussissent à contourner les règles et à survivre tous les deux, contraignant les organisateurs a les déclarer vainqueurs tous les deux. Alors qu’un train les ramène paisiblement chez eux, ils prennent conscience que leur stratagème est perçu comme un affront fait au pouvoir en place, et qu’il est perçu par certaines personnes comme l’acte fondateur d’une révolution populaire massive. L’espoir d’un avenir plus radieux.
Mais le film se clôt sur le visage du président Snow, l’air sombre et le regard réprobateur, laissant présager une réponse sanglante à cet acte de défiance. Là encore, le cadre nous renvoie à l’idée de l’enfermement, de la prison, du piège implacable. Mais cette idée est valable dans les deux sens. Katniss, Peeta et leurs proches ne sont pas encore tirés d’affaire, mais le dernier plan cloisonne également Snow au sein de son propre jeu, de son propre piège. Une victime de sa propre société.

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Dans Divergente, Tris et Tobias montent également dans un train – un personnage à part entière, nous y reviendrons –,  filant vers l’avenir, l’espoir, hors des murs de Chicago. A moins que leur wagon ne se dirige vers la mort, symbolisée par cette barrière gigantesque.
Et s’ils en sortent, que leur arrivera-t-il ? Telle est la question.
Et il en est de même chez Hunger Games. Que va-t-il se passer pour Katniss, Peeta et Snow ?

Fins ouvertes, donc. Les deux films laissent le spectateur pensif, intrigué. Enclin à l’optimisme, car ce n’est ni la fin de Tris, ni celle de Katniss. Car il y a un Après. La Révolte imminente. Et l’Espoir d’une liberté individuelle. Unique.

POINTS DE VUE

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Dans Hunger Games comme dans Divergente, le point de vue du personnage principal est omniprésent. Premier. Toutefois, il est indéniable que Ross pousse plus loin le montage des plans, la composition et la décomposition du temps. Beaucoup de plans filmés à l’épaule, d’images saccadées qui accompagnent le personnage, de raccords regard et de plans subjectifs. Pourquoi ? Car même si l’Image et les apparences sont maîtres du jeu – et maîtres du film –, c’est avant tout Katniss notre meneuse. Celle qui vit chaque épreuve, traverse chaque émotion. Alors, le montage s’emballe à la sortie du Tube, le son s’étouffe à son arrivée sur le plateau télévisé de Flickerman et à chacune de ses courses, la caméra court, saute, roule, trébuche.

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Le spectateur vit et voit à travers les yeux de Katniss. Il n’y a pas d’issue. On ne peut échapper aux images, elles s’imposent à nous et nous courons à notre tour. Nous parcourons cette forêt virtuelle et réelle à la fois. Ce film à gros budget est agréablement surprenant à cet égard ; la subjectivité accompagne l’intégralité de l’histoire, un regard féminin sur les choses, les autres et sur le monde. Katniss n’est pas l’objet, ni le sujet des plans ; mais elle en est la source. Car c’est elle qui observe. Qui tire à l’arc. Qui doute. Qui s’emporte. Qui vit. L’oeil du personnage principal est partout. Il nous entraîne d’un bout à l’autre de l’intrigue. Sans relai.

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Avec Divergente, l’objectivité est un peu plus présente. Car ce n’est pas uniquement Tris que Burger tient à cerner. Il donne à chaque personnage son moment ou ses instants de vie. D’humanité. Comme le sourire de Christina dans les lueurs rouges du salon du tatoueur, la mine agacée de Tobias après le jeu du drapeau ou encore les regards timides que Tris adresse à son initiateur. Ainsi, la caméra fixe s’impose, tendant à mettre tous les personnages (ou presque) sur un pied d’égalité.

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Mais c’est bien Tris le personnage principal. Et l’histoire se déroule autour d’elle. A partir d’elle. La voix-off introductive en témoigne, d’ailleurs. C’est Tris qui prend la parole, qui nous explique les aspects de sa société. Contrairement à Katniss qui subit les évènements, qui découvre et souffre en même temps que nous. Là aussi, la caméra épaule est très présente, suivant les faits et gestes du personnage. Les plans s’enchaînent par le biais d’un montage classique, qui utilise souvent le champ/contrechamp et les plans d’ensemble pour intégrer le personnage à son milieu, mais la caméra s’emballe parfois, tressaute pour suivre Tris dans ses multiples péripéties. Elle s’agite autour de la jeune femme, traduisant ses poussées d’adrénaline par des plans saccadés, en mouvement, comme lors des scènes du grand saut dans le vide ou de l’escalade de la grande roue..

L’émotion passe aussi à travers les mouvements de caméra.  Ainsi, lorsque Tris perd ses parents, la mise en scène est composée de travellings tremblants qui correspondent à l’état d’esprit du personnage.

LIBERTÉ ET ESPOIR

Malgré leur tonalité globalement sombre et pessimiste, il jaillit parfois au sein de ces films un souffle d’espoir. Un instant de Liberté. Qu’il soit vécu dans la joie ou la peur. Car même si Tris et Katniss savent qu’elles ne peuvent s’échapper, qu’elles doivent subir ce qui leur est imposé, elles tentent de trouver des instants de répit, des moments où elles peuvent se sentir revivre, s’éloigner de tout, retrouver un peu d’humanité et d’amour dans un monde sans foi ni loi.

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Pour Tris, c’est l’envol. Au-dessus de Chicago. Un raccourci pour retrouver les Audacieux. Attachée à un câble, la jeune femme vole au-dessus de la ville, le vent sifflant autour d’elle. La chanson “I Need You” de M83 donne tout l’aspect planant de ce moment de liberté, cet instant suspendu dans le temps. Tris peut crier, rire, respirer à pleins poumons, regarder Chicago en contrebas et se voir elle-même, effleurant son reflet. Effleurant ce qu’elle est en cet instant précis, libre. Mais ce n’est qu’un bref moment de répit. Car la grande croix blanche qui l’accueille au bout du câble métallique met fin à son évasion.

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Néanmoins, durant cette brève escapade, les plans sont au service de Tris, de sa pensée et de son mouvement. Des plans larges, dont elle est le centre, la meneuse. Celle qui nous guide. Et des plans serrés qui captent ses émotions, son visage, son corps, l’intensité de cet instant de grâce.
Il en est de même lors de la séquence où elle court aux côtés des Audacieux, quittant la Cérémonie du Choix ou de celle de l’épreuve du saut dans le vide, qui, malgré son caractère dangereux, provoque finalement rires et sourires. Eclats de joie et sentiment d’indépendance absolue.

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Pour Katniss, c’est d’abord la course à pieds. Rapide, provoquée par la peur. Elle vient de sortir du Tube. Et elle a un espoir de s’en sortir, un espoir de survivre. De vivre ce qu’elle est, même si elle est prise au piège. Alors, elle court. Et la caméra aussi. Nous sommes près du personnage, non pas extérieur à lui. Nous nous échappons avec Katniss, croyons à la vie avec elle.

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Puis c’est la forêt, qui devient un havre de liberté. Le danger y rôde, certes. Mais les arbres, l’eau et les bruits des bois redonnent à Katniss pour la première fois depuis sa sélection, le jour de la Moisson, un sentiment de liberté. D’autonomie. Car elle retrouve des éléments familiers :  la terre, les feuilles, les oiseaux, le silence. Son paradis à elle – bien qu’il soit illusoire et factice.

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Ainsi, l’Espoir ne s’éteint jamais, chez Tris comme chez Katniss. Il est là, quelque part. A l’angle d’une rue (comme l’éclat de lumière que renvoie le miroir de la mère de Tris) ou dans la lueur des prunelles scintillantes de Peeta Mellark. L’optimisme ne se meurt pas. Il lutte. Contre la mort, la violence, l’hypocrisie et la peur. Et il existe.

L’illustration sincère de cet espoir en autrui et en la vie est l’Amour. La relation amoureuse qu’entretient Tris avec Tobias (surnommé Quatre) et le flirt qui s’esquisse entre Katniss et Peeta, rapprochés par les épreuves.

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Dans les films, les baisers sont des séquences d’une grande douceur. Les lèvres se frôlent, se touchent, se découvrent. Instants suspendus dans le temps. Moments d’éternité. Pendant ces quelques secondes, l’absurdité et l’horreur du monde extérieur s’efface. Il ne reste qu’une foi inébranlable en l’amour, en l’Autre. La certitude que la relation qui les unit est plus forte que tout, garante d’un avenir plus sûr, plus serein. Ces moments redonnent aux personnages confiance en l’être humain et leur offrent des valeurs honnêtes auxquelles ils peuvent se raccrocher pour se redonner du courage.

MIROIRS ET IDENTITES

L’une des questions centrale de ces deux films est le fameux « Qui suis-je ? ». Et bien que maintes paroles, maintes situations se prêtent à une réponse, c’est avant tout le miroir, le reflet, le face à face avec soi-même qui illustre au mieux la quête identitaire. La recherche, la construction du Moi.

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Dans Divergente, le miroir est tabou. Chez les Altruistes, il est interdit de se contempler, d’examiner son apparence parce que les membres de cette faction considèrent qu’Autrui passe avant soi-même. Or, comment parvenir à se construire, à savoir qui l’on est quand on ne peut même pas se regarder ? Tris Prior est très affectée par cette interdiction. Les rares fois où elle a l’autorisation de contempler son reflet, elle ne peut le faire que pendant quelques éphémères secondes, insuffisantes pour voir réellement son visage. Son image est prisonnière d’un cadre, celui qui délimite ce miroir interdit et inaccessible.

Alors, quand elle s’envole au-dessus de Chicago par l’immense tyrolienne, elle peut enfin se voir. Toucher son propre reflet, tandis qu’elle passe devant de grandes tours vitrées, ces glaces qui lui renvoient son image. Cette image lui était jusque ici presque inconnue. Il s’agit de sa première véritable rencontre avec elle-même depuis sa naissance chez les Altruistes. Et depuis son arrivée chez les Audacieux.

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Néanmoins, la question du miroir est bien plus frappante lors de la simulation vécue par Tris au Test d’Aptitudes. En effet, alors qu’elle vient d’ingurgiter un sérum bleu, elle est immédiatement confrontée à son image, à son double, aux nombreux reflets qui se multiplient autour d’elle. Au sein d’une pièce exclusivement composée de miroirs, le personnage est livré à lui-même. A son Moi sous toutes les surfaces, à son être décuplé sur des façades glacées. Tris est face à elle-même. Face à toutes les facettes de sa personne. Et elle doit choisir. Se tourner vers le bon miroir, sélectionner la Tris qui lui convient le mieux. Choisir. Son apparence. Sa personne. Son existence. Son destin. La séquence est d’ailleurs extrêmement troublante ; échos de sa voix, succession de plans brefs et proches de la jeune fille, tout est mis en scène pour troubler le spectateur. Le perdre envers tous ces miroirs. Ces miroitements de Tris.

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De plus, les simulations que le personnage est contraint d’exécuter durant son entraînement chez les Audacieux révèlent Tris sous différents aspects, sous ses différentes aptitudes : celle d’une Erudite, d’une Altruiste et d’une Audacieuse à la fois, puisqu’elle est divergente. Les multiples Moi de Tris ne cessent de se croiser au cours de ses péripéties. Lorsqu’elle se retrouve en mauvaise posture, sur le point de se noyer, elle plonge dans son reflet. Plonge en elle pour découvrir une autre Tris. Ou la même, mais aux caractéristiques différentes. Une Tris capable d’affirmer que « Tout cela n’est pas réel. » et de fissurer sa cage de verre d’un geste de la main. En brisant son propre reflet qui lui fait face.

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Dans Hunger Games, ce ne sont pas les glaces qui manquent. Chaque élément du Capitole est vitré.  Impossible d’échapper à son reflet, impossible de fuir son image. Katniss est partout. Ou du moins son reflet. Le personnage n’arrête pas de croiser son apparence. Les fenêtres sont miroirs et le cadre cinématographique incarne doublement cette question d’image. Quand les plans dévoilent Katniss devant son reflet ou dans un miroir, le surcadrage opère une réflexivité du Moi.

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Mais dans ce film, les écrans sont aussi importants que les miroirs. Ecrans de contrôle, écrans de télévision… Les téléviseurs véhiculent des images trompeuses, au service de la propagande du régime. Et les Hunger Games obéissent aux règles de fonctionnement d’une émission de télé-réalité, fabriquée de toutes pièces, réduisant les participants à l’état de stéréotypes et les envoyant s’entretuer – pour de vrai – dans un décor tout aussi factice.
Le long-métrage s’efforce de souligner cet aspect virtuel des apparences par les costumes et le maquillage, mais également par les décors et toutes les mises en abyme de la création-même de l’Image.

Katniss est en permanence confrontée à l’Image qu’a bâti d’elle le Capitole. Elle ne peut lui échapper. Ne peut échapper à cette apparence-là qui n’est pas elle, qui ne correspond pas à son véritable Moi et qu’elle n’a pas choisie.  Mais elle finit par en jouer, pour miroiter aux yeux des autres, gagnant le respect des autres participants, du public des Hunger Games et des habitants des Districts. C’est aussi ce qui la sauve, au final. Une mise en scène. Un rebondissement savamment orchestré où elle et Peeta jouent la comédie pour gagner la sympathie populaire.
D’une manière générale, elle réussit à faire évoluer le stéréotype de départ, la paysanne un peu tendre, destinée à finir en chair à canon, en concurrente redoutable et en icône révolutionnaire. Elle ébahit ses concitoyens du district 12, qui peinent à la reconnaître, et ceux des autres districts, qui apprennent à connaître « la Fille du Feu ».

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Les surnoms sont d’ailleurs très évocateurs de la question identitaire et des apparences dans les deux films. En effet, alors que Beatrice Trior se transforme en Tris et Katniss Everdeen en Fille du Feu, les deux jeunes femmes s’enferment dans l’Identité qui les font exister sous le regard d’Autrui.
La différence est que l’une a choisi son surnom ainsi que son apparence – passer des cheveux attachés aux cheveux relâchés –  au sein des Audacieux, tandis que l’autre subit l’appellation et l’image que le Capitole lui a créées.

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Tris et Katniss sont, malgré leurs disparités, deux êtres aux multiples facettes. Mais deux êtres uniques, qui ne peuvent être contrôlées par les autorités. Outre les apparences, les reflets et les miroirs, Tris et Katniss sont avant tout deux êtres humains. De jeunes femmes en quête d’elles-mêmes.

LE TRAIN

Dans La Nuit Américaine, réalisé en 1973, François Truffaut disait : « Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. ». Etablir le lien entre le cinématographe et le chemin de fer semble logique, naturel. Un film n’a pas de temps morts. Il ne cesse d’avancer, sur les rails, jusqu’à son terme, et même au-delà, puisqu’il continue à faire son chemin dans l’esprit des spectateurs.
Il en est de même pour Divergente et Hunger Games, et leurs intrigues rondement menées.
Mais, pour les deux films, le train est un élément encore plus important. On trouve l’objet dans les deux oeuvres – encore un point commun – et il a une grande utilité narrative et symbolique.

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Au cœur du Chicago déserté par la guerre, le train des Audacieux franchit les rues, passe au-dessus des habitations et transporte les membres des factions d’un bout à l’autre de la ville. Il est toujours en mouvement. Sa locomotive et ses wagons vont constamment vers l’avant, semblables au destin de Tris qui, depuis la Cérémonie du Choix, n’est qu’une succession d’épreuves, de rencontres… Une course après la montre. Elle n’arrête pas d’avancer, malgré les difficultés et certaines erreurs commises. Son existence est une fuite. Une fuite en avant. Elle court jusqu’au train, monte dans l’un de ses wagons, saute sur le toit d’un immeuble, plonge dans le vide, s’aventure dans la Fosse, franchit les portes et fait la connaissance d’inconnus. Elle avance toujours. Un pas, puis un autre. L’omniprésence de ce train rappelle la destinée du personnage et illustre parfaitement son quotidien, sa vie depuis qu’elle est entrée chez les Audacieux. C’est pourquoi le train est un personnage à part entière de Divergente. Un personnage qui anime et construit l’intrigue, tout au long du film.

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Dans Hunger Games, le train est synonyme d’inconnu. Voire de mort. Parce que tôt ou tard, chaque tribut issu des douze Districts sait qu’au bout du chemin, la fin l’attend. Implacable. Les wagons étincelants et rutilants ne sont que piège, des boîtes dans lesquels Katniss ne se sent ni en sécurité, ni à son aise. Tout est trop beau. Trop parfait – surfait. Pour elle, le train est synonyme de mauvais présage bien qu’il soit accueilli avec chaleur et cris par les habitants colorés de Panem.

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Et, comme dans Divergente, le train illustre la destinée du personnage principal qui ne peut jamais reculer. Et doit donc avancer. Encore et encore. Sans retour en arrière possible, même si, à la fin du film, les deux protagonistes principaux peuvent rentrer chez eux. Ce dénouement est d’ailleurs assez ambivalent. Certes, ils sont vivants et ont gagné les Hunger Games, et la foule les attend pour les acclamer, mais la mise en scène sous-entend qu’il sont encore pris au piège, obligés de continuer à jouer leur rôle d’amants maudits, de rester enfermés dans l’image qu’ils se sont façonnée, de faire bonne figure pour se conformer aux attentes du public et des notables du Capitole. Donner l’illusion qu’ils vont bien, qu’ils sont fiers de leur parcours. Et on se doute bien que l’histoire ne s’arrête pas là.

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Ainsi, le motif de l’avancée par le chemin de fer est récurrent dans les deux films, qui, comme vu plus haut, se terminent presque de la même manière. Les deux couples (Tris et Tobias, Katniss et Peeta) se retrouvent dans un train, liés par leurs corps fatigués et fragiles, redoutant l’avenir. Les plans s’attardent quelques instants sur les personnages, emplis de doutes, de réflexions et de regrets. Où vont-ils ? Qu’est-ce qui les attend ? Les trains, comme les films, filent au loin. Dans le noir. A la quête de l’Inconnu.

EXISTENCES ET JEUX

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« Joyeux Hunger Games, et puisse le sort vous être favorable. ». C’est par cette formule que s’ouvre la compétition. Une formule intéressante, qui conçoit les destinées humaines comme un parcours de jeu. Un grand jeu de l’oie, dont les dés sont entre les mains du Capitole, qui choisissent quel pion bouger, et quel épreuve infliger aux tributs.

Dans Divergente aussi, les novice doivent passer plusieurs épreuves, soumis à la volonté des meneurs, qui leur font subir les pires humiliations, les pires outrages pour les forcer à réagir.

Novices et tributs sont ainsi des marionnettes à la merci du gouvernement, des braves petits soldats à qui l’on demande de jouer leur vie, leur destin à chaque minute de leur existence. Ils sont réduits à des chiffres, associés à un classement qui ne cesse de déterminer leurs compétences, leur courage et tout simplement ce qu’ils sont en tant que personnes au sein de la société à laquelle ils appartiennent.

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L’horrible déclaration du chef Eric, dans Divergente, est d’ailleurs très significative : « Ce tableau, c’est votre vie. » ; autrement dit, le quotidien des participants ne dépend que de numéros, de listes qui se renouvellent au fur et à mesure de la compétition. La concurrence acharnée et la violence sont les maîtres-mots des Hunger Games et de l’entraînement des Audacieux. Il n’y a pas de place pour la fraternité ou le fair-play. Pour survivre, il faut être égoïste, ruser, mentir, combattre impitoyablement l’Autre, et aller jusqu’à le tuer. Une tension permanente, éprouvante, soulignée avec talent par les bandes-originales de James Newton Howard et Junkie XL.

La destinée des personnages est en permanence remise en question. Bouleversée. Tris doit-elle accepter de se plier à l’hégémonie de Jeanine Matthews ou au contraire, ne doit-elle pas hésiter à se rebeller, à assumer sa divergence et exister telle qu’elle est ? Quant à Katniss, est-elle contrainte de se plier aux mœurs de Panem ou doit-elle se révolter, réduire à néant les Hunger Games et se défaire de l’image qui lui a été assignée par le Président Snow ? La vie des jeunes Prior et Everdeen ne dépendent que de leurs choix. Lequel ? Le bon, le mauvais ? Seules elles en ont la responsabilité. Seules elles peuvent lancer les dés de leur propre existence et assumer leur statut personnel. Unique.

CONCLUSION

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Les films Hunger Games et Divergente ne sont pas uniquement des adaptations issues d’oeuvres littéraires. Ce sont avant tout des interprétations, des regards, des créations cinématographiques. Même si les réalisateurs et toutes leurs équipes ont respecté maints détails des ouvrages, il est indéniable que leur transposition à l’écran est une transformation radicale. Passer des pages à l’écran. Atteindre les mots par les images. Différences et similitudes relient ces deux travaux, réussis et destinés à un large public.

Après avoir longuement interrogé, analysé la mise en scène du célèbre « Qui suis-je ? », nous pouvons clore nos propos en affirmant que la vie, l’existence humaine n’est faite que de choix. Oui, le Choix. Seulement, n’est-il pas subi dans Hunger Games et pleinement assumé dans Divergente ? Ou les deux à la fois ? Ces destins, ces rencontres et ces expériences – celles de Katniss et de Tris – sont bien l’Image que nous avons de nous-mêmes. Que nous avons du Monde. Et à travers eux, nous existons. Nous vivons. Par ce que nous sommes.

Ainsi, Tris et Katniss incarnent, au sein d’univers futuristes et apocalyptiques, la Différence, un souffle d’Espoir. Un cri d’Humanité.

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Marion FILLOQUE

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