Chico & Rita - 3

A l’origine de Chico & Rita, magnifique histoire d’amour, il y a des belles histoires d’amitié.

Déjà, celle du cinéaste espagnol Fernando Trueba et du musicien cubain Bebo Valdés…
Les deux hommes se sont rencontrés à la fin des années 1990, quand Trueba tournait Calle 54, un documentaire sur le latin jazz, et notamment le jazz afro-cubain dont Valdés fut l’un des meilleurs représentants.

Ensuite, celle du même Fernando Trueba avec Javier Mariscal, auteur de BD, graphiste et designer.
Mariscal a dessiné les affiches de plusieurs films de son compatriote cinéaste et a signé toute l’iconographie et les clips d’animation pour le label Calle 54 Records créé par Trueba pour promouvoir le…  latin jazz.

Alors, quand le cinéaste espagnol a décidé de réaliser un film de fiction en hommage à ce style musical qui le passionne et aux idoles qui ont fait swinger sa jeunesse, il a choisi de raconter une histoire inspirée de la vie de son vieux copain Bebo Valdés et d’associer ce dernier au projet, via le doublage du personnage principal et l’élaboration de la bande originale. Et, plutôt que de réaliser une reconstitution d’époque forcément coûteuse, avec des acteurs en chair et en os, il a préféré se lancer dans un film d’animation, en en confiant l’univers graphique à son ami Javier Mariscal…

En réunissant ces trois artistes, le projet Chico & Rita réunit aussi plusieurs arts – le dessin, la musique, le cinéma – qu’il entremêle avec beaucoup d’élégance et de finesse.

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On est déjà charmés par le dessin de Javier Mariscal, par le soin apporté aux détails des décors – des rues de La Havane, baignées de soleil, dans les années 1950, jusqu’aux rues de New York by night, éclairées à la lueur des néons – par les traits des personnages, que l’on dirait tout droit sortis d’une bande-dessinée à l’ancienne… Une impression que renforce l’animation, volontairement lente et rudimentaire pour rappeler le côté figé de la bande-dessinée et pour nous laisser le temps de profiter de la beauté des cadrages, des jeux de couleurs et de lumière, magnifiques…

Puis on se laisse envelopper par la musique, par les airs jazzy envoûtants, susurrés par les voix suaves d’Idania Valdés – qui n’a aucun lien parental avec Bebo, soit dit en passant – ou Estrella Morente, et par les rythmes endiablés, relevés de salsa, joués par les musiciens cubains. On vibre au son des morceaux de Bebo Valdés, de Chano Pozzo, de Tito Puente, de Cole Porter et bien d’autres…

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Enfin, on admire le sens de la mise en scène de Fernando Trueba, qui parvient à mener son récit avec fluidité, sans temps morts, et à nous embarquer dans une histoire d’amours contrariés étalée sur près d’un demi-siècle.

Comme le titre l’indique, ce film relate la rencontre de Chico et de Rita, dans le Cuba d’avant la révolution Castriste, sous la dictature de Batista.
Lui est un pianiste de jazz doué et ambitieux, qui compose ses propres morceaux en rêvant à New-York et à ses clubs célèbres. Elle est chanteuse et aimerait aussi pouvoir tenter sa chance aux Etats-Unis. En attendant, elle traîne dans les bars dans l’espoir de séduire un riche américain.

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Quand Chico la remarque, elle est d’ailleurs au bras d’un playboy yankee plein aux as, et lui-même sort avec des touristes tout droit venues du pays de l’Oncle Sam. Leurs regards se croisent et c’est le coup de foudre instantané. Pourtant, elle le snobe. Il s’accroche et finit par la séduire avec quelques notes de piano… Elle s’attache, puis se détache illico quand débarque, furieuse, la fiancée officielle de Chico… Quand on parle de tempérament latin…
Ce n’est que le premier couac d’une relation amoureuse tumultueuse. Une passion véritable mais perpétuellement contrariée par des problèmes de jalousie, d’égos meurtris et de malentendus…
Après leur première rupture, ils participeront ensemble à un concours qui leur ouvrira les portes des night-clubs new-yorkais mais à peine réunis, leurs chemins seront amenés à diverger de nouveau. Portée par un producteur ambitieux – et amoureux d’elle – Rita verra sa carrière prendre une autre dimension, notamment sur grand écran, et Chico retournera à Cuba vivoter de sa musique…
L’amour qui unit Chico et Rita est-il impossible? Ou bien leurs routes finiront-elles par se rejoindre un jour, afin de les mener, côte-à-côte, vers un même destin?
La réponse se trouve au terme de cette belle histoire et ses nombreuses vicissitudes.

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Le film en tout cas, est semblable à cet amour. Il est fait d’emballements et de ruptures de ton, de moments de grâce et de coups d’arrêt. Les couleurs chaudes et les lumières solaires traduisent l’embrasement des coeurs des personnages, les ambiances nocturnes, elles, obscurcissent leurs horizons amoureux. Même contraste au niveau musical, où les rythmes endiablés des musiques cubaines, pleines de fougue et de passion, côtoient des mélodies jazzy plus mélancoliques.
Les auteurs jouent sur les oppositions et les séparations pour mieux magnifier l’harmonie de la fusion, des retrouvailles…
C’est un film plein de vie et plein d’allant, plein de charme et de sensualité…

Fernando Trueba et Javier Mariscal signent une oeuvre possédant l’efficacité des comédies romantiques américaines, sans le côté sucré, un peu écoeurant, qui affecte habituellement ces dernières, et avec un petit supplément d’âme  européen, ce petit quelque chose qui fait la différence…
Ici, cela correspond à l’évocation, en arrière-plan, de cinquante ans d’histoire cubaine, à un message sur le racisme, la ségrégation et la place accordée aux citoyens noirs et métis dans l’Amérique des années 1950… Il y a également un bel hommage au cinéma de l’âge d’or hollywoodien – notamment via une séquence onirique magistrale citant Un jour à New York – et le plaisir de retrouver, au détour d’une scène, les visages de jazzmen prestigieux tels que Charlie Parker, Dizzie Gillepsie ou Duke Ellington…

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Vous aurez compris que nous recommandons donc chaudement la compagnie de Chico & Rita, au moins le temps d’une fabuleuse séance de cinéma qui vous fera voyager de La Havane à Los Angeles, en passant par New York, Paris et Las Vegas, au coeur de l’univers graphique conçu par Mariscal. Cette réussite prouve qu’il y a encore une place pour l’animation classique dans un secteur dominé par les ténors de l’animation en images de synthèse, qu’il y a encore des films d’animation destinés à un public plus mature et qu’il faut encore compter sur Fernando Trueba pour nous procurer de belles émotions cinématographiques…

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P.S. : Si, vous ne supportez pas l’idée d’être enfermé pendant deux heures dans une salle obscure, ou que par malheur, ce beau film ne passe pas près de chez vous, vous pouvez quand même profiter de l’univers des señores Trueba, Mariscal et Valdés enlisant le roman graphique, paru chez Denoël (et chroniqué par PaKa dans notre Rubrique-à-brac) en écoutant la BO du film, éditée par Sony Music…

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Chico & Rita Chico & Rita
Chico y Rita

Réalisateurs : Fernando Trueba, Javier Mariscal
Avec les voix de : Bebo Valdés, Idania Valdés, Estrella Morente, Freddy Cole, Jimmy Heath
Origine : Espagne, Royaume-Uni
Genre : C’est beau l’amour…
Durée : 1h34
Date de sortie France : 06/07/2011
Note pour ce film : ●●●●●●

contrepoint critique chez : –

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3 COMMENTS

  1. […] complément de la critique de PaKa sur le roman graphique Chico & Rita et de la mienne sur le film du même titre, nous voulons aussi vous signaler que la Galerie Martel (Paris 10ème […]

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