77ème Festival International du Film – Cannes (Alpes Maritimes)
– du 14 au 23/05/2024 –

On connaît désormais la liste (presque) complète des films sélectionnés pour le 77ème Festival de Cannes. Iris Knobloch, Présidente du festival et Thierry Frémaux, Délégué Général de l’évènement, l’ont présentée au cours de la traditionnelle conférence de presse, qui se tient un mois avant l’ouverture des festivités.

On savait déjà que Quentin Dupieux ferait l’ouverture avec Le Deuxième Acte. On savait aussi que Furiosa, une saga Mad Max serait un des évènements hors compétition, tout comme Horizon, la nouvelle fresque de Kevin Costner sur la conquête de l’ouest. A cette liste de films hors-compétition, on peut désormais ajouter She’s got no name, de Chan Peter Ho-Sun, grosse production chinoise avec Zhang Ziyi en vedette et Rumours où Evan Johnson, Galen Johnson et Guy Maddin s’amusent à perdre les membres du G7, joués par Cate Blanchett, Alicia Vikander, Charles Dance et Denis Menochet, en pleine forêt.

Toujours hors-compétition, en séance de minuit, on ne trouve pas les clients attendus par les pronostics, mais les festivaliers verront le retour de Ryoo Seung-wan sur la Croisette (après The Unjust). I, the executionner est présenté comme la suite de Veteran, l’un des précédents films du cinéaste sud-coréen et promet quelques sueurs froides aux cinéphiles noctambules. Son homologue honkongais, Soi Cheang, montrera, lui, un film d’arts martiaux, Twilight of the warrior walled in.
Il devrait y avoir quelques bourre-pifs également dans The Surfer. Lorcan Finnegan (Vivarium) y filme Nicolas Cage partir en guerre contre une bande de surfers indélicats. Enfin, Noémie Merlant, actrice et réalisatrice, entraîne ses copines Souheila Yacoub et Sanda Codreanu dans les affaires louches de leur voisi. Les femmes au balcon, le spectateur au tison…

Cannes Premières, section inaugurée en 2020, continue de présenter des films de cinéastes reconnus, avec cette année encore une forte présence française. Seront projetés : C’est pas moi de Leos Carax dans lequel le cinéaste livre un autoportrait et la synthèse de quarante ans de carrière, avec son complice habituel Denis Lavant; En fanfare, nouveau film d’Emmanuel Courcol (Un triomphe);  Miséricorde d’Alain Guiraudie, un thriller que l’on espère aussi fascinant que L’inconnu du lac et le nouvel opus des frères Larrieu, Le Roman de Jim, avec Karim Leklou et Laetitia Dosch. Pour compléter cette sélection, Nabil Ayouch, avec Everybody loves Touda, histoire d’une chanteuse de bar de province marocaine rêvant d’un avenir meilleur à Casablanca et Rithy Panh qui nous donne Rendez-vous avec Pol Pot. Rien que ça…

Cannes, ce sont aussi des séances spéciales, pour donner tribune à des cinéastes de fiction ou de documentaires. Le cinéaste ukrainien Sergeï Loznista viendra présenter L’Invasion un film que l’on devine fortement inspiré par la situation de son pays, même si le délégué explique qu’il ne s’agit pas “d’un film sur l’invasion russe ni sur l’agression russe sur le territoire ukrainien. C’est un film sur les conséquences, et ce qu’il se passe quand un pays est envahi par un ennemi.”.
De même, La Belle de Gaza, de Yolande Zauberman, n’est pas une oeuvre sur le conflit israélo-palestinien mais un film sur des transsexuels palestiniens qui quittent la bande de Gaza pour vivre plus librement et sereinement à Tel-Aviv.
On espère une leçon de cinéma avec le nouveau film de Claire Simon, Apprendre, sur le monde enseignant. Et on ne demande qu’à s’attacher au Fil  de Daniel Auteuil, qui parle de la vocation d’avocat.
Pas mal, non? Et ce ne sont que les amuse-bouche du festin concocté par les chefs cannois.

Pour les entrées, on ira picorer dans la section Un Certain Regard, traditionnellement destinée à nous faire découvrir de nouveaux talents et des cinématographies du monde entier.
Arabie Saoudite avec Norah de Tawfik Alzaidi, Bulgarie et Inde avec The Shameless de Konstantin Bojanov et Santosh de Sandhya Suri, Chine avec Black dog de Guan Hu (dont on n’avait guère goûté le Mister Six), Somalie avec The Village next to Paradise de Mo Harawe, Grèce et Irlande avec September says d’Ariane Labed, Zambie et Guinée avec On becoming a guinea fowl de Rungano Nyoni, Japon avec Boku no Ohisama de Hiroshi Okuyama, Vietnam avec Viet et Nam  de Truong Minh Quý , Etats-Unis (Nord et Sud), avec Les Damnés de Roberto Minervini, Norvège avec Armand de Halfdan Ullmann TØndel, Suisse et France avec Le Procès du chien, premier film de Laetitia Dosch, Guinée et France (Paris) avec L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine Et nos régions ne sont pas en reste : Corse avec Le Royaume de Julien Colonna,  Jura dans Vingt Dieux ! de Louise Courvoisier.

Enfin, le plat de résistance, cette compétition qui propose la crème de la crème de la cinématographie mondiale, avec des “habitués” de grand renom et quelques surprises promettant un vent de fraîcheur sur la Croisette.
Honneur, pour commencer, aux cinéastes déjà palmés par le passé, voire doublement palmés : Jacques Audiard, qui proposera Emilia Perez, un mélange de thriller et de comédie musicale tourné aux Etats-Unis, avec Zoe Saldana et Selena Gomez en vedette; Paul Schrader (pas palmé directement, mais associé, en tant que scénariste, à la Palme d’Or de Taxi Driver en 1976) reviendra à Cannes pour ses talents de réalisateur avec Oh, Canada, adaptation du roman “Foregone” de Russel Banks, mettant en scène Richard Gere et Uma Thurman; et Francis Ford Coppola, déjà auréolé de deux récompenses suprêmes pour Apocalypse now et Conversation secrète, qui tentera le triplé avec Megalopolis, ambitieuse fable d’anticipation autour d’un architecte essayant de bâtir une utopie sur les ruines d’une ville de New York dévastée. Le film, mis en chantier il y a plus de vingt ans, s’annonce grandiose, tant par sa durée, que l’on pressent conséquente, que par son casting galactique : Adam Driver, Dustin Hoffman, Giancarlo Esposito, Jon Voight, Laurence Fishburne, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jason Schwartzman,… Autant dire que c’est l’un des films les plus attendus du cru cannois 2024. Attention, cependant, au retour de manivelle, car les films idéalisés sont souvent sources des plus amères déceptions. Et à Cannes, la critique peut avoir la dent (trop) dure.

Le Palais des Festivals accueillera aussi plusieurs cinéastes primés au cours des dernières années. Karim Aïnouz, déjà sur la brèche après avoir été en compétition l’an dernier pour Le Jeu de la reine. Cette fois-ci, il revient avec Motel Destino, un thriller érotique contemporain, tourné dans son Brésil natal. on lui souhaite le même accueil qu’à son excellent La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, prix Un Certain Regard en 2019.
Ali Abbasi, Prix Un Certain regard 2018 pour Border et indirectement primé pour Les Nuits de Mashhad, à travers le prix d’interprétation féminine de Zar Amir Ebrahimi en 2022, suivra, avec The Apprentice, les premiers pas d’un jeune entrepreneur américain dans les années 1970. Un homme promis à un avenir assez incroyable puisqu’il s’agit de… Donald Trump.
Andrea Arnold, triplement auréolée d’un prix du jury pour Red road, Fish tank et American honey, visera encore plus haut avec Bird, drame associant Barry Keoghan et Franz Rogowski.
Idem pour Jia Zhangke et son Feng Liu Yi Dai. Le cinéaste chinois a déjà gagné un Lion d’Or à Venise, mais n’a dû se contenter, à Cannes, que d’un prix du scénario pour A touch of sin (pourtant, Au-delà des montagnes et Les Eternels auraient bien mérité de figurer aux palmarès des éditions 2015 et 2018…)

Kirill Serebrennikov aurait aussi mérité des prix pour ses films précédents (Leto, La Fièvre de Petrov, La Femme de Tchaïkovski). Le virtuose russe tentera à nouveau sa chance avec Limonov, biographie d’Edouard Limonov, écrivain au destin des plus romanesques, entre la Russie, la France et les Etats-Unis.
Sean Baker revient aussi en compétition, trois ans après Red Rocket et les tribulations de son acteur pornographique sur le déclin. Anura reste dans la même lignée, puisqu’il s’intéresse à la vie d’une travailleuse du sexe, de New York à Las Vegas.

Mais cette année sourira peut-être aussi à quelques pointures comme David Cronenberg, Yorgos Lanthimos et Paolo Sorrentino. Le premier a été souvent sélectionné en compétition officielle, mais rarement récompensé – seul Crash a obtenu un Prix du Jury, accueilli de manière assez houleuse. Il proposera cette fois-ci The Shrouds, un thriller mettant en vedette Vincent Cassel, assez rare ces derniers temps, Diane Kruger et Guy Pearce.
Les deux autres reviennent sur la Croisette après avoir été flirter avec bonheur avec la Mostra de Venise. Sorrentino a obtenu le Lion d’Argent de la mise en scène et le Grand Prix du Jury en 2021 (La Main de Dieu), Lanthimos a reçu le Lion d’Or l’an passé pour Poor things et le Grand Prix du Jury en 2018 pour La Favorite. Mais ces deux cinéastes ont vraiment vu leur carrière prendre leur envol à Cannes et il est assez logique de les voir y revenir dans la plus prestigieuse des sections compétitives.
Sorrentino proposera Parthenope, destinée d’une femme des années 1950 à nos jours, entre Naples et Capri, avec Celeste Dalla Porte et Stefania Sandrelli. Lanthimos, lui, présentera Kinds of kindness, fable en tryptique qui suit un homme tentant de prendre le contrôle de sa propre vie, un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente, et une femme déterminée à trouver une personne bien précise, dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux. Un scénario qui semble aussi décalé et percutant que ses oeuvres précédentes. et comme on ne change pas une équipe qui gagne, le cinéaste grec a de nouveau réuni Emma Stone et Willem Dafoe, en leur adjoignant l’excellent Jesse Plemmons.

Côté français, on s’attendait à voir Arnaud Desplechin ou Audrey Diwan, mais ils ne sont pour l’instant pas dans la sélection. La seconde est toutefois au générique de L’Amour ouf, de Gilles Lellouche, comme coscénariste. Après le triomphe du Grand Bain, hors-compétition, le cinéaste nagera dans la piscine olympique du Grand Théâtre Lumière avec une oeuvre-fleuve au casting étincelant : Adèle Exarchopoulos, François Civil, Alain Chabat, Elodie Bouchez, Mallory Wanecque, Anthony Bajon, Jean-Pascal Zadi, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Raphael Quenard.
Christophe Honoré entraîne Chiara Mastroianni sur les traces de son père dans Marcello mio, à la fois hommage à l’immense acteur de La Dolce Vita et réflexion sur les vertiges de l’identité et le travail de comédien. Le concept, allié à la fantaisie du cinéaste, dans la lignée de sa Chambre 212, donne envie de le découvrir au plus vite.
La surprise vient de la sélection d’Agathe Riedinger, qui présentera son premier long-métrage, Diamant brut, et de Coralie Fargeat, qui devrait secouer les festivaliers avec The Substance, film d’horreur tourné aux Etats-Unis, avec Demi Moore et Margaret Qualley. Pas de synopsis disponible pour le moment, mais les rumeurs parlent d’un film assez sauvage et éprouvant. La dernière fois qu’un film a secoué comme cela les spectateurs cannois, c’était probablement Titane. On connaît la suite… Alors, pourquoi ne pas rééditer l’exploit?

Mais les outsiders sont nombreux :
Miguel Gomes nous proposera un Grand Tour, un film d’aventures dans lequel un homme part faire le tour de l’Asie pour fuir sa fiancée, sans savoir que celle-ci est prête à le suivre jusqu’au bout de son périple pour le récupérer. Le cinéaste portugais est connu pour ses oeuvres ambitieuses et ses Mille et une nuits avaient séduit la Quinzaine des Réalisateurs en 2015. Sa présence en sélection officielle aujourd’hui est tout sauf un hasard et pourrait bien créer la surprise au palmarès.
Payal Kapadia n’est pas connue du grand public, mais son nom figure déjà dans la liste des personnalités primées à Cannes. En 2021, la réalisatrice indienne avait remporté L’Oeil d’Or du meilleur documentaire pour Une nuit sans savoir. Elle concourra cette-fois-ci avec All we imagine as light, l’histoire de deux femmes essayant de prendre leur vie en main.
Enfin, Magnus Von Horn (Sweat) viendra piquer le public avec the Girl with the needle, histoire vraie de Dagmar Overbye, connue pour être l’une des plus incroyables tueuses en série de l’histoire danoise.

Qui aura les faveurs du jury présidé par la réalisatrice et actrice Greta Gerwig? Réponse le 23 mai prochain.
En attendant, la sélection pourra encore connaître quelques ajouts avant le début de la manifestation. Et il reste aussi à connaître les listes des sections parallèles que sont ACID, la Semaine de la Critique et la Quinzaine des Cinéastes.

Bref, voici un festival qui promet une fois encore de belles émotions cinématographiques et pas mal de découvertes.
On a hâte d’y être!

Plus d’informations : Festival de Cannes

Film d’ouverture

LE DEUXIÈME ACTE
de Quentin DUPIEUX | Hors Compétition

***

Compétition Officielle

THE APPRENTICE
de Ali ABBASI

MOTEL DESTINO de Karim AÏNOUZ

BIRD de Andrea ARNOLD

EMILIA PEREZ de Jacques AUDIARD

ANORA de Sean BAKER

MEGALOPOLIS de Francis Ford COPPOLA

THE SHROUDS de David CRONENBERG

THE SUBSTANCE de Coralie FARGEAT

GRAND TOUR de Miguel GOMES

MARCELLO MIO de Christophe HONORÉ

FENG LIU YI DAI (CAUGHT BY THE TIDES) de JIA Zhang-Ke

ALL WE IMAGINE AS LIGHT de Payal KAPADIA

KINDS OF KINDNESS de Yórgos LÁNTHIMOS

L’AMOUR OUF de Gilles LELLOUCHE

DIAMANT BRUT de Agathe RIEDINGER |  1er film

OH CANADA de Paul SCHRADER

LIMONOV – THE BALLAD de Kirill SEREBRENNIKOV

PARTHENOPE de Paolo SORRENTINO

PIGEN MED NÅLEN (THE GIRL WITH THE NEEDLE) de Magnus VON HORN

***

Un Certain Regard

NORAH de Tawfik ALZAIDI

THE SHAMELESS de Konstantin BOJANOV

LE ROYAUME de Julien COLONNA | 1er film

VINGT DIEUX ! de Louise COURVOISIER | 1er film

LE PROCÈS DU CHIEN (WHO LET THE DOG BITE?) de Laetitia DOSCH | 1er film

GOU ZHEN (BLACK DOG) de GUAN Hu

THE VILLAGE NEXT TO PARADISE de Mo HARAWE | 1er film

SEPTEMBER SAYS de Ariane LABED | 1er film

L’HISTOIRE DE SOULEYMANE de Boris LOJKINE

LES DAMNÉS de Roberto MINERVINI

ON BECOMING A GUINEA FOWL de Rungano NYONI

BOKU NO OHISAMA (MY SUNSHINE) de Hiroshi OKUYAMA

SANTOSH de Sandhya SURI

VIET AND NAM de TRUONG Minh Quý

ARMAND de Halfdan ULLMANN TØNDEL | 1er film

***

Hors-compétition

SHE’S GOT NO NAME de CHAN Peter Ho-Sun

HORIZON, AN AMERICAN SAGA de Kevin COSTNER

RUMOURS de Evan JOHNSON, Galen JOHNSON et Guy MADDIN

FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX de George MILLER

***

Séances de Minuit

TWILIGHT OF THE WARRIOR WALLED IN de Soi CHEANG

THE SURFER de Lorcan FINNEGAN

LES FEMMES AU BALCON de Noémie MERLANT

I, THE EXECUTIONER de RYOO Seung Wan

***

Cannes Première


EVERYBODY LOVES TOUDA
de Nabil AYOUCH

C’EST PAS MOI de Leos CARAX

EN FANFARE de Emmanuel COURCOL

MISÉRICORDE de Alain GUIRAUDIE

LE ROMAN DE JIM de Arnaud LARRIEU et Jean-Marie LARRIEU

RENDEZ-VOUS AVEC POL POT de Rithy PANH

***

Séances spéciales


LE FIL
de Daniel AUTEUIL

ERNEST COLE, PHOTOGRAPHE de Raoul PECK

L’INVASION de Sergei LOZNITSA

APPRENDRE de Claire SIMON

LA BELLE DE GAZA de Yolande ZAUBERMAN

Crédits photos : Graham Crumb

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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