2023_CANNES_SIGNATURES_WEB_1080x1080_04_INSTAComme on arrive déjà au troisième jour de festival, la fatigue commence à se faire sentir. Les mots viennent difficilement, quand ils ne sont pas tout simplement exécutés par le correcteur automatique, quelle invention diabolique. Alors, je vais devoir recourir à des onomatopées pour résumer les évènements du jour.

“Grrrrrrr!!!!” font les « monstres » du film de Thomas Cailley, Le Règne animal.

En fait de “monstres”, ce sont des humains victimes d’un nouveau virus qui les fait muter progressivement en créatures animales. Pour les familles de malades, c’est très compliqué à gérer. Pour les autres, les “bestioles” sont une menace à éloigner d’urgence du reste de la population, quitte à faire appel à l’armée pour cela…

“Houuuuu…”. Non, ce n’est pas le public qui hue, même si le film divise les festivaliers.
”Houuuuu…”, c’est le cri du louuuup qui sommeille en Emile, le personnage principal de cette fable fantastique. L’adolescent est à un âge où son corps change (ce n’est pas sale), mais il voit cela d’un oeil un peu différent depuis que sa Maman s’est elle-même transformée en animal. Ses dernières dents de lait tombent (même si là des crocs poussent à la place). Ses poils poussent (même si là, cela nécessite de se raser intégralement deux fois par jour). Et sa carcasse dégingandée change rapidement(c’est pratique pour briller en EPS et épater les filles). Plus embêtant, le gamin commence à réagir comme le Didier du film de Chabat. Non, il ne renifle pas le culte des filles (correcteur automatique. sic) mais il leur lèche la main, ce qui fait mauvais genre en soirée. Alors que son père François (Romain Duris) est obnubilé par l’idée de retrouver sa compagne, déjà retournée à l’état sauvage et errant dans la forêt voisine, Emile découvre avec appréhension qu’il est frappé par la maladie et qu’il sera peut-être encore puceau quand il se métamorphosera en canidé.
Si le film n’est pas exempt de maladresses, il constitue une belle tentative de cinéma fantastique made in France et une belle allégorie du passage de l’enfance à l’âge adulte, avec ce que cela suppose comme changement pour les proches de l’adolescent.

“Ding!” fait notre cerveau de critique pas toc qui y voit une passerelle thématique entre les différents films projetés hier, Le Règne animal, Le Retour et Monster, trois récits d’émancipation, chacun à leur façon.

”Grrrrr!!!”. on ajoute à la liste Tiger stripes, film malais présenté à la Semaine de la Critique, dans lequel une adolescente en pleine puberté voit son corps changer de façon assez radicale, “comme un tigre harcelé et délogé de son habitat”. Décidément, c’est une manie chez ces jeunes… Est-ce qu’on se transforme, nous? Non, même si on ne peut pas en dire autant de certains festivaliers de tous âges, qui se mutent en pingouins dès la tombée de la nuit sur les marches duGrand Théâtre Lumière. Allez savoir pourquoi…

“Brrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr”  font les machines à coudre dans Jeunesse, le documentaire de Wang Bing sur les ateliers de confection textile dans la province de Zhili, près de Shangaï. Oui, ça fait beaucoup de “brrrrr”, mais comprenez bien que le film dure plus de 3h30.
”Blablabla” font les ouvriers, essentiellement des personnes venues des campagnes pour tenter de s’offrir un avenir meilleur. Durant leur travail ou en dehors, dans les appartements qu’ils se partagent à proximité des ateliers, ils parlent beaucoup.
“Zzzzzz” soupire mon voisin de séance, vaincu par l’ennui au bout de seulement quinze minutes de tâches répétitives, discussions banales, engueulades insignifiantes et tentatives de dragouille maladroites entre collègues.
”Clac, clac, clac” font les fauteuils pendant que la salle se vide au fur et à mesure.
”ZZZZZZZZ” font les spectateurs restants, qui ont trouvé ici un superbe remède contre l’insomnie.
“Ah ah ah”, ris-je intérieurement quand on apprend que plusieurs des travailleurs viennent de la province d’Anhui. Nous aussi, on fait un voyage au bout de l’ennui (Ah, ce correcteur automatique!).
”Zzzzz” fais-je aussi moi-même, terrassé par le côté répétitif des scènes et le manque d’enjeux du projet, qui ne cherche finalement qu’à dénoncer les dérives d’un capitalisme que l’on sait depuis longtemps exploiter les plus faibles pour le confort de quelques puissants… Sans doute peut-on y voir aussi une critique de la société chinoise mais…
”Chut!” dit le cinéaste, pour ne pas trop effrayer la censure…
“Bzzz !” fait l’hypothétique mouche dont se demande bien quelle espèce a pu piquer Thierry Frémaux pour qu’il place cet imposant pensum en compétition officielle…

”Tchac!” fait l’un des outils préférés d’Indiana Jones, venu donner un petit coup de fouet à l’assistance endormie.
Bravo! Bravo! crient les festivaliers quand Harrison Ford, après Michael Douglas, reçoit une Palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
Nous n’avons pas encore vu Indiana Jones et le cadran de la destinée, cinquième et dernier opus des aventures du célèbre archéologue mais on se dit que cela devrait être assez tranquille en matière de machines à coudre…

”Bzzz” font les Black flies de Jean-Stéphane Sauvaire.  Pas sûr que leur bourdonnement soit de bon augure pour la joie et la bonne humeur car elles sont généralement attirées par l’odeur de la mort.
”Pin-Pon” fait le camion des deux protagonistes du film, le vétéran Rut (Sean Penn) et le rookie Cross (Tye Sheridan), ambulanciers de nuit à New York.
”Pan-Pan” font les balles des dealers, qui donnent chaque nuit beaucoup de travail aux deux coéquipiers
”Pin-Pon” “Pin-Pon”
”Pan-Pan”
”Ouin Ouin”. On schématise beaucoup car le film est une oeuvre assez intense, qui nous plonge dans le quotidien de ces secouristes confrontés à la misère la plus noire et aux situations les plus périlleuses, essayant vaille que vaille de sauver des vies sans se laisser gagner par le côté sombre du métier.

Ne manque plus que Bardot chantant “Shebam Blop Pow Wizz” pour boucler la journée. Dommage, elle était sur l’écran de Cannes Classics hier, pour la reprise du chef d’oeuvre de Godard, Le Mépris.

”Pfiuuuu” va faire cet ordinateur en s’éteignant pour me permettre de recharger ses batteries et les miennes avant une nouvelle journée de festival.

A demain pour la suite de ces chroniques cannoises.

Crédits photos : Photo © Jack Garofalo/Paris Match/Scoop – Création graphique © Hartland Villa – Visuels fournis par le service presse du Festival de Cannes

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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