Nostalgia affpro[Compétition Officielle]

De quoi ça parle ?

D’un quinquagénaire, Felice (Pierfrancesco Favino) qui revient à Naples, sa ville natale, après quarante années passées à l’étranger. Il parle désormais mieux l’arabe que sa langue natale, à changé de confession après s’être mariée à une égyptienne. Il retrouve sa mère, une vieille dame désormais, qui vit toujours dans le même immeuble qu’un demi-siècle auparavant, mais quelques étages plus bas.
Curieusement, les gens ont vieilli, mais la ville, elle, n’a pas changé, avec ses rues escarpées, ses immeubles fatigués et son linge suspendu entre les immeubles. Le revers de la médaille, c’est qu’elle est toujours aussi dangereuse. La camorra est toujours à la tête de certains quartiers et les nuits sont fréquemment marquées par les rodéos à moto des jeunes voyous.
Ceci ne fait pas fuir Felice pour autant. Au contraire, cela favorise la remontée de ses souvenirs de jeunesse. Le retour au pays a déclenché en lui une vague de nostalgie, un sentiment profond qui l’incite à rester encore un peu et peut-être même définitivement dans sa ville de naissance.

Pourquoi on aime ?

Nous n’éprouvions pas vraiment de nostalgie pour les oeuvres précédentes de Mario Martone, réalisateur adulé en Italie, mais dont les films ne nous ont jamais vraiment emballé. Ses derniers films étaient des oeuvres plombées par une mise en scène trop académique et un style trop littéraire et théâtral, en bref trop bavard.

Ici, la parole est plus rare. Le cinéaste laisse la place aux images, des vues de Naples surprenantes qui lui donnent un côté quasiment fantastique, fascinant et inquiétant. Il filme aussi les visages, les mains, pour composer, cette fois-ci, un film plus sensoriel et intimiste, qui nous touche beaucoup plus, par exemple, que Qui rido io, biopic boursouflé présenté lors de la dernière Mostra de Venise.

La première partie du film, marquée par les retrouvailles mère-fils, est vraiment réussie. Elle nous entraîne dans le sillage du personnage à la (re)découverte de la ville, lors de grandes promenades filmées comme jadis le Journal intime de Nanni Moretti, qui montrait l’âme de Rome.

La seconde partie est un peu plus conventionnelle et prévisible. Le personnage part à la recherche de celui qu’il considère comme son « frère », son meilleur ami d’enfance. Mais l’homme, Oreste, est devenu l’un des parrains les plus violents du Rione Sanità, l’un des quartiers populaires de la ville, déjà filmé par Martone dans Il sindaco del Rione Sanità.  Tous ceux que Felice croise lui conseillent de renoncer à ces retrouvailles absurdes et potentiellement dangereuses, mais il s’entête, aveuglé par ses souvenirs et sa nostalgie qui lui fait idéaliser les choses. Sa quête évoque un peu celle, obsessionnelle, de Donald Sutherland dans Don’t look now ! qui pourchassait un enfant dans les ruelles de Venise. On se doute donc que tout cela va mal finir. 

En tout cas Martone fait lentement monter la tension autour de son personnage. La moindre véhicule qui rentre dans le champ de la caméra, la moindre silhouette approchant le personnage laisse craindre le pire. Mais on sait parfaitement que la célèbre phrase « Voir Naples… et mourir » n’a pas été inventée par hasard.

Pierfrancesco Favino est impeccable dans la peau de cet homme qui se redécouvre, qui se met à revivre, retrouver un peu de son insouciance au contact de sa ville natale, mais, ce faisant, baisse sa garde et se met en danger. Il est entouré d’autres comédiens solides, comme Francesco di Leva qui, après avoir incarné un parrain mafieux dans Il sindaco del Rione Sanità, joue cette fois-ci celui d’un prêtre farouchement opposé à la Camorra, Aurora Quattrocchi, magnifique dans le rôle de la mère de Felice ou encore Tommaso Ragno, inquiétant en Oreste, vieillard fatigué, consumé de l’intérieur par la violence et la haine.

Mario Martone signe ici ce qui est sans doute son meilleur film et l’une des bonnes surprises du cru cannois 2022.

Palmomètre :

Par superstition, on ne dira pas que Pierfrancesco Favino fait partie des favoris pour le prix d’interprétation  masculine. La dernière fois, il avait les faveurs des bookmakers et est reparti bredouille de la Croisette. Mais sa performance solide est à prendre en considération.
Sinon, au vu de la concurrence, on ne voit pas trop le film au palmarès. Mais Mario Martone aura gagné une belle remontée dans notre estime. C’est déjà cela…

Contrepoints critiques :

”[Favino] atteint ici encore l’excellence. Une grande prestation pour un grand film terrassant, entre Mean Street (1976) et Le Parrain (1972).”
(Pierre Siclier – Ciné séries)

”Malgré un début un peu prometteur, le film se perd dans une contemplation confuse et léthargique, survolant l’un des aspects les plus intéressants de son script (la misère des gangs napolitains d’aujourd’hui)”
(Alexis Roux @RouxAlexis3 sur Twitter)

”Nostalgia, ou comment gaspiller tranquillement des thématiques intéressantes dans un récit convenu et inutilement étiré. Heureusement y a Naples et Pierfrancesco Favino, mais pas de quoi légitimer le film le plus tiédasse de cette compétition”
(@CharleyJamesD sur Twitter)

Crédits photos : images fournies par le Festival de Cannes – Tous droits réservés

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Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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