Après avoir courageusement dénoncé les pratiques mafieuses de la région de Naples dans Gomorra, Matteo Garrone s’attaque à ce qu’il estime être un des autres fléaux de l’Italie moderne : la médiocrité des émissions de télévision, et notamment celles de télé-réalité, qui fabriquent des vedettes factices et des gloires éphémères.
Reality commence par une séquence surprenante, un long plan-séquence aérien qui suit le trajet d’un carrosse sur une route nationale près de Naples. Ses occupants? Deux tourtereaux qui se sont offert un mariage de conte de fées, dans un grand palace, avec valets emperruqués et courtisans. Pour l’occasion, la famille a enrôlé un des participants de la dernière édition de “Big Brother”, un jeu de télé-réalité.

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Le personnage principal, Luciano, est subjugué. Lui qui est un peu l’animateur de la famille, celui qui fait le clown aux banquets et met l’ambiance, se voit souffler la vedette par un type assez quelconque, devenu star juste parce qu’il est passé à la télévision. Si ce type a réussi, alors lui peut aussi y arriver…
Cela tombe bien. un casting est organisé à Naples, en vue de la prochaine session du show. Luciano, qui est revenu à la dure réalité quotidienne – son activité de poissonnier et une combine lucrative autour de robots de cuisine pour arrondir les fins de mois – se laisse convaincre de participer au casting.
Quand il franchit le premier rideau et est invité à un deuxième casting à Rome, il croit avoir partie gagnée. Il estime avoir plus de personnalité que les autres candidats et est certain d’être retenu. Il se raccroche naïvement à des signes. Il a parlé plus longtemps que les autres, le psychologue de l’émission lui a posé de nombreuses questions et le producteur lui a affirmé que tout s’était bien passé et qu’on le rappellerait très vite. La phrase-bateau qui signifie aux candidats qu’ils ne font pas l’affaire…

Mais Luciano s’emballe. Il est certain que sa bonne étoile le guide et s’auto-persuade que la chaîne va le recruter. Tout ce qui l’entoure alimente son fantasme. Une habitante de Rome qui passe à sa poissonnerie? C’est une envoyée de la télévision venue vérifier ses dires… Cet inconnu qui l’observe depuis la boutique d’en face? Un espion venu guetter ses faits et gestes pour confirmer le choix du producteur…
Comme on est à Naples, la rumeur fait le tour de la ville. Luciano va participer à Big Brother, c’est certain… Tout le monde en est fier, le félicite, l’encourage… et encourage par la même son délire. Mais les jours passent et la télévision tarde à lui confirmer son inscription au jeu… Luciano s’enfonce alors de plus en plus dans la folie…

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Et après? Eh bien pas grand chose, hélas… Ce nouveau film de Matteo Garrone est, avouons-le, une petite déception, et c’est d’autant plus rageant que le film ne manquait pas d’atouts pour séduire : une mise en scène ample accumulant les plans-séquences et les mouvements virtuoses, des acteurs solides, au jeu intense, un décor somptueux qui oppose le luxe glacial des palais bourgeois aux vieux immeubles napolitains, un sujet potentiellement intéressant, pouvant déboucher sur une réflexion plus large sur la société italienne contemporaine…
C’est au niveau de ce dernier point que le bât blesse… La critique sociale de Matteo Garrone s’arrête aux média et à la télé-réalité, alors que son début, propulsant des gens modestes dans le faste d’un palais de conte de fées, laissait penser que le film déboucherait sur un pamphlet virulent sur la société en général.
Frustrant, car on a l’impression, du coup, d’assister à une comédie joliment exécutée, mais assez vaine, et surtout un peu trop longue par rapport au manque de densité du propos…
Reste la fin du film, qui se boucle sur une belle idée de mise en scène. Un effet de mise en scène qui arrive un peu trop tard pour convaincre, hélas, et ne fait qu’attiser un peu plus notre déception…

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Autre film frustrant, à un degré moindre, celui de l’autrichien Ulrich Seidl, Paradis : amour.
Le début du film est remarquable. Avec un sens du cadre époustouflant, Seidl nous montre un groupe d’handicapés mentaux s’affrontant dans une bataille d’autos tamponneuses. Autour d’eux, des murs peints représentant des vues de New-York ou de plages exotiques. Avec cette simple scène, tout est dit : le cinéaste compare la vie quotidienne à un tumulte où des débiles mentaux entrent en collision les uns avec les autres avant de partir en vacances pour se reposer dans des paradis en trompe l’oeil pour quelques jours d’un bonheur factice. Le plan suivant montre d’ailleurs la gérante du manège, sur le point de partir en vacances au Kenya. Stressante, ultra-maniaque, elle sermonne sa fille pour sa nonchalance et son manque d’implication dans le rangement de la maison qu’elles occupent toutes les deux. Elle ne réalise pas vraiment que la gamine  est plutôt contente de se débarrasser d’elle pendant les vacances…

Elle débarque finalement au Kenya, en compagnie d’autres vieilles peaux venues se faire carboniser au soleil, et plus si affinités avec les indigènes, les “nègres” à la peau parfumée, aux muscles saillants, aux dents d’une blancheur immaculée.
Et des affinités, il y en a forcément dès lors que ces blondes teutonnes ont de l’argent à distribuer. Dans ces pays pauvres, tout est bon pour satisfaire les besoins des touristes. Un souvenir? Pas de problème, il y a toujours une quinzaine de vendeurs à la sauvette qui essaient de vous vendre un collier, un bracelet, une statuette… Un guide? Pas de problème, hakuna matata! Il y a toujours une quinzaine de transporteurs en scooter ou en tuk-tuk  prêts à vous emmener quelque part. Un gros besoin d’amour? Pas de problème, hakuna matata! Contre quelques billets ou de petits cadeaux, ces messieurs sont prêts à vous malaxer les seins et vous chevaucher de leurs sexes immenses.
Le cinéaste décrit avec distance et humour caustique ce jeu de dupes. Il montre clairement la ligne de séparation entre les blancs et les noirs, toujours face-à-face, ou côte-à-côte, comme les rayures de zèbre qui décorent un peu tous les lieux de ce paradis africain. Qui sont les proies? Qui sont les prédateurs? Ils le sont autant les uns que les autres, puisque les femmes veulent utiliser ces “sauvages” comme esclaves sexuels personnels et que les kenyans voient les touristes comme des pigeons à plumer entièrement…

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L’héroïne du film – un bien grand mot pour une personne aussi méprisable – tente de se persuader qu’elle n’est pas comme les autres, qu’elle cherche, elle, de l’Amour avec un grand A et non pas des étreintes fougueuses. Pfff… De l’amour… Il n’est aucunement question d’amour ici. C’est bien de commerce du sexe dont il s’agit, déguisé pour paraître plus respectable, moins honteux. La gérante de manège, un brin raciste et méprisante de par son attitude néocolonialiste, n’a aucune intention de faire sa vie avec un noir. Ils sont juste bons à lui procurer un peu de plaisir charnel et à servir de souffre-douleurs… Car en plus de servir de sex toys vivants, les indigènes se font aussi humilier.
Le point culminant de cette humiliation, dans le film, est l’orgie organisée par les vieilles peaux pour l’anniversaire de leur copine, avec un stripteaseur local en guise de quatre heures Une scène qui présente pas mal de similitudes avec cette scène choc d’Import-Export, dans laquelle deux businessmen autrichiens humiliaient des prostituées ukrainiennes. 

Le problème, c’est que Ulrich Seidl joue un peu trop sur la répétition des scènes. Au bout du troisième amant essayé par le personnage principal, on a bien compris le principe. Les sauvages sont des brutes épaisses qui ne connaissent rien à la délicatesse, ni à la sensualité, et ne cherchent qu’à lui soutirer de l’argent pour aider soi-disant, un neveu malade ou un père accidenté, et la “cliente” est une garce déguisée en femme prude et romantique, avide comme les autres de sexe et de pouvoir.
Les scènes se répètent, s’étirent un peu trop, et, plutôt que de choquer, perdent ainsi de leur force. Peut-être était-ce là le but de Seidl, habituer le spectateur à des scènes dérangeantes, banaliser la violence des scènes et mettre le spectateur face à son côté voyeuriste. Mais l’ennui finit par s’installer, ruinant un peu les espoirs placés dans cette introduction gonflée et pleine de cynisme et dans le style singulier du cinéaste, que l’on avait beaucoup aimé dans Import-Export.

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Paradis : amour nous laisse donc un peu sur notre faim, même s’il est mis en scène avec une maestria technique indéniable, portant la griffe d’un auteur à part entière, et que le cinéaste ne recule devant rien pour présenter sa vision misanthrope du monde. Il a également la bonne idée de se terminer sur une note amère bienvenue, la touriste prenant brusquement conscience de son âge et de sa beauté déclinante, et se confrontant à l’absurdité de sa quête. Une fin qui, alliée avec les nombreuses zones d’ombre du récit – qu’est devenue la fille aînée? – donne envie de découvrir les deux autres épisodes de la trilogie “Paradis”. 

Si pour les touristes autrichiennes, l’Afrique est le Paradis, ce n’est plus le cas pour Alex, Melman, Gloria et Marty, les vedettes du zoo de New-York échouées successivement à Madagascar, puis dans la savane africaine. Les quatre amis ont le mal du pays. Ils décident de retrouver le commando de pingouins, parti à Monte Carlo pour tenter de gagner les sommes nécessaires à l’achat d’un avion, mais apparemment peu pressé de revenir s’occuper d’eux. Là, ils provoquent quelques catastrophes et éveillent l’intérêt de Dubois, une fliquette spécialisée dans la traque des animaux sauvages. Une traque sans merci s’engage… Pour lui échapper et avoir une petite chance de retrouver New York, Alex et ses amis n’ont pas d’autre choix que de s’intégrer dans un cirque. Que le spectacle commence!

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Oui, ici, pas besoin de se prendre la tête pour savoir ce qu’a voulu dire l’auteur du scénario ou chercher le sous-texte politique et symbolique de l’oeuvre. Madagascar 3 : Bons baisers d’Europe est un grand spectacle, un pur divertissement pour petits et grands enfants, un festival d’action non-stop, sublimé par un relief assez bien pensé, pour une fois. Courses-poursuites déjantées, évasions spectaculaires, numéros de saltimbanques fous, et opérations stratégique de haut-vol menées par le commando de pingouins – dont on est assez fans, on avoue… Le tout sur une ribambelle de hits de boîtes de nuit, dont le “I like to move it, move it” qui est désormais associé à la série…
Ceux qui ont aimé les deux premiers épisodes prendront sûrement encore du plaisir avec celui-ci, qui capitalise sur les points forts de la franchise – personnages attachants et humour délirant. Et ceux qui n’avaient pas été séduits par les deux premiers opus se laisseront  peut-être séduire par celui-ci, plus tourné vers l’action et la parodie de films à succès. Kowalski! Skipper! Rico! Bien joué les gars! Mission accomplie!

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Toujours hors compétition, Apichatpong Weerasethakul présentait un “documentaire”, Mekong hotel.
Nous n’avons pas eu l’occasion de le voir, mais il s’agit apparemment plus d’une oeuvre expérimentale, où le cinéaste greffe ses obsessions personnelles sur un documentaire consacré au fleuve Mékong, à la frontière entre la Thaïlande et le Laos. Il est même question, une fois de plus, de fantômes et de vieilles légendes. Et le rythme, nous a-t-on affirmé, est conforme au reste du travail de Weerasethakul, contemplatif…

En revanche, nous avons vu Polluting paradise le documentaire de Fatih Akin. Un paradis qui n’a pas grand chose à voir avec celui d’Ulrich Seidl, puisqu’il se situe, lui, dans un village à flanc de colline, au bord de la Mer Noire. Une mer qui porte bien son nom, dans le cas présent… S’y déverse régulièrement les boues noires issue d’une gigantesque décharge à ciel ouvert implantée dans le village par décision ministérielle, contre l’avis des habitants.
Le cinéaste, dont les grands-parents sont originaires de ce village, a filmé, pendant une période de cinq ans, le combat de la population contre cet endroit construit en dépit de tout bon sens, causant une multitude de catastrophes écologiques et sanitaires.

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Tout commence quand les autorités turques, incapables de gérer correctement les déchets issus de la région de Trabzon, décident de trouver un emplacement assez grand pour une décharge capable d’accueillir les ordures de toute la région. Leur choix se porte sur Camburnu, où se situe une ancienne mine de cuivre à ciel ouvert, aujourd’hui tarie. Les habitants protestent, car la zone est proche de quartiers résidentiels et surplombe les champs de thé, qui procurent au village sa principale source de revenus, avec la pêche. Les ingénieurs chargés du projet leur assurent qu’il n’y aura aucune conséquence pour les habitants, car le terrain sera revêtu d’une membrane filtrante qui retiendra les germes et les métaux lourds, et que les déchets seront compactés et désodorisés avant d’être amenés.
Le hic, c’est que la membrane est posée sur un sol caillouteux qui ne tarde pas à se déchirer, dès la pose… Et que quand arrivent les premiers camions-bennes, les déchets arrivent en vrac et exhalent une puanteur insupportable. Pour supprimer ce désagrément, les gérants ne trouvent rien de plus malin à faire que de vaporiser des litres de parfum sur les ordures, ce qui ne fait qu’amplifier le problème…Et ce n’est que le début des ennuis…

Les déchets attirent toutes sortent d’animaux : mouches, chiens errants, corbeaux, qui contribuent aussi à la dégradation de l’hygiène des lieux. La membrane ne tarde pas à fuir, occasionnant une contamination de la nappe phréatique. Les cultures de thé sont contaminées par les boues noires et les fientes d’oiseaux. Les rivières sont polluées par les déchets et vont se jeter dans la Mer Noire, dans laquelle se baignent les enfants…

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Pire, les ingénieurs n’ont absolument pas envisagé les conséquences de pluies diluviennes, qui faisaient partie des risques potentiels cités par les habitants au moment de l’opposition au projet. Et quand les gros orages surviennent, la décharge déborde et vient se déverser sur le village. 
Les ingénieurs essaient de noyer le poisson (contaminé) en proposant des mesures insuffisantes qui provoquent d’autres catastrophes. Et pendant ce temps, les camions continuent de venir déverser des ordures dans la décharge inadaptée…
Polluting paradise est la description d’une catastrophe écologique liée à la bêtise humaine, à l’inconséquence des pouvoirs politiques, à l’irresponsabilité d’ingénieurs qui se content d’obéir à des ordres absurdes. Fatih Akin s’est beaucoup investi dans ce combat. Certains lui reprocheront sûrement son manque d’impartialité et de recul. Il est vrai que le documentaire est exclusivement à charge et ne laisse que peu de place au droit de réponse. En même temps, les images sont éloquentes et renvoient les autorités à leurs responsabilités face à ce désastre écologique. Le film est utile pour défendre le point de vue des habitants, méprisés par le gouvernement turc, et on ne peut pas reprocher au cinéaste de choisir le camp des victimes plutôt que celui des coupables.

En revanche, on peut lui reprocher la longueur de son documentaire. Certaines images sont redondantes et certaines séquences ne servent pas à grand chose, sinon à gonfler artificiellement la durée du film. Un court-métrage aurait été tout aussi percutant, sinon plus. Et on ne peut que regretter que le cinéaste ne se soit pas emparé du sujet pour en tirer une comédie noire façon Soul kitchen… Les situations, ubuesques, s’y prêtaient. Et certains intervenants, ahurissants de bêtise, auraient fait de beaux personnages.
Dommage. On se contentera de ce documentaire militant qui fait parfaitement passer son message.

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Ceux qui ne sont pas trop embêtés par les ordures, ce sont les habitants de “La Baignoire”, une bande de terre menacée par la montée des eaux, dans le delta du Mississippi.
Le gouvernement veut les évacuer, mais ils refusent de quitter leurs terres et leur mode de vie traditionnel. Ils sont encore une poignée à résister, comme Wink et sa fille de dix ans, Hushpuppy. Ils vivent des fruits de la pêche, de la chasse, de l’élevage d’animaux, habitent dans des cabanes de fortune, bricolées avec des objets récupérés. De toute façon, inutile de construire des habitations solides dans une région où tempêtes et inondations sont monnaie courante. Et ce n’est que le début…

Il y a un petit parfum d’apocalypse dans le premier film du jeune cinéaste Benh Zeitlin, Les Bêtes du sud sauvage, présenté dans la section Un Certain Regard.
La presqu’île sera bientôt totalement engloutie par les eaux. La végétation pourrit. Les animaux meurent. Les humains aussi…
Hushpuppy réalise soudain que ce père qu’elle pensait immortel, celui qui s’occupe d’elle depuis la disparition mystérieuse de sa mère, qui l’élève à la dure pour la préparer à affronter les dangers du monde, est malade et n’en a plus que pour que quelques jours à vivre. 
Le vaudou ne peut plus rien faire pour lui, la médecine moderne non plus. Son coeur est fatigué, son sang est malade. Il doit utiliser ses dernières forces pour protéger sa fille contre le déchaînement des éléments et lui apprendre les choses essentielles à sa survie. La gamine devra affronter ses peurs, ses angoisses les plus profondes pour pouvoir gagner en maturité et accompagner son père jusqu’au bout du chemin.
La beauté de ce film vient de son univers assez incroyable, vu à travers des yeux d’enfant. Un univers entre réalité et fantasme, hors du temps.
On y croise des humains courageux, des êtres extraordinaires dotés de pouvoirs magiques, comme celui de comprendre les cris des animaux ou d’allumer le gaz simplement en passant à côté. Les animaux domestiques côtoient des bêtes féroces fantasmées, imposants aurochs tout droit sortis de la préhistoire. Et on y voit surtout le face-à-face d’une infinie tendresse entre un père et sa fille, au moment des adieux. Bouleversant…

Les Bêtes du sud sauvage - 3

Autre film présenté dans cette section parallèle, Laurence anyways, le nouveau film de Xavier dolan.
Une oeuvre attendue, car en seulement deux films et à tout juste 23 ans, le jeune prodige québecois a su s’imposer comme l’un des cinéastes les plus prometteurs du paysage cinématographique mondial. On avait bien aimé J’ai tué ma mère, son premier long, aux dialogues étincelants, et on avait adoré l’élégance formelle et le lyrisme de son second film, Les Amours imaginaires
Aussi, grande est notre déception face à sa nouvelle réalisation, oeuvre indigeste, maladroite et beaucoup trop longue…
On s’est demandé si la gêne éprouvée lors de la projection pouvait venir du sujet abordé – la transsexualité – un hétérosexuel heureux en ménage qui décide soudain de devenir femme – mais après mûre réflexion, non, ce n’est pas cela du tout. Si le malaise vient bien de la mise en scène de Dolan, emphatique, pataude, inutilement alambiquée.
Le début du film fait illusion. Certes, on ne retrouve pas le brio narratif des Amours imaginaires, mais l’intrigue tient la route, montrant parfaitement la sensation d’étouffement ressenti par Laurence, jeune homme en apparence heureux réalisant qu’il se ment à lui-même depuis des années et qu’il ne peut plus refouler plus longtemps cette réalité : physiologiquement, il est un homme, mais dans sa tête, dans son âme, il est une femme.
Mais rapidement, on a la désagréable impression que Dolan ne sait pas trop où il veut nous emmener, ni comment mener son récit. Quand Laurence commence à s’habiller en femme, la mise en scène de Dolan se déguise aussi, se pare de couleurs criardes assez déplaisantes. Le cinéaste sature son film de musiques tonitruantes, de dialogues appuyés, d’effets visuels tape-à-l’oeil, loin, très loin, de l’élégance de son précédent film. Le jeu de Melvil Poupaud, jusqu’alors relativement juste, bascule dans le n’importe quoi, entre nonchalance et outrance. On ne croit plus à son personnage, à ses motivations, à la nécessité de sa transformation. Suzanne Clément se met à tout surjouer, au bord de l’hystérie. Le film commence à agacer…

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Et une étape est encore franchie avec l’apparition d’un groupe de vieux travestis caricaturaux, effarants de vulgarité, dont on s’interroge encore sur l’utilité scénaristique.
Le récit s’éternise. Les personnages ne nous touchent plus. On a juste envie que le film s’achève pour que l’on puisse souffler un peu avant de passer à des films autrement plus aboutis que ce long-métrage agaçant.
Et dire que Xavier Dolan a fait part de son mécontentement de ne pas être admis en compétition officielle avec ce film! On lui conseille de prendre un peu de recul, de retrouver un peu d’humilité et de réfléchir à son cinéma et ce qui faisait la force de sa mise en scène sur ses deux premiers films. 
Ce n’est que son troisième film. Il est encore très jeune et a évidemment un droit à l’erreur. Mais ici, le film pèche plus par excès que par manques, et cela nous inquiète un peu pour la suite de sa carrière…

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Au galop, le film de Louis-Do de Lencquesaing présenté à la Semaine de la critique, semble également avoir divisé les festivaliers. Les commentaires les plus rudes annoncent “une caricature de stéréotype du film d’auteur français” (aïe…) ou un “ersatz de Mia Hansen-Love, sans le talent” (re-aïe). Les plus favorables disent que Louis-Do de Lencquesaing se montre digne des metteurs en scène avec qui il a collaboré en tant qu’acteur. A voir donc pour se forger sa propre opinion…

Nous n’avons pas pu voir non plus les films présentés à La Quinzaine des Réalisateurs, Alyah d’Elie Wajeman et No de Pablo Larrain. Difficile de tout voir dans ce festival où sont proposés une dizaine de films par jour, uniquement dans les sections principales…
Raison de plus pour râler quand des auteurs nous plombent l’emploi du temps avec des films inutilement longs et insuffisamment aboutis. C’est dit, na!

A demain pour la suite de nos pérégrinations cannoises…

Cannes 2012 bandeau

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