Black 47 affproDécidément, cette seconde journée de projections de la 68ème Berlinale est dédiée au western. Après Damsel, c’est au tour de Black 47 de revisiter le genre.
Bon, le long-métrage de Lance Daly présente la particularité de se dérouler non pas dans les grandes étendues de l’ouest américain, mais dans les plaines sauvages du Connemara, dans l’Irlande du XIXème siècle. Pour autant, les codes employés par le cinéaste pour conter son histoire de vengeance implacable sont bien ceux du western, voire des westerns spaghetti.

On suit le retour au pays d’un homme quasi-mutique et monolithique, mais terriblement doué avec les armes à la main, à la manière des cavaliers solitaires incarnés par Clint Eastwood dans Pale Rider, Pendez-les haut et court ou les westerns de Sergio Leone. Martin Feeney (James Frecheville), un soldat irlandais ayant fui les horreurs de la guerre en Afghanistan pour revenir s’occuper de ses proches. Il ne découvre que des tombes et des maisons délabrées, à l’abandon. Pendant son absence, les conditions de vie, déjà précaires, se sont dégradées, avec le début de la grande famine, liée au mildiou qui a détruit les cultures de pommes de terre, seules sources de revenus et de nourriture pour les paysans irlandais. Pour ne pas payer la taxe sur les pauvres, les notables poussent les habitants à partir en les expulsant manu militari et en détruisant le toit de leurs chaumières. S’ils quittent le comté, ils ne sont plus à aider. S’ils restent malgré tout, ils ne résisteront pas longtemps à la morsure du froid hivernal…

En tentant de s’interposer lors de l’éviction de sa belle-soeur et de ses neveux et nièces, Martin est arrêté par la police. Il parvient à s’échapper, mais à son retour, il découvre que ses proches sont tous morts de froid. N’ayant nulle part où aller, ils ont tenté de dormir dans les ruines de leur demeure et ont péri par hypothermie. Désormais seul au monde, et n’ayant plus rien à perdre, Martin décide de partir dans une croisade vengeresse contre les responsables de ce drame. Et même s’il est seul contre tout un régiment, il est suffisamment dangereux pour que les autorités prennent la menace au sérieux. On décide alors de lancer à ses trousses un de ses anciens frères d’armes, Hannah (Hugo Weaving). Bien que peu enclin à affronter son ancien camarade de combat, ce dernier n’a pas le choix. Condamné à mort pour avoir tué un suspect lors d’un interrogatoire trop musclé, il ne pourra obtenir sa grâce qu’en apportant à l’Etat-major la tête de Feeney. C’est le début d’une longue traque, qui va déboucher, forcément, sur un ultime bain de sang…

On sent bien que les ambitions de Lance Daly dépassaient le simple cadre du film de genre. Avec ce récit, il souhaitait mettre en lumière une période peu connue de l’histoire Britannique et dénoncer l’attitude qu’ont eu les nobles anglais vis à vis du peuple irlandais durant ces temps troublés, agissant plus en colons dominateurs qu’en souverains bons et justes. En privilégiant leurs intérêts, ils ont laissé mourir plus d’un million de personnes.
Il n’est pas certain que la forme adoptée soit la plus adaptée pour que le message soit bien retenu. Ce western-irish-stew est certes un film d’action efficace et prenant de bout en bout, mais qu’en restera-t-il dans quelques semaines, dans quelques mois? Lance Daly aurait sans doute touché davantage le public en explicitant un peu plus le contexte historique et en évoquant plus longuement les conséquences de la grande famine.
Mais ne faisons pas la fine bouche. Dans une programmation qui comprend de nombreux films expérimentaux art & essai susceptibles de vous faire sombrer dans le sommeil en moins de deux, un film de genre, même inabouti, cela vous rebooste autant qu’un bon whiskie…

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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