Il y a deux ans, presque jour pour jour, un jeune cinéaste nommé Fred Cavayé faisait une entrée remarquée dans le monde du polar français en signant Pour elle, un premier long-métrage mettant en vedette Vincent Lindon et Diane Kruger.
Malgré quelques maladresses, dont des rebondissements pas toujours crédible, ce film noir parvenait à nous tenir en haleine de bout en bout, et prouvait qu’avec un minimum de talent, le thriller à la française n’avait rien à envier à son homologue américain. D’ailleurs, Pour elle vient de faire l’objet d’un remake hollywoodien signé Paul Haggis et titré Les trois prochains jours, qui sortira mercredi prochain.
Après cette brillante entrée en matière, on attendait de voir si le cinéaste allait pouvoir transformer l’essai avec son second film.
Réponse affirmative avec A bout portant.
De nouveau, un thriller. Et de nouveau, une franche réussite…
On est scotchés à nos fauteuils pendant les quatre-vingt cinq minutes que dure le film. Pourtant, Fred Cavayé ne cherche pas spécialement à innover. Il tisse une trame respectant scrupuleusement les conventions du genre et utilise des situations déjà maintes fois exploitées, à l’écrit comme à l’écran.
L’intrigue, dans la plus pure tradition du film noir, place un homme ordinaire dans une situation extraordinaire : Samuel (Gilles Lellouche), un interne infirmier sur le point d’être père pour la première fois, prend son service alors que l’on vient d’admettre aux soins intensifs un homme grièvement blessé, touché par une balle dans l’abdomen. En pleine nuit, un individu réussit à pénétrer dans la chambre du patient et à débrancher son respirateur artificiel. Samuel réussit à sauver la vie du blessé.
On apprend que l’homme qu’il a sauvé s’appelle Sartet (Roschdy Zem), qu’il est fiché au grand banditisme et suspecté d’avoir assassiné un richissime homme d’affaires au cours d’un cambriolage qui aurait mal tourné.
Au petit matin, Samuel rentre chez lui, épuisé. Un individu pénètre dans son appartement et l’assomme violemment. Quand il se relève, Nadia (Elena Anaya), sa femme enceinte de sept mois, a disparu, kidnappée par son agresseur. S’il veut la revoir vivante, Samuel a trois heures pour faire sortir Sartet de l’hôpital au nez et à la barbe des policiers assurant sa surveillance.
Ce n’est que le point de départ d’une haletante course contre-la-montre où Samuel et Sartet, dont les destins sont désormais liés, n’ont que peu de temps pour sauver la vie de Nadia, sauver leurs propres vies et démasquer l’assassin qui est après eux.
Pas évident quand on ne peut se fier à personne et que l’on a toutes les polices aux trousses…
La grande force de ce film, c’est son rythme intense, qui ne faiblit quasiment jamais. Le spectateur n’a pas le temps de s’interroger sur la crédibilité de l’intrigue et des quelques rebondissements qui la parcourent – plutôt bien amenés, d’ailleurs. Il est entraîné dans l’action dès les premières secondes et n’aura plus un seul moment de répit jusqu’au dénouement.
C’était l’objectif principal du réalisateur : réaliser un thriller reposant surtout sur l’action, le tempo, le sentiment d’urgence. Un peu le contraire de Pour elle, qui privilégiait un rythme plus posé, faisant lentement monter la tension.
Pari tenu. On est complètement portés par le montage, sec et nerveux, de Benjamin Weill, par le brio de la mise en scène, par l’intensité du suspense.
Pour autant, il ne s’agit pas que d’un banal film d’action. Le rythme d’enfer imposé à la narration n’empêche nullement le cinéaste de soigner ses personnages, permettant à chacun d’exister, même aux rôles secondaires. Une gageure…
Il est vrai qu’il peut s’appuyer sur des comédiens solides, de Gérard Lanvin à Mireille Perrier, de Claire Perot à Moussa Maaskri en passant par la belle Elena Anaya, qui réussit, en quelques scènes, à communiquer l’angoisse et le désarroi de son personnage, aux mains de ravisseurs peu engageants.
Et puis, il y a le duo principal. Roschdy Zem assure le métier avec le talent qu’on lui connaît, très à l’aise dans ce rôle de gangster traqué par plus violent que lui.
Gilles Lellouche, lui, est absolument parfait dans ce rôle d’antihéros contraint de dépasser ses limites pour sauver celle qu’il aime. Une démarche qui, évidemment, rappelle celle du premier film du cinéaste, dans lequel Vincent Lindon cherchait à faire évader sa femme de prison.
Le seul reproche que l’on pourrait faire à ce film, c’est de ne pas jouer davantage la carte de la noirceur, de flirter avec la tragédie sans céder à ses sirènes.
Par goût personnel? Par peur de désarçonner le public avec une fin trop sombre? Peut-être un peu des deux ?
Toujours est-il que nous aurions préféré une petite touche d’ambiguïté supplémentaire, une pointe d’amertume, un petit rien qui fait toute la différence entre les bons films et les grands films, ceux qui marquent durablement les esprits.
Cela dit, A bout portant reste une excellente nouvelle pour les amateurs de polar. Ils vont se régaler devant ce thriller mené tambour battant, qui confirme que Fred Cavayé fait bien partie des auteurs français à suivre.
Vivement le troisième long-métrage !
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Réalisateur : Fred Cavayé
Avec : Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Elena Anaya, Gérard Lanvin, Mireille Perrier, Moussa Maaskri
Origine : France
Genre : thriller haletant
Durée : 1h25
Date de sortie France : 01/12/2010
Note pour ce film : ●●●●●○
contrepoint critique chez : Le Point
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