les enfants des autree affpro[Compétition Officielle]

De quoi ça parle ?

Rachel (Virginie Efira) est professeur de français dans un lycée. Elle a passé des années à s’occuper des enfants des autres, mais les circonstances ont fait qu’elle même n’a pas eu d’enfant. Elle se disait qu’elle avait le temps, qu’elle sauterait le pas plus tard. Puis elle s’est séparée de son compagnon et finalement, l’occasion ne s’est jamais présentée. Et voilà qu’elle a quarante ans et son horloge biologique vient de sonner l’alarme. Son gynécologue (Frederick Wiseman- oui, le réalisateur…) l’informe qu’elle doit se dépêcher si elle veut avoir encore une chance de concevoir un enfant. Mais encore faut-il trouver le père…

Cela tombe bien, Rachel vient de rencontrer Ali (Roschdy Zem), son professeur de guitare. Un homme fraîchement séparé, avec qui elle entrevoit la possibilité de former un foyer. Seulement, avant de songer à avoir un enfant, elle doit déjà se faire accepter par Leïla, la petite fille qu’Ali a eu avec Al ice  (Chiara Mastroianni) et dont il a la garde une semaine sur deux. Les premiers contacts se passent plutôt bien, mais l’enfant ne semble pas forcément prête à accepter tout de suite Rachel comme sa belle-mère, ce qui pourrait contrarier les beaux projets que la quadragénaire avait planifiés.


Pourquoi on accouche d’une critique positive ?

Il ne se passe pas grand chose dans Les Enfants des autres.  Juste une accumulation de petits moments de vie et les émotions, positives et négatives, qu’ils provoquent chez Rachel. Mais cet ensemble permet à Rebecca Zlotowski de composer un très joli portrait de femme, à un moment charnière de son existence, s’interrogeant sur les options lui permettant de concevoir un enfant. Rachel n’est pas obnubilée par l’idée de tomber enceinte. Comme elle le dit elle-même, à un moment du film, elle serait même plutôt fière de n’avoir pas cherché à tout prix à répondre à la pression sociale. Pourtant, on devine, à ses réactions, que la question la titille beaucoup, surtout maintenant qu’elle sait que sa ménopause est imminente. Elle accuse le coup quand sa sœur, plus jeune, Louana (Yamée Couture), lui annonce qu’elle attend un heureux événement, observe avec envie la relation entre Ali et Leila, et même avec une pointe de jalousie le lien privilégié entre la fillette et sa mère biologique. Elle attend sagement que son nouveau compagnon soit prêt. Elle ne le brusque pas, avance pas à pas. Si elle tombe enceinte, elle sera très heureuse, sinon, elle assurera son rôle de belle-mère auprès de Leïla. A condition qu’Ali et elle décide d’aller plus loin, évidemment…
Le film de Rebecca Zlotowski parle d’un sujet à la fois très intime, très personnel et assez universel, puisque le désir d’être mère, parfois contrarié, touche des milliers de femmes sur la planète. Pourtant, il n’a été que peu traité au cinéma, en tout cas pas forcément placé, comme ici, au coeur du récit.
Il choisit aussi comme personnage principal une “belle-mère”, une femme qui doit trouver sa place dans un foyer lui-même en reconstruction, faire accepter sa présence, son autorité, tout en sachant qu’elle ne pourra jamais être considérée par l’enfant comme sa mère biologique. La place d’une belle-mère est aussi ingrate, car, elle élève les enfants de son conjoint comme s’il s’agissait de ses propres enfants, mais, si jamais le couple venait à se séparer, elle n’aurait aucun droit sur les enfants. Comme si elle n’était qu’une simple parenthèse dans la vie de ceux qu’elle côtoie.
Le parallèle avec le métier de Rachel est intéressant. Les professeurs s’occupent aussi des enfants des autres, les forment, les éduquent, leur apportent les clés dont ils ont besoin pour réussir leur vie. Ils ne sont que de passage dans l’existence de ces enfants, ces adolescents, mais peuvent les marquer durablement, et même changer leur existence. Sans le savoir, Rachel a peut-être sauvé des dizaines de gamins paumés, sans repères, en les aidant à trouver leur voie.

Si le film est aussi captivant, il le doit essentiellement à ses interprètes, tous impeccables, à commencer par Virginie Efira, qui porte quasiment à elle seule le récit. L’actrice belge semble en état de grâce en ce moment, enchaînant les performances remarquables (Adieu les cons, Don Juan, Revoir Paris,…). Et ce registre-là, intimiste et feutré, est probablement ce qui lui convient le mieux. Mais elle est aussi particulièrement mise en valeur par la mise en scène tout en finesse de Rebecca Zlotowski, qui la filme toujours à bonne distance.
La cinéaste, que l’on sait experte dans l’art de créer des ambiances singulières, met ici en place un cadre mouvant, évoluant au gré des déceptions et des espoirs de Rachel, mais baignant globalement dans une tonalité plutôt mélancolique et crépusculaire, pour accompagner le désarroi du personnage face à son âge et son envie de maternité contrariée.

On se demandait comment la cinéaste allait réagir après l’accueil critique plutôt frais reçu par son Planétarium, qui s’aventurait sur des sentiers un peu ésotériques. Le coup de pied occulte semble avoir eu un effet bénéfique. Revenant à davantage de simplicité et de classicisme, elle signe l’un de ses plus beaux films.


Pronostics pour le palmarès ?

Virginie Efira vient ajouter son nom à la liste des postulantes pour le prix d’interprétation féminine.
Le film de Rebecca Zlotowski pourrait, de par son sujet, avoir touché la présidente du jury, Julianne Moore, et pourquoi pas créer la surprise avec un prix de prestige.µ


Contrepoints critiques

“Zem and Mastroianni’s characters [are] a little two-dimensional compared with Rachel. But it is a gentle, heartfelt relationship drama about – and for – intelligent adults.”
(Peter Bradshaw – The Guardian)

”Rebecca Zlotowski livre une superbe ode à la dignité des sentiments, portée par la vibrante Virginie Efira”
(Damien Leblanc – Trois Couleurs)


Crédits photos : Les films Velvet – George Lechaptois – Images fournies par La Biennale Cinema 2022

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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