Competencia oficiale - affpro[Compétition Officielle]

De quoi ça parle ?

D’un homme d’affaire riche et blasé qui, désireux de laisser une trace dans l’histoire, décide de financer la construction d’un pont ou, à défaut, un film de cinéma.
Pour des raisons de praticité, ce sera un film… Mais pas juste un film. LE film. Un chef d’œuvre. L’homme achète (très cher) les droits d’un roman qu’il n’a pas lu et qu’il ne compte pas lire. Il recrute aussi Lola Cuevas (Penelope Cruz), une réalisatrice connue, justement, pour trahir les romans qu’elle porte à l’écran (vu le prix, c’est dommage…) et pour mener ses tournages de manière exigeante, avec des méthodes de travail tyranniques. Et pour incarner les deux personnages centraux, il choisit les deux meilleurs acteurs espagnols du moment : Felix Rivero (Antonio Banderas), star de films grand public, à Hollywood ou dans son pays natal, et Ivan Torrès (Oscar Martinez) plus habitué au théâtre, aux films d’Art & Essai et aux rôles intellectuels. Deux acteurs, deux méthodes de travail, deux styles de jeu, mais un même égo démesuré. Dès le départ, la rivalité entre les deux cabots fait des étincelles. Chacun essaie d’épater l’autre avec ses récompenses, ses astuces de préparation, sa palette de jeu, quand ils n’essaient pas de séduire la réalisatrice, pourtant une lesbienne assumée.

Le film décrit les dix jours de répétition du film où Lola Cuevas tente de les faire collaborer avec des méthodes plutôt originales, comme par exemple ce que l’on serait tentés d’appeler le « Rocher de Damoclès » (un rocher géant suspendu au-dessus de leur tête quand ils jouent) ou la méthode de la broyeuse à amour-propre, qui a le mérite de faire dégonfler le melon des deux prétentieux tout en les poussant à s’indigner de concert et faire l’union sacrée contre elle.
Pourtant, si les choses s’améliorent peu à peu, le naturel revient au galop et les deux hommes finissent toujours par se comporter comme des sales gosses, mettant en péril le tournage et la finalisation du chef d’oeuvre attendu…

Pourquoi on déroule le tapis rouge ?

Parce que Competencia Oficiale brocarde  de façon assez irrésistible le milieu du cinéma. C’est un véritable jeu de massacre. Tout le monde en prend pour son grade : producteurs n’ayant aucun goût artistique ou aucune culture, jetant leur argent par les fenêtres, stars capricieuses imbues d’elles-mêmes, vedettes intellos, faussement modestes, et prenant le “grand public” de haut, comédienne pistonnée par le producteur (sa propre fille), réalisateurs frappadingues et assistants dépassés, sans oublier tous les parasites qui gravitent autour du plateau et viennent profiter du cocktail de lancement du tournage.
La création artistique, usuellement présentée comme une chose sacrée, nécessitant travail et préparation, est ici montrée comme une affaire de dilettantes qui n’en font qu’à leur tête. Les festivals de cinéma sont montrés comme d’obscures réunions de famille  permettant au producteur et à l’équipe de se faire mousser et d’assurer la promotion du film. La presse cinéma en prend aussi pour son grade, avec une savoureuse parodie de conférence de presse, entre questions stupides et réponses à côté de la plaque.
Volontairement ou non, le film se moque même de la tendance de tous ces mélos de festival placés sous le signe du cancer (du pancréas, si possible). Sauf que dans celui-ci, on meurt surtout… de rire.

Loin des films austères ou des drames étouffants, le film de Gaston Duprat et Mariano Cohn est une vraie comédie, aux répliques ciselées et aux situations savoureuses, ce qui constitue une appréciable bouffée d’oxygène dans un monde plutôt déprimant.
Le seul reproche que l’on pourrait adresser à Competencia Oficiale est de s’essouffler un peu en cours de route, une fois que l’effet de surprise est passé et que la mécanique comique se met à ronronner. On aurait aimé que le scénario, essentiellement concentré sur la répétition et le cocktail de pré-tournage, aborde d’autres aspects de la collaboration artistique, montre le plateau de tournage, par exemple, et les relations avec les technicien, qu’il nous emmène dans les coulisses d’un festival de cinéma, bref, qu’il apporte des éléments pouvant générer d’autres situations, d’autres gags.
Ici, tout repose sur les joutes verbales entre les deux comédiens, qui finissent par devenir (un peu) répétitives.

Mais ne faisons pas la fine bouche. Cette comédie est déjà plus intelligente, plus drôle et plus inspirée que la plupart des comédies lourdingues que le cinéma français produit à la pelle. On espère qu’elle pourra sortir dans les salles hexagonales et trouver son public, récompense ou pas au soir du palmarès.

Prix potentiels ?

Penelope Cruz, avec une deuxième belle performance, confirme qu’elle est plus que jamais en lice pour le prix d’interprétation féminine. Ses camarades Antonio Banderas et Oscar Martinez pourraient aussi entrer dans la course pour le prix d’interprétation masculine, mais la rivalité de leurs personnages et ses conséquences dans le film pourraient dissuader le jury de se risquer à primer l’un ou l’autre. Les deux ensemble?
Quant à Mariano Cohn et Gaston Duprat, vu le sort que leur scénario réserve aux trophées de prestige, pas sûr qu’ils repartent avec une statuette…

Contrepoints critiques

“Si l’on rit beaucoup, si les personnages et les situations sont bien croqués, le film se montre quand même un poil paresseux, surfant pendant deux heures sur la même tension dramatique, sans réellement réussir à s’en échapper, pas plus qu’aux clichés attendus sur l’industrie du 7e Art.”
(Hubert Heyrendt – La Libre)

”Despite its commitment to biting humor and acerbic analysis, Competencia Oficial is, at its heart, a celebration of artists and their process.”
(Lovia Gyarkye – Hollywood Reporter)

Crédits photos : copyright Manolo Pavon – photos officielles fournies par La Biennale Cinema

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