Beasts of no nation Adaptation d’un roman de d’Uzodinma Iweala, Beasts of no nation aborde le problème tristement contemporain des enfants-soldats, ces gamins arrachés à leurs familles et formés, pour les plus faibles, pour servir de chair à canon ou, pour les plus endurants, pour devenir des combattants féroces, dénués de remords.

On suit le personnage d’Agu, un gamin de dix ans espiègle, qui semble vivre une enfance ordinaire dans son petit village d’Afrique de l’Ouest, à la frontière avec le Nigéria. Il fait les quatre-cents coups avec ses copains, chahute avec son grand-frère, plaisante avec ses parents. Pourtant, dehors, la situation est tendue. La guerre civile fait rage dans le pays (1). Si le village n’a pas encore été touché, c’est parce qu’il sert de zone tampon entre les forces gouvernementales et les rebelles. Mais un jour, l’armée officielle rompt le traité et pénètre dans le village, contraignant les habitants à abandonner leurs biens. Face à la résistance des villageois, les soldats ne tardent pas à employer la force. Ils commettent un massacre dont réchappe miraculeusement Agu. Le garçon est vite récupéré par un groupe de rebelles. Le Commandant décide de lui laisser la vie sauve, à condition qu’il rejoigne son armée. Agu est ainsi formé pour devenir un enfant-soldat impitoyable, appelé à commettre de nombreuses actions contraires à son éducation et sa morale…

Difficile de ne pas être profondément émus par le parcours cauchemardesque d’Agu, qui perd peu à peu ses repères et son innocence enfantine pour devenir un monstre malgré lui, sous l’emprise du Commandant (Idriss Elba). Pourtant, on pourrait être gênés par le fort sentiment de déjà-vu qui s’installe au fil des minutes; Car, si l’on ose s’exprimer ainsi, Cary Fukunuga arrive un peu après la bataille. Le parcours d’Agu rappelle beaucoup ceux de Johnny Mad Dog, le héros éponyme du film de Jean-Stéphane Sauvaire ou d’Ezra, celui du film de Newton Aduaka. Les destins sont tellement interchangeables, les péripéties tellement similaires, que l’on pourrait vite avoir l’impression d’assister à différentes version du même film. D’autant que celui-ci n’aborde que très peu certaines problématiques telles que la réinsertion de l’enfant-soldat au lendemain de la guerre civile.

On pourrait, mais le talent de metteur en scène de Cary Fukunaga (Sin nombre, True Detective saison 1) nous fait vite oublier ce petit désagrément. Le jeune cinéaste réussit à imposer sa patte singulière à ce récit, accumulant les trouvailles de mise en scène. Il compose notamment quelques plan-séquences étourdissants de virtuosité, qui permettent de plonger le spectateur au coeur de l’action, au coeur de l’horreur.

Tout juste peut on déplorer quelques longueurs ça et là, ainsi que de petites baisses de rythme entre les segments qui composent le récit. Pour le reste, force est de constater que le résultat est à la hauteur des attentes. Tourné directement pour la télévision (la chaîne Netflix), Beasts of no nation a toutes les qualités d’un très bon film de cinéma : mise en scène solide, jeu d’acteurs  inspiré, environnements visuels et sonores soigné, sujet fort,…  Il gagne probablement à être vu sur grand écran et les organisateurs de la Mostra de Venise 2015 ont eu une très bonne inspiration en le programmant dans leur sélection officielle en compétition.

(1) : Le nom du pays n’est jamais évoqué, ni dans le film, ni dans le roman

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Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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